100 milliards par an : la banane est partout, mais pour combien de temps ?
Bientôt une hausse du prix de la banane ?

Délicieuse, nutritive et abordable, la banane fait partie des fruits les plus appréciés des consommateurs dans le monde.
Selon des estimations, 100 milliards de bananes seraient consommées chaque année, ce qui rend son secteur particulièrement lucratif.
Malheureusement, son avenir pourrait bien être menacé par les maladies et le changement climatique qui mettent en péril les variétés cultivées à grande échelle.
Lisez cet article pour en savoir plus sur l’état du marché international de la banane, avant d’éplucher l’histoire de ce fruit dont le monde est si friand et de découvrir les actions menées par les scientifiques pour prévenir sa disparition potentielle.
Les valeurs sont exprimées en dollars américains, suivies de leur équivalence approximative en euros.
Adaptation française par Lisa Reymonet et Noémie Bastide
Toute la production repose sur une seule variété

Il existe sur la planète plus d’un millier de variétés de bananes. Cependant, la production du fruit repose en grande partie sur le cultivar Cavendish.
Importées de l’île Maurice au Royaume-Uni en 1830, les premières bananes de ce type furent offertes au sixième duc du Devonshire, William Cavendish, d’où leur nom. Cette variété sélectionnée représente aujourd’hui environ la moitié de la production mondiale et la quasi-totalité des exportations.
La consommation annuelle de bananes

La banane a conquis le monde. Fruit le plus consommé, elle constitue la quatrième culture la plus importante à l’échelle de la planète derrière le riz, le blé et le maïs.
D’après de nombreuses sources, plus de 100 milliards de bananes sont consommées chaque année. En réalité, si l’on en croit les chiffres au niveau mondial, cette quantité serait largement sous-estimée.
Avec une production annuelle avoisinant les 135 millions de tonnes et une tonne équivalant à environ 9 000 bananes, cela représente plus de 1 000 milliards de bananes cultivées chaque année dans le monde.
Le marché de la banane

Si la banane fait partie des fruits les plus abordables sur les étals, elle n’en reste pas moins très lucrative : selon la société d’informations commerciales et de conseil Mordor Intelligence, son marché aurait atteint les 140,84 milliards $ (137,2 Mds €) en 2024.
La majorité de la production est consommée localement, mais le marché d’exportation de la banane représentait tout de même 12 à 13,5 milliards $ (11,7 à 13,1 Mds €) en 2022.
Le plus grand producteur

Bien que plus de 150 pays cultivent ce fruit, l’Inde en est le plus grand producteur. Selon les estimations les plus récentes, cette nation produirait aux alentours de 35,4 millions de tonnes de bananes par an, ce qui le place largement en tête du classement.
En 2023, il n’a pourtant exporté qu’un pour cent de sa production composée de 670 variétés de bananes, allant de la plus répandue, à savoir la Cavendish, en passant par la Poovan, la Yelakki et la Nendran. Les plantations des États d’Andhra Pradesh, de Maharashtra, de Gujarat, de Karnataka et de Tamil Nadu représentent à elles seules 65 % de cette production.
Les autres grands producteurs

L’Inde produit presque trois fois plus de bananes que la Chine, qui est pourtant le numéro deux mondial. Selon le site World Population Review, la RPC en récolte 12 millions de tonnes par an, suivie par l’Indonésie avec 7,3 millions.
Les autres grands producteurs du top 5 mondial sont le Brésil (6,8 millions de tonnes), l’Équateur (6,6 millions de tonnes) et les Philippines (6 millions de tonnes).
Les plus grands exportateurs

En Inde, la quasi-totalité des bananes produites est destinée au marché intérieur, à l’instar de la Chine, de l’Indonésie et du Brésil.
En 2022, le premier exportateur en valeur est l’Équateur, qui a expédié pour 3,5 milliards $ (3,4 Mds €) de bananes. Les Philippines viennent ensuite avec 1,1 milliard $ (1,07 Md €), suivies par le Guatemala, dont la quasi-totalité des bananes exportées représentant 1,07 milliard $(1,04 Md €) finit aux États-Unis.
Le plus grand importateur

