Terres rares : ces métaux discrets qui attisent les tensions
Les nations rivalisent pour les éléments clés de la modernité

Le monde tel que nous le connaissons dépend de plus en plus des minerais critiques. Toute notre société repose sur ces matières premières, des smartphones et dispositifs médicaux aux batteries des véhicules électriques et panneaux solaires. Et face à une demande croissante, les pays se battent pour protéger leur approvisionnement de ces composants indispensables.
Ces minerais servent de plus en plus de monnaie d’échange, dans un contexte où les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine se multiplient et risquent de déstabiliser d’autres pays.
Poursuivez la lecture pour découvrir comment ces minerais essentiels forment la base même du monde tel que nous le connaissons et la compétition féroce qu’ils suscitent sur toute la planète. Tous les montants sont en dollars US.
Adaptation française par Aurélie Blain
En quoi les minerais critiques sont-ils si importants ?

Les minerais critiques sont des éléments métalliques et non métalliques essentiels pour les technologies modernes, l'économie et la sécurité nationale.
Ces ressources sont vulnérables aux ruptures de chaîne d'approvisionnement en raison de leur rareté, des tensions géopolitiques et d'autres facteurs de risque.
Sans ces minerais indispensables, la civilisation moderne peinerait à fonctionner et la transition écologique serait pratiquement impossible.
À quoi servent les minerais critiques ?

Aujourd'hui, les minerais critiques alimentent une grande variété de technologies essentielles à notre mode de vie moderne. Il s'agit notamment des smartphones, des dispositifs médicaux ou des composants nécessaires à la production d'énergie renouvelable.
Ils sont également utilisés dans la fabrication de l’acier, du ciment, du verre, des semi-conducteurs, des aimants, des câbles en fibre optique (ainsi que d’autres technologies de télécommunications), des lasers, des armes (et autres matériels de défense), des avions commerciaux, des réacteurs nucléaires, des ordinateurs portables, des engrais… et bien plus encore.
Combien existe-t-il de minerais critiques ?

La définition de ce qui est (ou non) considéré comme un minerai critique varie d'un pays à l'autre. La dernière liste publiée par l'US Geological Survey identifie 50 minerais stratégiques. L'Union européenne et le Japon ont quant à eux établi une liste de 34 « métaux rares ».
L’Australie et le Canada recensent 31 minerais critiques chacun, mais leurs listes diffèrent. L’Australie intègre par exemple l'arsenic, mais pas le Canada. L'Inde en recense 30, la Chine 24 et le Royaume-Uni 18, dans leurs listes respectives.
Quels sont les minerais cruciaux ?

Décomposons ces listes : les États-Unis, l’UE et la Chine identifient 10 minerais critiques qui sont l’aluminium/bauxite, l’antimoine, le cobalt, le cuivre, la fluorite, le graphite, le lithium, le nickel, les terres rares et le tungstène.
L’Agence internationale de l'énergie (AIE) a déclaré quatre de ces 10 minerais, le lithium, le cobalt, le cuivre et le nickel, comme cruciaux pour la transition énergétique.
Lithium

Probablement le minerai stratégique le plus important, cet élément mou et argenté, qui présente la plus faible densité de tous les métaux, est essentiel à la fabrication des batteries qui alimentent les véhicules électriques, smartphones, ordinateurs portables, dispositifs médicaux, drones et satellites.
Le lithium est associé à de l'aluminium et du magnésium pour créer des alliages utilisés dans la fabrication d’avions et de trains à grande vitesse ; des composés de lithium sont également présents dans les climatiseurs et les lubrifiants industriels, en plus d’intégrer certains médicaments pour traiter les troubles bipolaires et comme stabilisateurs de l’humeur.
Demande en lithium

Entre 2017 et 2022, la demande en lithium a triplé, parallèlement à l’expansion du marché des batteries lithium-ion.
En 2030, la demande pour l’équivalent carbonate de lithium (LCE), un terme industriel utilisé pour mesurer la teneur en lithium, devrait dépasser les 2,4 millions de tonnes, soit le double des prévisions pour 2025.
Principaux producteurs de lithium

