La Chine leur a prêté des milliards, mais peuvent-ils rembourser ?
Les principaux emprunteurs de la Chine

En 2013, le président chinois Xi Jinping a lancé l'Initiative « la Ceinture et la Route » (BRI). Ce programme ambitieux visait initialement à investir massivement dans les infrastructures reliant l'Asie à l'Europe. Il s'est toutefois rapidement élargi à d'autres régions du monde et en particulier aux pays en développement.
Dix ans plus tard, la Chine est devenue le principal créancier institutionnel mondial, et le nombre de paiements en retard qu’elle doit percevoir augmente, alors que Pékin fait face à ses propres difficultés financières. Selon le laboratoire de recherche AidData, près de 80 % du portefeuille de prêts internationaux de la Chine concerne désormais des pays en détresse financière, avec un total de plus de 1 000 milliards de dollars (919 Md€) dus à la Chine.
Découvrez les 30 plus gros débiteurs de la Chine et ceux qui peinent à rembourser. Les chiffres de la dette, fournis par AidData, concernent une période allant de 2000 à 2021. Tous les montants indiqués en dollars sont en dollars américains, sauf indication contraire.
Adaptation française par Aurélie Blain
Biélorussie : dette totale de 11 Md$ (10 Md€)

De nombreux prêts accordés par la Chine durant la frénésie financière liée à la BRI visaient des projets d'infrastructures majeurs, sans toutefois intégrer de pratiques adéquates de gestion des risques pour en garantir le remboursement.
L’octroi de prêts en dollars et en euros à des pays comme la Biélorussie, qui ont ensuite fait face à des sanctions internationales les empêchant d’effectuer des transactions dans ces devises, en est un bon exemple.
Aujourd’hui, la Biélorussie doit 11 milliards de dollars (10 Md€) à la Chine. Une grande partie de cette somme a été investie dans la logistique et la production, notamment dans le parc industriel Great Stone, qui a attiré des entreprises chinoises grâce à des incitations fiscales.
Turkménistan : dette totale de 12,2 Md$ (11,2 Md€)

La Chine a également prêté d’importantes sommes d’argent au Turkménistan, un pays d’Asie centrale riche en gisements de gaz et de pétrole.
La Chine a financé environ 6 430 km de pipelines pour transporter du gaz naturel du Turkménistan jusqu'à la province du Xinjiang. Ce projet a été achevé en 2009, et les autorités turkmènes ont annoncé l’avoir remboursé en 2021. Cependant, le coût exact n’a jamais été rendu public, les estimations variant entre 8 et 10 milliards de dollars (7,3 à 9,2 Md€).
Kenya : dette totale de 12,7 Md$ (11,7 Md€)

Le Kenya a emprunté environ 5 milliards de dollars (4,6 Md€) pour construire la ligne ferroviaire reliant Mombasa à Nairobi. Inaugurée en 2017 avec des temps de trajet réduits de moitié, la ligne est considérée comme un véritable succès.
Certains critiques ont toutefois exprimé leurs préoccupations concernant son impact environnemental et social, la voie ferrée traversant le parc national de Nairobi, tandis que d'autres doutent de la viabilité financière du projet en raison de son calendrier de remboursement serré. Le projet prévoyait initialement de rejoindre l’Ouganda voisin, mais cette portion a finalement été supprimée, privant ainsi la ligne d’échanges transfrontaliers et mettant en péril son équilibre financier.
En octobre 2023, le président kényan William Ruto a demandé à la Chine un rééchelonnement des remboursements du projet ferroviaire, ainsi qu’un prêt supplémentaire d’un milliard de dollars (920 M€) pour de nouveaux projets routiers. Plus tôt dans l’année, AP et d’autres organes de presse ont dévoilé des retards de paiements dans les salaires des fonctionnaires, dans le but d’économiser de quoi rembourser ses emprunts à l’étranger. Face à une menace de grève générale, le gouvernement a dû signer une augmentation des salaires des fonctionnaires au 1er juillet 2024.
République démocratique du Congo (RDC) : dette totale de 13,1 Md$ (12 Md€)