Depuis 1961, les États-Unis sont le premier importateur de bananes au monde.
Ayant acheté pour 2,9 milliards $ (2,8 Mds €) de ce fruit en 2022, le pays se fournit principalement au Guatemala et, dans une moindre mesure, en Équateur, au Costa Rica et en Honduras.
Les autres grands importateurs

En 2022, ayant acheté pour 1,2 milliard $ (1,16 Md €) de bananes, la Chine se place en deuxième position du classement des plus grands importateurs au monde. Ses principaux fournisseurs sont les Philippines, le Vietnam et le Cambodge.
L’Allemagne vient ensuite avec 965 millions $ (936 M€), suivie du Japon avec 898 millions $ (871 M€) et de la Russie avec 781 millions $ (757 M€) – un chiffre qui a sans doute nettement baissé depuis les sanctions liées à la guerre en Ukraine.
Les autres grands importateurs qui complètent le top 10 sont les Pays-Bas, la France, la Belgique, le Royaume-Uni et l’Italie.
Les économies les plus dépendantes du commerce de la banane

Si l’Équateur est le premier exportateur de bananes en valeur, les expéditions de ce fruit ne représentent qu’une part relativement modeste de 9 % de ses recettes d’exportation.
À l’inverse, les îles du Vent dans les Caraïbes (Grenade, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Sainte-Lucie et la Dominique) ont une économie majoritairement basée sur le commerce de la banane. Selon l’organisation caritative Fairtrade Foundation, environ un cinquième de leurs recettes d’exportation serait tiré de ce fruit.
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Les plus grands consommateurs

En 2021, le pays qui consommait le plus de bananes n’était autre que la Papouasie-Nouvelle-Guinée, avec 117 kg par habitant. Le site World Population Review ainsi que d’autres sources placent, eux, l’Ouganda en première position en 2023.
D’après les chiffres de 2021, le Rwanda occupe la deuxième place, suivi des Comores, du Laos, du Burundi, du Guatemala et du Pérou.
À l’autre bout du spectre, on retrouve le Turkménistan et la Corée du Nord parmi les pays qui consomment le moins de bananes par habitant.
La banane, pilier de l’alimentation dans certains pays

Dans certaines régions du monde, la banane fait partie intégrante de l’alimentation de base.
Au Rwanda, elle représenterait 17,2 % des apports caloriques quotidiens, près de 11 % au Laos, 6,8 % aux Samoa et 4,9 % aux Kiribati, selon Bayer.
Les plus grands importateurs de bananes par habitant

Les Kiwis adorent les bananes.
C’est en tout cas ce que suggèrent les statistiques de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture : la Nouvelle-Zélande importe plus de bananes par habitant que n’importe quel autre pays développé. L’essentiel de son approvisionnement, soit près de 69 %, provient de l’Équateur.
En une année, un ménage néo-zélandais achète pour environ 80 $ (77,6 €) de bananes.
Les pays où la demande de bananes explose

Les bananes gagnent en popularité dans un certain nombre de pays.
Selon le site World’s Top Exports, les trois pays dans lesquels les importations de bananes augmentent le plus rapidement sont le Liban (hausse de 168,9 % en 2022 par rapport à 2021), la Colombie (hausse de 165,8 %) et le Costa Rica (hausse de 100,6 %).
Là où les bananes coûtent le plus cher

La Jamaïque est le pays où la banane coûte le plus cher.
D’après la base de données Numbeo, un kilogramme de bananes coûte en moyenne 3,22 €) en Jamaïque et 2,95 € à Macao, qui occupe la deuxième place du classement.
En Europe, c’est au Danemark que ce fruit est le plus cher, soit 2,94 € le kg. À titre de comparaison, le kilo ne coûte en moyenne que 2,04 € en France, 2,05 € en Belgique et 2,11 € en Suisse.
La banane, un fruit vieux comme le monde

