Parti d’un simple magasin en Allemagne, Aldi est devenu un empire mondial avec plus de 12 000 supermarchés. L’histoire de cette ascension spectaculaire pourrait bien vous étonner.

Entre disputes familiales et enlèvement, plongez dans l’histoire captivante de cette épicerie familiale qui a conquis le monde. Cliquez ou faites défiler la galerie pour tout découvrir.

Adaptation française par Laure Bartczak et Laëtitia Lord

Tout commence en 1913, lorsque Anna Albrecht ouvre une épicerie baptisée Karl Albrecht Spirituosen und Lebensmittel à Schonnebeck, un quartier modeste de la ville d’Essen, en Allemagne.

Ses deux fils Karl et Theo s’impliquent très tôt en aidant leur mère dans le magasin.

À la fin de la Seconde Guerre mondiale, Karl et Theo rentrent du front et découvrent que l’entreprise familiale a miraculeusement survécu aux nombreux bombardements aériens.

Les deux frères décident alors de reprendre le commerce de leur mère et d’en faire le « premier magasin discount au monde ». En 1948, ils fondent la société Albrecht KG et, dans les années qui suivent, ouvrent quatre magasins dans la région.

Connue pour son sens aigu de l’économie, la famille Albrecht ne déroge pas à ses principes. Theo (sur cette photo) est réputé pour recycler des bouts de crayons, porter des costumes usés et éviter tout signe ostentatoire de richesse. Son immense fortune ne changera rien à son mode de vie.

Fidèles à leur esprit frugal, les deux frères élaborent une stratégie commerciale simple, mais redoutablement efficace : proposer des prix très bas en se concentrant uniquement sur des denrées non périssables et en retirant rapidement des rayons les produits peu populaires.

Pour réduire les frais généraux et assurer une croissance progressive de leur entreprise, Theo et Karl Albrecht misent sur le développement d’une chaîne de petits supermarchés. Ces magasins compacts séduisent rapidement les clients grâce au bouche-à-oreille, un atout essentiel puisque les frères Albrecht refusent tout investissement publicitaire pour limiter les coûts.

En 1950, leur stratégie porte ses fruits : ils possèdent déjà treize magasins dans la vallée de la Ruhr, en Allemagne.

En 1954, les frères Albrecht, toujours à la recherche d’innovation, révolutionnent le commerce de détail en ouvrant le tout premier magasin en libre-service d’Allemagne. Le succès est immédiat.

En 1960, Theo et Karl Albrecht gèrent déjà un réseau de 300 magasins et génèrent un chiffre d’affaires annuel de plusieurs millions d’euros. Cependant, cette même année, un événement inattendu va transformer leur entreprise à jamais...

Après plus de dix ans de collaboration, des désaccords éclatent entre Theo et Karl, notamment sur la question de vendre ou non des cigarettes dans leurs magasins.

Face à ces tensions croissantes, les deux frères décident de diviser la chaîne en deux entités distinctes. Theo prend la tête d'Albrecht-Diskont Nord, qui commercialise du tabac, tandis que Karl devient PDG d'Albrecht-Diskont Süd, qui refuse d’en vendre.

En 1962, les deux frères, qui travaillent toujours ensemble malgré leur désaccord, renomment leurs groupes Aldi Nord et Aldi Süd, d’après les deux premières lettres d’Albrecht et de Diskont. Aldi Nord se charge de la gestion des magasins du nord de l’Allemagne, tandis qu’Aldi Süd, des magasins situés dans le sud du pays. Au milieu, une frontière connue sous le nom de « l’équateur Aldi ».

En 1966, les deux entreprises deviennent financièrement et juridiquement distinctes. À cette époque, l’Allemagne compte 200 magasins Aldi Süd.

Le groupe Aldi fait ses premiers pas sur le marché international en 1967, lorsque Aldi Süd rachète Hofer, une chaîne de magasins d’alimentation autrichienne. Aldi Nord suit en 1973 en s’implantant en Belgique.

L’histoire d’Aldi prend une tournure dramatique en 1971 lorsque Theo Albrecht (ici au centre) est enlevé et tenu en joue par un avocat mécontent, Heinz-Joachim Ollenburg, et son complice Paul Kro.

Une rançon de 7 millions de deutsche marks, soit l’équivalent de plus de 20,5 millions d’euros aujourd’hui, est payée et Theo Albrecht est libéré après 17 jours de captivité. Par la suite, Albrecht tentera de faire passer le montant de la rançon comme une dépense déductible des impôts.