L’Australie domine largement la production mondiale de lithium. En 2023, la première nation productrice en a extrait 86 000 tonnes, presque le double du Chili, qui en produit 44 000 tonnes et possède les plus grandes réserves mondiales.
La Chine est le troisième producteur, avec l’extraction de 33 000 tonnes de lithium en 2023. Côté entreprises, Albemarle (États-Unis) est le plus grand producteur mondial, suivi de SQM (Chili) et Tianqi Lithium (Chine), comme l’indique Investing News.
Cobalt

Le mot cobalt dérive du mot allemand pour « gobelin », car il est facilement confondu avec de l’argent et sa combustion dégage des fumées toxiques, ce qui amena les mineurs saxons du XVIe siècle à l'associer à la créature mythique.
Bien qu'il ait été historiquement utilisé dans la fabrication de peintures, de bijoux et de verres colorés, le cobalt est désormais un composant stratégique des batteries lithium-ion.
Demande en cobalt

Entre 2017 et 2022, la demande en cobalt a bondi de 70 %. D’ici la fin de la décennie, elle devrait doubler, portée par le besoin croissant en batteries destinées aux véhicules électriques.
En 2030, la demande de cobalt destiné aux batteries devrait atteindre les 320 millions de tonnes, soit 84 % de la demande totale de cobalt, contre 75 % en 2023.
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Principaux producteurs de cobalt

La République démocratique du Congo (RDC) domine largement la production mondiale de cobalt, avec plus de 70 % de l’approvisionnement à l’échelle planétaire. L’exploitation dans le pays est toutefois fortement controversée, l’industrie étant associée au trafic d’êtres humains, à l’esclavage moderne et au travail des enfants, entre autres violations des droits humains.
En 2022, l’Indonésie est devenue le deuxième plus grand producteur de cobalt au monde, devant l’Australie et les Philippines, grâce au triplement de sa production. En ce qui concerne les entreprises, le groupe chinois CMOC devrait devenir cette année le principal producteur de cobalt, surpassant le géant minier suisse Glencore.
Cuivre

Utilisé par l’humanité depuis des millénaires, le cuivre est aujourd’hui le troisième métal le plus consommé au monde. Grâce à ses qualités de malléabilité, de durabilité et de conductivité, il constitue un composant essentiel des équipements électriques.
Le cuivre est donc indispensable à la transition énergétique. Sans lui, les véhicules électriques, les éoliennes, les panneaux solaires et autres technologies liées aux énergies renouvelables n’existeraient pas.
Demande en cuivre

Selon le cabinet de conseil américain McKinsey, la demande annuelle de cuivre devrait dépasser les 36,6 millions de tonnes d’ici 2031, contre environ 25 millions en 2020.
Cependant, l’offre mondiale ne devrait atteindre que les 30,1 millions de tonnes d’ici 2031, entraînant un déficit de 6,5 millions de tonnes. Ce déséquilibre risque de s’aggraver puisque les prévisions annoncent une demande approchant des 50 millions de tonnes d’ici 2035.
Principaux producteurs de cuivre

Le Chili est actuellement le premier producteur mondial de cuivre, avec une production de 5,3 millions de tonnes l’année dernière. Il est suivi par le Pérou (2,6 millions de tonnes) et la Chine (1,7 million de tonnes).
Du côté des entreprises, ce sont les États-Unis qui dominent : les trois principaux producteurs mondiaux de cuivre sont l’Américain Freeport-McMoRan, l’Australien BHP et le Chilien Codelco.
Nickel

Grâce à sa résistance à la corrosion, le nickel est utilisé depuis longtemps pour fabriquer des alliages, notamment l'acier inoxydable.
De nombreuses technologies modernes contiennent du nickel, comme les appareils électroménagers et les smartphones. Ce métal occupe une place croissante et joue un rôle clé dans les technologies vertes, telles que les véhicules électriques et les éoliennes.
Demande en nickel

Ces nombreuses applications alimentent évidemment la demande mondiale en nickel. Selon un rapport publié par Global Industry Analysts, cette demande atteindra les 3,5 millions de tonnes d'ici 2030, contre 1,8 million en 2022, à mesure que la transition énergétique s'accélère. Mining Weekly estime même que la demande pourrait grimper à 3,8 millions de tonnes.
Quelle que soit la prévision exacte, une chose est certaine : cette montée en flèche de la demande risque de provoquer des problèmes d'approvisionnement qui pourraient entraîner une hausse significative des prix ou nécessiter une transformation technologique.
Les principaux producteurs de nickel