La banane serait apparue il y a 10 000 ans, ce qui, d’après certains scientifiques, en ferait le fruit le plus ancien au monde.
On pense que la banane a été cultivée pour la première fois en Asie du Sud-Est, dans ce vaste territoire qui englobe aujourd’hui la péninsule Malaise, l’Indonésie, les Philippines et la Papouasie-Nouvelle-Guinée.
La banane aurait ensuite été introduite en Inde, en Afrique, puis en Polynésie par les commerçants et les navigateurs.
Quand Alexandre le Grand ramène la banane en Europe

On trouve des références à la banane dans des écritures bouddhistes datant de 600 avant J.-C., ainsi que dans les premiers écrits grecs, latins et arabes.
C’est au cours de sa campagne en Inde, au IVe siècle avant J.-C., qu’Alexandre le Grand aurait découvert la banane, qu’il aurait ensuite introduite en Europe.
En Chine, la banane apparaît à partir du IIe siècle avant J.-C.
Des bananes sauvages pleines de graines

Remplies de grosses graines et assez peu charnues, les premières bananes n’avaient rien à voir avec le fruit que nous connaissons et apprécions aujourd’hui.
Ce n’est qu’aux alentours de 650, en Afrique, qu’apparaît une banane proche de celle que nous connaissons aujourd’hui. Le croisement de deux espèces sauvages, Musa acuminata et Musa balbisiana, donne alors naissance à un fruit sans graines et plus charnu.
L’origine du nom « banane »

Mentionné pour la première fois dans le carnet de bord d’un navigateur de la fin du XVIe siècle, le mot « banana » proviendrait du portugais ou de l’espagnol, qui l’aurait lui-même emprunté au wolof (langue de l’Afrique de l’Ouest). Il s’est ensuite francisé en « banane ».
Une autre théorie fait remonter son origine au terme « banan » désignant le doigt en arabe, et avance qu’il aurait été inventé par des marchands d’esclaves. En effet, de par leur petite taille, les bananes issues des premiers cultivars ressemblaient à des doigts.
Les premières plantations de bananes

Les marins portugais ont établi les premières plantations de bananes dans les îles Canaries au XVe siècle. Il est intéressant de noter qu’en espagnol, il existe deux termes pour désigner la banane : « banana » et « plátano ». Leur emploi diffère en fonction des pays.
« Plátano » serait dérivé du mot caribéen se référant à la banane, qui, sous l’influence du terme espagnol signifiant « platane », aurait subi des modifications. C’est également de là que vient le mot plantain, utilisé pour désigner une variété de banane riche en amidon souvent utilisée en cuisine.
La banane met le cap sur les Amériques

C’est au XVIe siècle que la banane fait son apparition en Amérique, d’abord à Hispaniola, puis dans les autres îles des Caraïbes et sur le continent. Au départ, le bananier était utilisé comme plante intercalaire, et son fruit, bon marché et riche en calories, était destiné à nourrir les esclaves dans les plantations.
Le développement des exportations au XIXe siècle permit à la banane de pénétrer le marché américain en 1876.
Aux origines de l’expression « république bananière »

L’expression « république bananière » fut inventée en 1901 par l’écrivain américain O. Henry. Il en fit mention pour la première fois dans son livre Présidents et bananes (1904), dont l’intrigue se passe dans un pays fictif qui rappelle le Honduras.
Il a fini par désigner de façon péjorative un pays dont l’économie repose sur un seul produit d’exportation, exploité par des intérêts étrangers et dirigé par un régime autoritaire gangrené par la corruption.
La Gros Michel disparaît au profit de la Cavendish

Au début du XXe siècle, la banane devient un fruit très répandu. Jusqu’aux années 1950, c’est le Gros Michel qui domine le commerce mondial.
Mais cette variété est presque entièrement décimée par la fusariose du bananier, plus connue sous le nom de maladie de Panama.
La Cavendish prend alors le relais : ses fruits sont certes plus petits et moins savoureux, mais cette variété est résistante à cette souche du champignon.
Toutefois, il n’est malheureusement pas exclu qu’elle puisse elle aussi disparaître…
Le problème posé par la Cavendish