La République démocratique du Congo (RDC) aurait accumulé des dettes de plus de 13 milliards de dollars (12 Md€) envers la Chine au cours des deux dernières décennies, une grande partie de cette somme étant liée à des investissements dans l'exploitation minière et les infrastructures.
Dans le cadre de son prêt lié à la BRI, la RDC est l'un des nombreux pays qui, selon le rapport d'AidData, doit « maintenir un solde de trésorerie minimum équivalent à 20 % de sa dette totale en cours, dans le cadre de plusieurs accords de prêt de la China Eximbank, sur un compte séquestre offshore contrôlé par le prêteur ».
En période de ralentissement économique ou de détresse financière, il devient de plus en plus difficile pour les emprunteurs de satisfaire ces exigences, ce qui étouffe la croissance économique potentielle qui pourrait autrement les aider à rembourser leurs prêts, entraînant ainsi un cercle vicieux. Parallèlement, d'autres créanciers hésitent à proposer des renflouements, car les comptes séquestres placent la Chine en première position pour le remboursement en cas de défaut de paiement du pays sur ses prêts. En conséquence, de nombreux critiques ont qualifié la BRI de véritable « piège de la dette ».
Au début de l'année 2023, les réserves de liquidités étrangères auraient chuté de plus de 50 % en RDC, alimentant les craintes que cette nation appauvrie n'épuise rapidement ses fonds pour des importations essentielles de nourriture et de carburant. En juillet 2024, les réserves étrangères, décrites comme fragiles, ne pouvaient couvrir que trois mois d'importations.
Zambie : dette totale de 13,5 Md$ (12,4 Md€)

De manière assez similaire, la Zambie a emprunté 13,5 milliards de dollars (12,4 Md€) à la Chine pour construire des routes, des chemins de fer et des barrages, mais les remboursements consomment une grande partie de ses revenus fiscaux, au point que le pays a dû reconnaître son défaut de paiement.
Depuis, l’inflation a augmenté de 50 %, la monnaie locale a perdu 30 % de sa valeur et le chômage a atteint des niveaux records. Selon les estimations des Nations unies, environ 3,5 millions de personnes ne peuvent plus se nourrir. Afin de mettre ces données en perspective, la population actuelle s’élèverait à 20 millions d’habitants, d’après Worldometer.
Les deux pays ont passé une partie de l’année à négocier des options de restructuration de la dette, mais aucune décision finale n’a encore été annoncée.
Myanmar : dette totale de 13,7 Md$ (12,6 Md€)

Face aux sanctions imposées par de nombreux grands prêteurs en raison des violations des droits humains dans le pays, le Myanmar se tourne depuis plusieurs années vers la Chine pour financer ses investissements. La dernière série de financements, conclue en 2018, inclut des fonds destinés à une mine de cuivre, un projet ferroviaire et un port en eau profonde, des initiatives largement contestées par la population locale.
Le coup d'État de février 2021, qui a plongé cette nation d'Asie du Sud-Est dans une période d'instabilité politique, a suscité un fort sentiment antichinois, entraînant la destruction de nombreuses usines.
Depuis ce coup d'État, le Myanmar a cependant relancé plusieurs projets initialement prévus. Le pays a également cherché à établir des partenariats avec d'autres nations, telles que Singapour et l'Inde, afin de réduire sa dépendance à l'égard de la Chine.
Nigeria : dette totale de 14,5 Md$ (13,3 Md€)

Le Nigeria a emprunté 14,5 milliards de dollars (13,3 Md€) jusqu'en 2021.
Face à des difficultés économiques, ce pays d'Afrique de l'Ouest a contracté plusieurs prêts d'urgence auprès de Pékin, qui appliquerait des taux d'intérêt plus élevés, d'environ 5 %, par rapport aux 2 % généralement pratiqués par le Fonds monétaire international (FMI). L'Office nigérian de gestion de la dette a annoncé qu'environ 500 millions de dollars (460 M€) avaient été ajoutés à son total de créances envers la Chine.
Des milliards de dollars chinois ont été investis dans une multitude de projets, allant du port en eau profonde de Lekki à des lignes ferroviaires, en passant par des aéroports et la première ligne de métro de Lagos (en photo).
Égypte : dette totale de 15 Md$ (13,8 Md€)