L'Indonésie est aujourd'hui le premier centre mondial d'extraction et de raffinage de nickel. En 2022, ce pays d'Asie du Sud-Est a produit 1,8 million de tonnes de ce métal, une production multipliée par six depuis 2010.
Les Philippines se placent en deuxième position avec 400 000 tonnes, suivies par la Russie et le territoire français de Nouvelle-Calédonie, respectivement troisième et quatrième producteurs.
La domination chinoise sur les minerais rares

La Chine domine actuellement l’exploitation des minerais stratégiques au niveau mondial et se positionne parmi les principaux producteurs de nombreux éléments essentiels.
Elle raffine environ 40 % du cuivre, 59 % du lithium, 68 % du nickel et 73 % du cobalt au niveau mondial. La Chine assure également la transformation de 85 % des terres rares, contrôle 100 % de l'approvisionnement en graphite naturel raffiné et plus de 90 % de celui en manganèse.
Une domination qui suscite des inquiétudes

La suprématie chinoise sur l'industrie mondiale des minerais critiques est une source majeure de préoccupation pour de nombreuses nations occidentales, car elle pourrait représenter une menace sérieuse pour leur sécurité nationale et leur prospérité économique.
Ces inquiétudes se sont accrues l'année dernière, lorsque Pékin a limité les exportations de gallium et de germanium, deux minerais essentiels aux applications militaires. En décembre 2024, la Chine a annoncé qu’elle interdirait les exportations de gallium, d’antimoine et de germanium vers les États-Unis « afin de protéger ses intérêts en matière de sécurité nationale », une mesure largement perçue comme un acte de représailles dans le cadre des tensions commerciales croissantes entre les deux pays.
Les États-Unis dépendent à 100 % de la Chine pour leurs besoins en gallium et à 50 % pour le germanium. Dès lors, il n'est pas étonnant que cette superpuissance et ses alliés s'efforcent de briser le quasi-monopole chinois...
Les ambitions russes sur les minerais critiques

La Russie multiplie les efforts pour devenir un acteur de premier plan dans l'industrie mondiale des minerais critiques, et sa stratégie semble porter ses fruits.
Si l'Union européenne a imposé des sanctions à la Russie en réponse à l'invasion de l'Ukraine par Vladimir Poutine, elle a jusqu'à présent refusé d’imposer des restrictions sur les éléments essentiels. Entre mars 2022 et juillet 2023, l'Union a importé pour 15 milliards de dollars (14,5 milliards d'euros) de matières premières stratégiques en provenance de Russie, dont d'importantes quantités de nickel et de cuivre.
Par ailleurs, la Russie prévoit d'investir 1,5 milliard de dollars (1,4 milliard d'euros) pour réaliser son objectif de devenir le deuxième plus grand producteur mondial de terres rares d'ici 2030.
La guerre en Ukraine : premier conflit mondial autour du lithium ?

Certains analystes décrivent la guerre en Ukraine comme le premier conflit mondial lié au lithium.
On estime que la découverte de plus de 500 000 tonnes de lithium en Ukraine, soit les plus grandes réserves d'Europe, aurait pu jouer un rôle dans la décision prise par Vladimir Poutine d’envahir le pays.
L’emprise russe sur les ressources stratégiques africaines

En plus de piller les ressources minérales stratégiques de l’Ukraine, la Russie renforce son emprise sur les réserves africaines.
D’après des documents internes du gouvernement russe consultés par la BBC, Moscou prend le relais de l’ancien groupe Wagner, désormais dissous, en offrant aux gouvernements africains un « programme de survie des régimes » en échange d’un accès aux ressources naturelles stratégiques.
Les États-Unis réduisent leur dépendance aux importations de minerais critiques

Comme mentionné précédemment, les États-Unis dépendent dangereusement de la Chine pour leur approvisionnement en minerais critiques. En effet, celui-ci s’appuie à plus de 80 % sur des sources étrangères et la Chine en est le principal exportateur.
En 2021, le président Biden a signé le décret 14017, intitulé America’s Supply Chains, qui ordonne un examen des vulnérabilités dans les chaînes d’approvisionnement américaines en minerais et matériaux critiques. Le rapport recommande d’intensifier considérablement la production nationale et de collaborer avec des alliés pour diversifier les sources étrangères.
Quelles initiatives pour sécuriser l’approvisionnement américain en minerais critiques ?