Longtemps appréciée pour la taille et la saveur de ses fruits, la Gros Michel a laissé place à la Cavendish, une variété plus résistante et au rendement élevé. Elle présente un autre avantage majeur : elle mûrit très lentement par rapport aux autres variétés de bananes, ce qui en fait une candidate idéale pour l’exportation.
Cependant, cette variété reste vulnérable en raison de son manque de diversité génétique. Toutes les bananes Cavendish sont des clones, c’est-à-dire qu’elles sont toutes génétiquement identiques. Comme les plants sont obtenus par multiplication, il n’y a aucune chance que ces bananiers développent des gènes de résistance aux maladies, ce qui les rend particulièrement vulnérables aux nouveaux agents pathogènes. Si un bananier Cavendish tombe malade, c’est donc toute la culture mondiale qui risque d’en pâtir.
La souche TR4 gagne du terrain

En 1997, une nouvelle souche de la maladie de Panama à laquelle la Cavendish n’était pas résistante est apparue en Australie. Décrite depuis comme le COVID-19 des bananes, la souche TR4 s’est propagée en Inde, en Chine, au Moyen-Orient et en Afrique, et a fini par être découverte en Amérique du Sud en 2019, provoquant l’état d’urgence en Colombie.
Bien que la souche TR4 ne soit pas aussi virulente que celle qui a décimé la Gros Michel, elle représente néanmoins une menace existentielle pour la Cavendish.
Le changement climatique : un danger pour le secteur

Les bananiers, y compris la variété Cavendish, sont de plus en plus menacés par le changement climatique. Ils sont non seulement sensibles à la hausse des températures, mais le réchauffement favorise aussi la propagation de la souche TR4.
Malheureusement, la hausse des coûts des engrais, de l’énergie et du transport maritime ainsi que la pénurie de main-d’œuvre ne font qu’assombrir le tableau… Les jours de la banane bon marché semblent comptés et il y a fort à parier que le prix de ce fruit va beaucoup augmenter dans les prochaines années.
La banane résiste (encore et toujours) à l’inflation

À ce jour, les prix de la banane restent relativement stables et le fruit semble bien résister à l’inflation.
Les analystes expliquent cette situation par plusieurs facteurs, notamment l’efficacité de la chaîne d’approvisionnement mondiale, l’abondance de l’offre et le faible coût de la main-d’œuvre.
Mais selon le Forum mondial de la banane, cette stabilité pourrait être de courte durée. Le changement climatique met en péril l’ensemble du secteur, qui peinera bientôt à en absorber les effets, entraînant, à terme, une hausse inévitable des coûts.
Pas de remplaçante pour la Cavendish

Bien qu’il existe de très nombreuses variétés de bananes, aucun cultivar ne réunit aujourd’hui toutes les caractéristiques clés de la Cavendish : sa grande taille, son goût sucré, son haut rendement et son temps de maturation relativement long.
Sur le site Web des jardins botaniques royaux de Kew, un article rédigé en 2020 avertissait que contrairement aux années 1950, décennie marquant la disparition de la Gros Michel, il n’y a, cette fois-ci, aucun cultivar de remplacement en réserve pour la remplacer.
Les actions menées par les chercheurs

Les chercheurs font actuellement tout leur possible pour sauver le secteur mondial de la banane.
Ils ont notamment modifié génétiquement le fruit pour le rendre plus résistant aux maladies et moins vulnérable à la hausse des températures. Des chercheurs de l’université de Cambridge ont par ailleurs mis au point une nouvelle technique de greffe pour renforcer la robustesse de la plante.
Une course contre la montre pour sauver le secteur

Les experts du domaine agroalimentaire prônent également l’abandon de la monoculture et recommandent aux agriculteurs de diversifier les variétés cultivées.
Pendant ce temps, ces mêmes chercheurs s’engagent dans une course contre la montre pour sauver le secteur en espérant que leurs efforts porteront leurs fruits. La banane bon marché ? Cela pourrait bientôt appartenir au passé.
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