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Suite à cet enlèvement, les Albrecht se distinguent par une discrétion extrême concernant leur vie privée. Theo est même décrit par Forbes comme étant « plus reclus qu’un yéti ». La dernière photo connue où Theo apparaît seul date de 1971, peu après sa libération par ses ravisseurs. La dernière image des deux frères ensemble remonte, quant à elle, à 1987.

Après ce traumatisme, Theo aurait adopté des mesures de sécurité rigoureuses, notamment en se rendant au travail dans une voiture blindée et en changeant d’itinéraire quotidiennement.

La relation entre Theo et Karl a été portée à l’écran en 2018, dans le docu-fiction allemand Die Aldi-Brüder, avec les acteurs Arnd Klawitter (Theo) et Christoph Bach (Karl) (en photo).

En 2010, Theo Albrecht s’éteint à l’âge de 88 ans, laissant derrière lui une fortune nette estimée à 16,7 milliards de dollars, soit plus de 22,6 milliards d’euros en valeur actuelle. Cette même année, Forbes le classe comme la 31ᵉ personne la plus riche du monde.

Les deux frères avaient quitté leurs postes de PDG dès 1993. Aujourd’hui, l’empire des supermarchés Aldi est contrôlé par plusieurs familles. Lorsque Karl Albrecht (en photo) décède en 2014, à l’âge de 94 ans, il est l’homme le plus riche d’Allemagne, avec une fortune personnelle estimée à 25 milliards de dollars, soit environ 31,2 milliards d’euros en valeur actuelle.

Mais dans les coulisses de l’empire Aldi, un autre conflit familial se prépare. Le testament de la veuve de Theo Albrecht provoque une rupture au sein de la famille suite à son décès en novembre 2018. Cäcilie Albrecht, surnommée la « grande dame » d’Aldi, règle ses comptes avec les cinq enfants de son défunt fils et sa belle-fille Babette (sur la photo), les accusant de dépenses excessives, contraires à la philosophie frugale de l’entreprise.

Cäcilie écarte les enfants de son fils et sa belle-fille de tout rôle futur au sein de l’entreprise. Babette et ses enfants réfutent ces accusations.

Les tensions qui règnent au sein de la famille Albrecht ne freinent cependant pas l’expansion d’Aldi. La chaîne de supermarchés débarque aux États-Unis en 1976, avec l’ouverture d’un magasin dans l’Iowa. Basée dans l’Illinois, l’entreprise double quasiment de taille Outre-Atlantique au cours de la dernière décennie, avec plus de 2 300 magasins actuellement ouverts, suivant un programme d’expansion aux États-Unis de 5 milliards de dollars (4,7 milliards d’euros) lancé en 2017.

En mars 2024, Aldi annonce vouloir créer 800 magasins supplémentaires aux États-Unis d’ici 2028.

Mais il n’y a pas qu’Aldi Süd qui souhaite s’implanter en Amérique. En 1979, un trust d’Aldi Nord dirigé par Theo Albrecht rachète la chaîne de magasins discount Trader Joe’s, qui exploite aujourd’hui environ 580 magasins aux États-Unis.

Pendant ce temps, en 2023, Aldi Süd conclut un accord pour l’acquisition des chaînes de supermarchés Winn-Dixie et Harveys. Une partie de ces magasins sera transformée en points de vente Aldi dans les années à venir.

Après la chute du Rideau de fer, le groupe Aldi connaît une expansion massive et rapide en Allemagne réunifiée.

Aujourd’hui, Aldi Nord exploite environ 2 200 magasins dans le nord du pays, tandis qu’Aldi Süd en compte environ 2 000 dans le sud.

Le groupe s’implante au Royaume-Uni en 1990, en ouvrant son premier supermarché à Birmingham. En 2023, l’entreprise inaugure son 1 000^e magasin Outre-Manche et annonce son intention d’en ouvrir 500 de plus à l’avenir.

Aujourd’hui, Aldi est l’une des chaînes de supermarchés qui connaît la croissance la plus rapide du pays, en plus de se classer au quatrième rang en termes de part de marché.

Avant 1991, le groupe Aldi exploitait des magasins dans huit pays européens et aux États-Unis. Au cours des trois décennies suivantes, le groupe s’est implanté en Irlande, en Australie, en Espagne, en Slovénie, en Suisse, au Portugal, en Hongrie et en Pologne.

