Une citerne devenue maison de rêve : le pari fou d’un couple audacieux
Un pari fou relevé avec brio

Transformer une vieille citerne à gasoil rouillée en habitation... C'est le genre d'idée qui ferait hausser les sourcils ! Pourtant, c'est précisément ce que Martin Otterbeck, 59 ans, a entrepris de faire. En découvrant une citerne abandonnée sur l'île norvégienne de Skrova, il a su déceler son potentiel bien au-delà de son apparence délabrée.
Ignorant l'âge et la rouille, Martin a vu dans cette structure métallique une opportunité unique. Armé d'une vision ambitieuse et d'une détermination sans faille, il s'est lancé dans un projet de transformation pour le moins singulier.
Martin nous raconte comment il a réussi à métamorphoser cet endroit improbable en une habitation étonnante. Préparez-vous à découvrir une demeure pas comme les autres, née de l'imagination et du labeur d'un homme qui a osé sortir des sentiers battus.
Cliquez ou faites défiler pour la visite exclusive de cette maison hors du commun...
Adaptation française par Laëtitia Lord
La vie sur l'île

Martin Otterbeck, directeur de la photographie reconnu pour ses longs métrages, fictions télévisées et documentaires, et sa compagne Agnete, l'une des photographes de portrait et de reportage les plus réputées de Norvège, n'ont jamais eu peur de sortir des sentiers battus. Ce couple d’artistes qui avait déjà par le passé élu domicile dans une gare ferroviaire désaffectée à Oslo était parfaitement préparé pour une nouvelle aventure architecturale.
C'est cette soif d'originalité qui les a menés à l'idée audacieuse de transformer une ancienne citerne à gasoil. « Notre travail nous amène à voyager constamment, explique Martin. Nous passons le plus de temps possible dans les Lofoten, en particulier sur les îles de Skrova et Røst ». Un amour pour les paysages isolés de ces contrées qui a sans doute alimenté leur vision pour ce projet hors du commun.
Le potentiel de cette citerne à gasoil

Ce réservoir d’hydrocarbures qui avait autrefois contenu quelque 200 000 litres de gasoil était dans un état de délabrement avancé.
Lorsque Martin découvre en 2007 sa future maison dans le pittoresque village maritime de Skrova, au cœur de l’archipel des Lofoten, il est immédiatement intrigué. Derrière la rouille, il entrevoit déjà tout son potentiel.
Les joies du bricolage

Menuisier de formation, Martin savait qu’il pouvait réduire les coûts en réalisant lui-même l’ensemble des travaux. Titulaire d’un diplôme en ébénisterie et en menuiserie d’intérieur, il a exercé ce métier jusqu’à l’âge de 30 ans.
« Aujourd’hui, la menuiserie est davantage une passion, un loisir, confie-t-il. C’est quelque chose que je fais quand j’ai du temps et de l’inspiration. J’aime travailler de mes mains, que ce soit sur des projets de construction ou des créations artistiques, en parallèle de ma carrière dans le cinéma ».
Intrigué par la forme ronde

Outre les vues panoramiques à 360 degrés sur le fjord norvégien voisin, la forme ronde de la citerne était un autre facteur séduisant. Martin avait toujours voulu construire une maison ronde.
« J'ai toujours été fasciné par les objets ronds et j'aime voir des possibilités là où d'autres voient des problèmes, explique-t-il. Je crois qu'il faut donner un nouveau sens à des objets qui ont perdu leur fonction d'origine tout en préservant leur identité et leur histoire .
Un prix trop attractif pour être ignoré

Martin a demandé au propriétaire combien coûtait la citerne abandonnée. On lui a répondu qu’elle était à vendre pour 15 000 couronnes norvégiennes (91 300 €).
« Mes ressources financières étaient limitées et je devais trouver des solutions à la fois économiques et efficaces, se souvient-il. Le budget que je m’étais fixé pour l’achat et la rénovation du réservoir ne devait pas dépasser un million de couronnes norvégiennes (91 300 €) et j’ai réussi à m’y tenir ».
Signature du contrat

Martin a acheté la cuve à l’automne 2007 à un mareyeur local, dont la famille gérait l’entreprise depuis trois générations.
« Avant mon achat, la plupart des 180 habitants permanents de l’île la considéraient comme une épave rouillée, un déchet environnemental qu’il fallait faire disparaître, raconte-t-il. Mais moi, j’y ai vu la plus belle structure de l’île, perchée sur une colline avec une vue imprenable sur les environs .
L'histoire de la citerne à gasoil