L’administration Biden a également investi des milliards de dollars dans l’industrie nationale pour ces minerais.
Ce plan de financement comprend 3,5 milliards de dollars (3,4 milliards d’euros) en soutien aux projets renforçant la fabrication de batteries électriques sur le territoire américain, tandis que le département de l'Énergie a versé 2,8 milliards de dollars (2,7 milliards d’euros) à 20 entreprises afin d’accroître la production et la transformation des minerais rares à l’échelle nationale.
Reste à savoir si le président Trump revenu au pouvoir poursuivra cette mission. Sa relation conflictuelle avec la Chine laisse toutefois présager des tensions persistantes entre ces deux nations et potentiellement le reste du monde.
La bataille sino-américaine pour les réserves africaines de minerais critiques

L’Afrique est devenue un terrain stratégique pour les grandes puissances cherchant à s’emparer de ses réserves de minerais rares. Bien que la Russie se démène pour en prendre le contrôle, la véritable compétition se joue entre la Chine et les États-Unis.
Si la Chine a actuellement une emprise solide sur les ressources africaines, les États-Unis progressent de manière significative. Ils ont récemment signé un protocole d’accord avec la Zambie pour développer une filière de batteries de voitures électriques.
Les États-Unis visent à relancer, en collaboration avec l’Union européenne, le projet ferroviaire du corridor de Lobito, qui transporterait sur près de 2 000 km des minerais critiques depuis la RDC et la Zambie jusqu’à la côte angolaise, où ils pourraient ensuite être expédiés vers les marchés occidentaux.
L’UE sécurise l’approvisionnement en minerais critiques

En complément de la réhabilitation du corridor de Lobito, l’UE met en œuvre des mesures visant à garantir ses approvisionnements en minerais critiques.
Adopté en décembre, le Critical Raw Materials Act de l’Union fixe des objectifs pour 17 matières premières stratégiques. D’ici 2030, l’UE ambitionne entre autres d’exploiter au moins 10 % de ses besoins annuels et d’en transformer 40 %.
L’Inde sécurise son approvisionnement en minerais critiques

De son côté, le gouvernement indien déploie des efforts considérables pour réduire sa dépendance à la Chine et assurer son accès à ces matières essentielles.
Parmi les mesures prises, New Delhi a autorisé l’exploitation minière commerciale de six minerais critiques sur son territoire, dont le lithium et le titane. Elle a également formé des joint-ventures avec des pays alliés comme l’Australie pour diversifier ses sources étrangères.
Le Royaume-Uni sécurise son approvisionnement en minerais rares

Le gouvernement britannique a dévoilé une première stratégie sur les minerais critiques en 2022, puis sa révision en 2023.
Comme les autres nations, le Royaume-Uni cherche à développer sur son territoire la production et la transformation des minerais, tout en renforçant ses partenariats avec des pays alliés pour sécuriser ses approvisionnements.
Le gouvernement vise également à exploiter la position de Londres en tant que centre mondial du financement minier et du commerce des métaux, afin de rendre les marchés internationaux plus réactifs, transparents et responsables.
Quels sont les programmes en cours au Royaume-Uni ?

Le Royaume-Uni dispose de nombreux programmes de financement, notamment le BEIS Automotive Transformation Fund, doté de 1,1 milliard de dollars (1 milliard d’euros), qui soutient Green Lithium, la première raffinerie industrielle de lithium du pays.
Parmi les autres initiatives, on comptera l’Industrial Energy Transformation Fund (445 millions de dollars, soit 432 millions d’euros) et le programme Driving the Electric Revolution (102 millions de dollars, soit 99 millions d’euros), visant à développer la filière des véhicules électriques au Royaume-Uni.
Quels pays tireront profit de la course aux minerais rares ?

Plusieurs nations devraient tirer des bénéfices substantiels de cette course. Le Chili prévoit par exemple de nationaliser son importante industrie du lithium, tandis que l’Australie, le Canada, l’Indonésie et l’Argentine pourraient également profiter de leurs vastes réserves et de leurs relations amicales avec les États-Unis.
Il est clair que des enjeux économiques colossaux et des répercussions majeures pour la planète sont en jeu. Seul l’avenir dira à quoi ressemblera cette industrie dans les décennies à venir…
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