Les entreprises de construction chinoises ont joué un rôle majeur dans la réalisation des infrastructures récentes en l'Égypte, notamment des centrales électriques et la Nouvelle capitale administrative (NAC). Située à 45 km à l'est du Caire, cette nouvelle ville accueillera le siège du gouvernement et devrait, à terme, héberger plus de cinq millions de résidents.
Elle abrite l’Iconic Tower, la plus haute tour d'Afrique, mais demeure en grande partie inoccupée, ce qui suscite de fréquentes critiques quant à la vanité du projet. La Chine a participé à son financement, estimé à 40 milliards de dollars (32 Md€).
Confronté à une économie égyptienne en grande difficulté, qui a même provoqué une ruée vers l'or en 2022, le gouvernement a sollicité des prêts et des aides du FMI, des Émirats arabes unis et de l'Arabie saoudite. En octobre 2023, le pays a signé un accord de conversion de créances avec la Chine pour financer de nouveaux projets de développement.
Malaisie : dette totale de 15,9 Md$ (14,6 Md€)

Parmi les pays participant à l'initiative chinoise (BRI), la Malaisie a mené certains des projets les plus ambitieux, notamment le ligne ferroviaire East Coast Rail Link longue de 640 km.
Le pays a réussi à éviter en grande partie le « piège de la dette » qui touche d'autres nations de la BRI, grâce à des projets principalement initiés par des acteurs locaux plutôt que par Pékin.
Malheureusement, le manque de vigilance des investisseurs chinois a été confronté aux défis liés à la construction d'infrastructures en Malaisie, où la corruption, les problèmes juridiques et les retards ont entravé ces projets.
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Cambodge : dette totale de 16,3 Md$ (15 Md€)

Le Cambodge fait partie des nombreux pays dont la dette envers la Chine dépasse 20 % du PIB nominal.
Si certains analystes politiques s'inquiètent de cette dépendance excessive, qui pourrait exposer le Cambodge au « piège de la dette » observé ailleurs, d'autres sont plus préoccupés par la qualité des infrastructures en cours de construction et par les promesses exagérées des politiciens concernant les avantages de la BRI.
Cependant, l'un des plus grands projets d'investissement chinois au Cambodge, la zone économique spéciale de Sihanoukville, est considéré comme un succès. Ce projet englobe des centaines d'usines et diverses infrastructures, dont des projets routiers d'une valeur d'un milliard de dollars (900 M€), destinés à relier la zone à la ville portuaire voisine de Sihanoukville.
Pérou : dette totale de 16,9 Md$ (15,5 Md€)