« Le père du vendeur avait obtenu une licence au début des années 1960 pour fournir du gasoil aux pêcheurs qui livraient leurs prises à l’usine », explique Martin.
« La citerne a été construite en 1962 et a servi à ravitailler les bateaux accostant sur l’île jusqu’au début des années 1980. À cette époque, la petite pêche côtière a laissé place à de plus grands navires capables de transformer le poisson directement à bord. La famille a alors réduit ses activités et cessé de vendre du carburant ».
Début des tracasseries administratives

Une fois la citerne achetée, le premier grand défi pour Martin a été d’obtenir l’autorisation municipale nécessaire pour la transformer en maison de vacances moderne.
« Il m’a fallu du temps pour convaincre les autorités locales de l’aménagement du territoire que j’étais vraiment déterminé à concrétiser ce projet, se souvient-il. Heureusement, certaines personnes sur place ont compris ma vision et ont su déjouer les lourdeurs administratives habituelles ».
C’est au printemps 2008 que les travaux de transformation ont véritablement commencé.
Trouver des solutions...

Une fois toutes les autorisations en poche pour transformer la citerne à gasoil en habitation, Martin devait encore surmonter de nombreux obstacles. La première étape concrète consistait à découper le toit et à le surélever de 30 centimètres pour permettre l’aménagement de trois niveaux. Et ce n’était que le début d’un long processus jalonné d’étapes complexes.
« À plusieurs reprises, les choses ne se sont pas passées comme prévu, mais cela m’a donné encore plus envie de trouver des solutions », se souvient-il.
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Et résoudre les difficultés

L’un des principaux défis consistait à isoler la citerne tout en préservant son caractère d’origine.
« Techniquement, la solution la plus simple aurait été d’isoler la citerne par l’extérieur, explique Martin. Mais il aurait alors perdu toute son identité. Autant construire une maison ronde n’importe où ailleurs ».
Une solution d'isolation intelligente

Déterminé à respecter l’identité de la citerne, Martin a trouvé une solution ingénieuse au dilemme de l’isolation. « La citerne est constituée de plaques d’acier, explique-t-il. Et comme chacun le sait, l’acier ne respire pas. L’isolation par l’intérieur aurait donc posé un risque important de condensation ».
Pour contourner le problème, 24 ouvertures de ventilation ont été installées tout autour de la structure, en partie haute et en partie basse. Une lame d’air de 5 cm a aussi été ménagée entre l’acier et l’isolant, afin de garantir une bonne circulation de l’air.
Le scepticisme des autres

Martin a également dû faire face au scepticisme de son entourage, peu convaincu par l’ampleur et la nature du projet.
« Per Gunnar, à qui j’ai acheté la citerne, m’a lancé sur un ton mi-figue mi-raisin : Heureusement que le dernier imbécile n’est pas encore né, raconte-t-il. Plusieurs amis étaient dubitatifs. Pour eux, ce projet tenait du fantasme, une lubie qui n’aboutirait jamais ».
Le désir de faire mentir les sceptiques

Plutôt que de se laisser décourager par les doutes exprimés autour de lui, Martin a trouvé dans le scepticisme une source de motivation supplémentaire. « Ces remarques ont eu l’effet inverse sur moi : elles m’ont poussé à prouver que ce projet pouvait vraiment aboutir à quelque chose de beau », explique-t-il.
« J’ai un beau-frère plus âgé que moi que j’apprécie beaucoup. Il est médecin et assez conservateur. Je l’ai pris comme repère et je l’ai emmené avec moi lors de ma première visite à l’intérieur de la citerne. Je me souviens qu’il était très enthousiaste. Ce moment a été révélateur pour moi ».
À l’intérieur de la citerne à gasoil

La citerne est plus spacieuse qu’il n’y paraît de l’extérieur. Son diamètre extérieur atteint 6 mètres, tandis que le diamètre intérieur est de 5,5 mètres.
La structure comprend trois niveaux, ainsi qu’un toit accessible par une trappe. Au rez-de-chaussée, on trouve une cuisine, une chambre et une petite buanderie. Le premier étage abrite une seconde chambre et une salle de bains. Quant au dernier niveau, il accueille un salon et une salle d’observation qui épousent parfaitement les courbes du bâtiment.
S'agrandir pour créer plus d'espace

En 2012, Martin a construit la Mirror House, une annexe au design discret qui se fond dans le paysage, juste à côté de la citerne d’origine.
« La Mirror House comprend une chambre supplémentaire ainsi qu’un espace de rangement où nous pouvons faire sécher le linge et ranger différentes affaires », précise-t-il.
Vivre dans la citerne à gasoil