Exploitée par Aldi Nord, la chaîne de supermarchés s’implante à Croix, dans le nord de la France, en 1988. En 2021, elle compte 1 300 magasins à travers le pays. Plus de 75 % des produits alimentaires vendus dans ces supermarchés sont Made in France, donnant à l’entreprise internationale une saveur locale.

Aux dernières nouvelles, Aldi chercherait à rattraper son concurrent Lidl dans le pays. Selon les données de Statista datant d’octobre 2023, Lidl possède plus de 1 500 magasins dans l’hexagone et sa part de marché mensuelle est plus de deux fois supérieure à celle d’Aldi.

En mars 2018, Aldi ouvre ses dix premiers magasins dans le nord de l’Italie, suivis par 40 autres au cours de l’année. Les trois quarts des produits vendus dans les magasins du pays, dont des spécialités régionales, sont sourcés localement. À la différence d’autres pays, chaque magasin dispose d’une cave à vin 100 % italienne.

Par pure coïncidence, Aldi est un nom de famille plutôt courant en Italie. Pour célébrer son lancement, l’entreprise a décidé de rechercher des Italiens portant le nom d’Aldi. L’idée : les faire apparaître dans des vidéos promotionnelles en préparant des plats italiens avec des produits Aldi.

L’expansion d’Aldi n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. En 2010, Aldi Süd quitte la Grèce après seulement deux ans d’activité dans le pays. Au total, le groupe y a investi environ 800 millions d’euros.

Selon les médias grecs, le détaillant n’a pas pu rivaliser avec la chaîne allemande concurrente Lidl, dont la présence est bien ancrée dans le pays.

L’un des derniers accomplissements d’Aldi est l’ouverture en 2019 de ses premiers magasins en Chine. Les supermarchés de Shanghai ressemblent à leurs homologues européens, mais avec une esthétique plus haut de gamme. Ils proposent également un grand comptoir de poissons frais, en plus des produits Aldi habituels importés d’Europe.

Aujourd’hui, Aldi possède 53 magasins à Shanghai. Son projet : en ouvrir 100 dans les années à venir.

La grande question : comment Aldi parvient-il à maintenir des prix aussi bas dans le monde entier ? L’un des secrets de la marque est de proposer une sélection réduite d’articles en rayon, avec seulement 900 produits de base. Cela permet à l’entreprise de disposer de magasins et d’entrepôts plus petits, ce qui réduit considérablement les coûts de location et de personnel.

Par ailleurs, les magasins de la chaîne ne stockent pas beaucoup de produits de grandes marques, ce qui libère de l’espace pour ses propres produits à prix réduits. La politique d’Aldi consiste également à proposer chaque semaine des offres spéciales sur des articles plus chers, comme des produits électroniques, des outils ou encore des articles de maison.

Parallèlement à son expansion internationale, Aldi s’est embarqué dans une série de nouvelles initiatives. Parmi elles : le lancement de ses premiers services de click-and-collect et de livraison à domicile, mis en place pendant la pandémie de Covid-19, ainsi que l’ouverture de son premier magasin sans caisse à Greenwich, à Londres (sur la photo).

Par ailleurs, Aldi devient la première grande chaîne de supermarchés aux États-Unis à déployer la technologie sans caisse dans ses magasins de Chicago. Cette innovation est suivie par l’ouverture de son premier magasin éco-responsable disposant d’une section zéro déchet à Londres en 2022.

La chaîne a bien évolué depuis ses débuts modestes à Essen, en Allemagne. Aldi est aujourd’hui une entreprise de dimension internationale, avec plus de 12 000 magasins dans le monde. Mais comment Aldi Süd et Aldi Nord se positionnent-ils respectivement ?

Aldi Süd est le plus grand des deux groupes, avec plus de 7 000 magasins dans le monde et un chiffre d’affaires net de 76 milliards d’euros en 2022. En plus de gérer ses magasins en Chine, Aldi Süd est également responsable des magasins Aldi situés dans le sud de l’Allemagne, au Royaume-Uni, en Irlande, en Australie, en Suisse, en Hongrie et aux États-Unis, ainsi que de la chaîne Hofer en Autriche et en Slovénie.

De son côté, Aldi Nord est responsable des magasins Aldi situés dans le nord de l’Allemagne, aux Pays-Bas, en France, en Espagne, au Danemark, en Pologne, au Portugal, en Belgique et au Luxembourg. Le groupe gère également la chaîne Trader Joe’s aux États-Unis.

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