Alors que la BRI ciblait initialement la région eurasiatique, la Chine a élargi son champ d’action au monde entier, prêtant notamment à des pays comme le Pérou, qui lui doit actuellement 16,9 milliards de dollars (15,5 Md€).
La Chine est devenu le principal investisseur au Pérou, en particulier dans le secteur minier. Alors que les matières premières péruviennes sont très prisées en Chine, cette dernière a diversifié ses investissements en incluant des infrastructures portuaires, avec la construction d'un mégaport par des entreprises chinoises dans la ville de Chancay.
Depuis 2020, la Chine a cessé de prêter aux gouvernements latino-américains. Selon un rapport de mai 2022 publié par le site d’information VOA, elle se concentre désormais sur des financements privés pour des projets miniers et énergétiques, redoutant le risque d’emprunteurs surendettés.
Soudan : dette totale de 18 Md$ (16,5 Md€)
La Chine investit depuis longtemps dans l'agriculture, les transports et l'énergie au Soudan, avec des investissements estimés à environ 3 milliards de dollars (2 ,7Md€) dans le développement de champs pétrolifères et d'oléoducs jusqu'à Port-Soudan.
Soumis à des sanctions économiques occidentales, le Soudan n'a pas été en mesure de rembourser les prêts contractés en dollars et en euros. En mars 2022, le gouvernement soudanais a révélé devoir 127 millions de dollars (116 M€) de pénalités de retard à ses créanciers chinois.
Cette dette croissante est en outre aggravée par l’exode de nombreux civils fuyant l'intensification des violences et l’instabilité politique ayant conduit à la guerre civile.
Ouzbékistan : dette totale de 18 Md$ (16,5 Md€)
Grâce à ses importantes réserves de gaz naturel, le secteur énergétique constitue une priorité chinoise en Ouzbékistan. L’un de ses projets majeurs dans ce pays est l’usine de production de GTL (gas-to-liquid) d’Oltin Yo’l, inaugurée en 2021, dont la construction a coûté 3,4 milliards de dollars (3,1 Md€).
Les entreprises chinoises ont également financé des usines de textile et de céramique, destinées à la fois aux consommateurs locaux et à l’exportation vers la Chine.
Des améliorations ont également été apportées aux infrastructures de transport et de logistique afin de faciliter ce nouveau commerce. Cependant, cet essor de développement a un coût, et au cours des deux dernières décennies, l’Ouzbékistan a accumulé une dette totale de 18 milliards de dollars (16,5 Md€).
Sri Lanka : dette totale de 19,5 Md$ (18 Md€)
À l'instar de la Zambie, le Sri Lanka est en défaut de paiement sur ses prêts chinois depuis le printemps 2022, au point de ne plus pouvoir rembourser les seuls intérêts.
Le pays a alors traversé sa pire crise économique, avec des centaines de milliers de pertes d'emplois, une inflation galopante atteignant jusqu’à 50 % et une grande partie de la population sombrant dans la pauvreté. Les hausses d'impôts ont déclenché d'importantes manifestations, touchant tous les secteurs, des médecins et professeurs d'université aux travailleurs des ports et de l’industrie pétrolière.
Bien que le FMI ait proposé un plan de sauvetage au Sri Lanka en 2023, le pays a eu des difficultés à remplir les critères nécessaires pour recevoir les versements suivants. En juillet 2024, le pays a signé un accord de restructuration de sa dette, d'une valeur d'environ 10 milliards de dollars (9,2 Md€), avec la Chine et plusieurs autres créanciers, ce qui lui permet de poursuivre ses négociations avec le FMI. Comme d'autres pays, le Sri Lanka a eu recours à des prêts d'urgence chinois, assortis de conditions moins strictes mais à des taux d'intérêt plus élevés.
Bangladesh : dette totale de 20 Md$ (18 Md€)
La BRI ne se limite pas au commerce et aux infrastructures : elle vise également à renforcer les relations de la Chine avec les pays en développement et à « diffuser des messages positifs sur ses activités à l'étranger », selon AidData.
C’est tout particulièrement le cas au Bangladesh. À mesure que l'image de la Chine s'améliorait dans le pays, ses engagements financiers annuels ont considérablement augmenté, passant de 994 millions de dollars (913 M€) au début du programme à près de 3,5 milliards de dollars (3,2 Md€).
Ces flux financiers ont eu un impact positif, contribuant à réduire la pauvreté et à développer des infrastructures majeures, telles que des centrales électriques et des ponts. Durant cette période, la Chine a supplanté son voisin indien en devenant le principal partenaire commercial du Bangladesh. Il n'est donc pas surprenant que Pékin jouisse d'une image très favorable dans le pays.