Aujourd’hui, Martin loue l’ancienne citerne à gasoil sur son site web et via Airbnb. Il y passe aussi beaucoup de temps, profitant pleinement de ce lieu qu’il a façonné de ses mains.
« Mon endroit préféré, c’est le hamac mexicain au troisième étage. J’aime m’y allonger en écoutant The Köln Concert, enregistré par Keith Jarrett en 1975, résonner sur la chaîne stéréo », confie-t-il.
Apprécier les défis en cours de route

Bien qu’il ait traversé quelques moments de frustration, Martin a adoré chaque étape du projet. Il se garde toutefois de prodiguer des conseils à ceux qui seraient tentés de suivre son exemple.
« J’ai pris beaucoup de plaisir à mener ce projet à bien, affirme-t-il. Je suis fondamentalement opposé à l’idée de donner des conseils. Ce qui fonctionne pour moi peut ne pas convenir à d’autres. En revanche, j’aime m’inspirer des idées des autres et j’espère que mes réflexions en inspireront certains à se lancer à leur tour ».
Un point de vue sur l'avenir

Mais Martin ne s’est pas arrêté là. En 2023, il a entamé un nouveau projet baptisé Ettertanken. Son ambition : transformer un ancien château d’eau désaffecté, situé sur l’île norvégienne de Røst, en un lieu de réflexion, de contemplation et un point de vue tourné vers l’avenir. Le projet s’inspire d’une idée du défunt professeur de médecine sociale Per Fugelli.
« Nous voulons concrétiser la vision de Per en redonnant vie au château d’eau, pour en faire un point de repère et un belvédère, au service de la communauté locale de Røst comme des visiteurs », explique Martin.
Un nom à double lecture

Le nom Ettertanken revêt une dimension double en norvégien.
« Il fait référence à la fois à un réservoir physique et au mot ettertanke, qui signifie réflexion ou contemplation, explique Martin. Le projet prend place dans un ancien château d’eau, mais il invite aussi les visiteurs à ralentir et à réfléchir. Ettertanken devient ainsi un espace de réflexion, au sens propre comme au figuré. Nous espérons qu’il deviendra un lieu de paix, où chacun pourra venir se recentrer et méditer sur la vie ».
Une multitude d'objectifs

Comme pour la citerne à gasoil, Martin poursuivait plusieurs objectifs lorsqu’il a entrepris la transformation du château d’eau.
« Nous voulions créer une structure durable à partir d’un repère local, lui donner une nouvelle fonction et concevoir un bâtiment unique, capable d’attirer l’attention sur Røst à l’échelle locale, nationale et internationale, explique-t-il. L’idée était de métamorphoser un monument culturel en un lieu porteur d’une fonction nouvelle et hautement symbolique : un avant-poste dédié à la liberté d’expression, mais aussi un point de vue tourné vers l’avenir ».
Des soutiens venus de l’extérieur

Ettertanken a été achevé à l’été 2024, au terme de quatre années de collecte de fonds.
« Nous avons reçu le soutien du Fonds norvégien pour le patrimoine culturel, de la Direction norvégienne du patrimoine culturel, de Sparebankstiftelsen Nord-Norge, de la municipalité de Røst, de la Fondation Berges, ainsi que de plusieurs donateurs privés, précise Martin.
Les travaux ont duré un an. Le projet n’a aucune visée commerciale : il repose sur une démarche idéaliste. Il reste ouvert aux visiteurs et vise à encourager la fierté et l’optimisme au sein d’une communauté confrontée au dépeuplement ».
Le courage d'être créatif

Martin est convaincu qu’il est essentiel d’oser concrétiser ses idées créatives.
« Nous avons tous deux mains et une tête, affirme-t-il. C’est tellement plus gratifiant de les mettre au service de la création, de donner vie à quelque chose d’unique pour soi. Cette démarche donnear peut-être envie à d’autres à prendre les rênes de leur propre existence ».
Exploiter pleinement son potentiel

« Aujourd’hui, dans nos sociétés occidentales, beaucoup se plaignent des petits tracas du quotidien. Il est facile de se poser en victime pour des choses insignifiantes », observe Martin.
« Certains ont fait un mode de vie de l’opinion des autres et de la critique permanente. On glisse vite dans le rôle de simple commentateur de la vie. Et pourtant, nous, en Occident, nous bénéficions de privilèges immenses ».
Et maintenant, quelle suite pour le couple ?

Animé d’un optimisme à toute épreuve, le couple ne manque ni de motivation ni d’énergie pour de nouveaux projets.
« Dans nos sociétés occidentales, nous avons des possibilités infinies d’explorer et de nous exprimer, et tout ne doit pas forcément coûter une fortune, souligne Martin. L’avenir nous dira ce qu’il nous réserve. J’ai encore quelques rêves en tête… peut-être un sauna ! »
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