Éthiopie : dette totale de 20,4 Md$ (18,7 Md€)
En matière de financement et de construction d'infrastructures, les responsables éthiopiens ont déclaré préférer travailler avec la Chine plutôt qu'avec d'autres financeurs, comme la Banque mondiale. Malgré des prêts plus onéreux, la rapidité et la simplicité des accords avec Pékin font pencher la balance.
Des entreprises chinoises ont remporté des contrats pour des projets en plusieurs phases, notamment le Centre international de conventions et d'expositions Addis Africa (AAICEC). La construction de ce centre, entamée en 2017, est toujours en cours.
L'Éthiopie a toutefois été contrainte de demander un allègement de sa dette auprès de la Chine et d'autres créanciers. Comme d'autres pays figurant dans cette liste, elle peine à rembourser la Chine, et ses réserves de devises étrangères (utilisées pour l'achat de biens essentiels tels que le carburant et les denrées alimentaires) sont à un niveau dangereusement faible. En juillet 2024, le FMI a approuvé un programme de prêt d'une valeur de 3,4 milliards de dollars (3,1 Md€) sur quatre ans pour soutenir les réformes économiques, avec le déblocage immédiat d’environ 1 milliard de dollars (900 M€).
Laos : dette totale de 20,6 Md$ (19 Md€)
Une enquête de la Banque mondiale sur les prêts chinois a révélé l'existence de centaines de prêts non déclarés. Bien que plusieurs pays aient bénéficié du financement de la BRI pour développer des infrastructures essentielles, ils se sont rapidement retrouvés lourdement endettés, suscitant des inquiétudes quant à l'impact de cette dette supplémentaire sur leur notation par les agences de crédit.
Pour contourner ce problème, la Chine a créé des sociétés-écrans pour de nombreux projets d'infrastructures majeurs, notamment au Laos, permettant ainsi aux emprunteurs d'accumuler des dettes privées, bien que garanties par le gouvernement. Les résultats de l'enquête ont révélé 385 milliards de dollars (353 Md€) de dettes chinoises dissimulées ou sous-déclarées dans 88 pays, dont beaucoup sont en grande difficulté financière.
Le Laos a par exemple financé son réseau ferroviaire par un prêt de 3,5 milliards de dollars (3,2 Md€), et les chercheurs estiment qu'il faudrait environ 25 % de la production annuelle du pays pour rembourser cette dette. En 2023, les paiements de la dette extérieure du pays ont doublé et la monnaie nationale s'est affaiblie. Submergé par une dette dont les trois quarts sont détenus par la Chine, le Laos cherche des solutions de report de paiement.
Afrique du Sud : dette totale de 21,3 Md$ (19,6 Md€)
Avec quelque 21,3 milliards de dollars (19,6 Md€) de dette accumulée au cours des deux dernières décennies, l'Afrique du Sud est l'un des plus grands emprunteurs du continent.
Cependant, contrairement à d'autres pays de cette liste, elle ne semble pas rencontrer de difficultés pour gérer sa dette chinoise. Les chercheurs expliquent cela par le fait que l'Afrique du Sud disposait déjà de bonnes infrastructures commerciales et logistiques avant la BRI, ce qui rend les investissements dans de nouvelles infrastructures plus rentables et permet ainsi au gouvernement de mieux rembourser.
On notera également que l'Afrique du Sud comptait moins de travailleurs chinois dans ses projets par rapport à d'autres pays.
Équateur : dette totale de 26,3 Md$ (24 Md€)
Une grande partie de la dette équatorienne est liée à des contrats pétroliers, et les conditions de ces prêts sont loin d'être favorables. Après des investissements chinois dans le secteur minier et d'autres infrastructures, le gouvernement équatorien doit livrer jusqu'à 160 millions de barils de pétrole pour rembourser ses emprunts. En 2022, l'Équateur a restructuré sa dette avec la Chine, lui permettant ainsi de vendre davantage de pétrole sur le marché libre.
Les États-Unis sont conscients des multiples impacts des prêts chinois, notamment sur l'accès accru aux ressources naturelles et les difficultés économiques rencontrées par de nombreux pays emprunteurs. Selon The Financial Times, les États-Unis ont conclu en 2021 un accord de 2,8 milliards de dollars (2,6 Md€) avec l'Équateur pour l'aider à rembourser une partie de sa dette envers la Chine, en échange de l'exclusion des groupes chinois des réseaux de télécommunications du pays.
Iran : dette totale de 28 Md$ (25,7 Md€)

Selon l'équipe d'AidData, l'Iran a accumulé une dette totale de 28 milliards de dollars (25,7 Md€) au cours des 20 dernières années. Cependant, une infime partie de cette dette est officiellement reconnue ou liée à la BRI.
Au cours de la dernière décennie, la Chine aurait financé un projet sidérurgique iranien à hauteur de 350 millions de dollars (321 M€), ainsi qu’une ligne ferroviaire reliant Qom à Ispahan pour 2,3 milliards de dollars (2,1 Md€).
Les critiques estiment que cette nouvelle ligne n'est pas économiquement justifiée, alors que d'autres projets ferroviaires, plus susceptibles de générer des revenus pour l’Iran, restent inachevés. De plus, ces projets dépendent principalement de la main-d'œuvre et des matériaux chinois, laissant peu de marge bénéficiaire à l'Iran.
Turquie : dette totale de 28,3 Md$ (26 Md€)

La Turquie et la Chine collaborent depuis longtemps au développement d’infrastructures, les secteurs des transports et de l'énergie étant au cœur de leur coopération, depuis le lancement de la BRI en 2013.
Aujourd'hui, la Turquie et la Chine dirigent un projet d'envergure visant à créer une route commerciale reliant les pays d'Asie centrale et du Caucase. L'idée d'un « corridor central », qui traverserait l'Azerbaïdjan, la Géorgie et le Kazakhstan, est en discussion depuis des décennies, et cette initiative a récemment gagné en intérêt, car elle pourrait constituer une alternative à la traversée de la Russie.
Bien que la Turquie figure dans les dix pays les plus endettés auprès de la Chine selon AidData, elle semble avoir mieux profité du programme, comparé à de nombreuses autres nations de cette liste.
Vietnam : dette totale de 28,8 Md$ (26,5 Md€)

AidData estimait en 2017 que le Vietnam devait plus de 16 milliards de dollars (14,7 Md€) rien que pour le financement de projets de construction, notamment celui de la ligne de tramway Cat Linh-Ha Dong.
Face à une dette qui ne cessait de croître, le Vietnam a cherché à s'éloigner de l'influence chinoise, découragé par les taux d'intérêt élevés et certaines conditions moins favorables, comme le recours aux travailleurs chinois. Depuis, aucun nouveau projet officiellement lié au programme BRI n'a été annoncé.
On pense que le Vietnam a évité le piège de la dette en remboursant ses emprunts sans difficulté. Cependant, le pays connaît une croissance rapide et a besoin d'infrastructures pour soutenir son développement, dans une conjoncture où les capitaux locaux deviennent de plus en plus rares.
Argentine : dette totale de 37,7 Md$ (34,6 Md€)
Historiquement, la Chine a toujours soutenu financièrement l'Argentine, mais c'est avec le lancement de la BRI que les flux d'argent se sont intensifiés, finançant des projets allant des centrales électriques et systèmes d'irrigation aux autoroutes, chemins de fer, et même une station de surveillance spatiale. Lorsque l'Argentine s’est retrouvée en défaut de paiement en 2014, la Chine a procédé à des restructurations pour stabiliser l'économie, évitant ainsi une intervention occidentale.
Cette générosité s'accompagne de conditions strictes, notamment des frais et des assurances de crédit coûteux. Par exemple, pour un prêt de 4,7 milliards de dollars (4,3 Md€) destiné à la construction d'une centrale hydroélectrique, l'Argentine devait payer une pénalité de 1,5 % en cas de défaut, ainsi qu'une assurance de 7 % du montant total du prêt, soit 503 millions de dollars (462 M€), souscrite auprès de la société chinoise Sinosure.
Avec une dette totale de 37,7 milliards de dollars (34,6 Md€) accumulée au cours des 20 dernières années et une crise économique persistante, l'Argentine continue de solliciter la Chine pour des renflouements qu'elle peine à rembourser. Face à près de 5 milliards de dollars (4,6 Md€) de paiements dus en juin et juillet 2024, l'Argentine a collaboré avec le FMI pour réorganiser les paiements à destination de Pékin, espérant ainsi libérer des liquidités.
Brésil : dette totale de 54,3 Md$ (50 Md€)

En Amérique du Sud, le Brésil est de loin le plus grand bénéficiaire des financements de l'initiative BRI et le plus gros débiteur envers la Chine. Les entreprises chinoises ont massivement investi dans le secteur brésilien de l'électricité (près de la moitié des fonds étant destinés à des projets dans ce domaine), tandis que des investissements importants ont également été réalisés dans le pétrole et les mines.
Les responsables américains ont averti l'Amérique latine des dangers du « piège de la dette », qui a provoqué des crises économiques à travers le monde, et l'ancien président brésilien Jair Bolsonaro a exprimé son opposition à l'influence chinoise. Malgré ces critiques, le Brésil a continué de renforcer ses relations commerciales avec la Chine.
Indonésie : dette totale de 55 Md$ (50 Md€)
À l'instar du Vietnam, l'Indonésie avait dissimulé de ses comptes publics un prêt de 4 milliards de dollars (3,7 Md€) destiné à un projet de ligne à grande vitesse. C’est le dépassement de budget de 1,5 milliard de dollars (1,4 Md€) supplémentaires qui a révélé la supercherie, obligeant le gouvernement indonésien à utiliser des fonds publics pour renflouer le projet ferroviaire.
En avril 2023, l'Indonésie a contracté un nouveau prêt de 560 millions de dollars (514 M€) auprès de la Banque de développement de Chine, afin de garantir l'ouverture de la ligne en octobre. Les chercheurs s'inquiètent de voir tomber l’Indonésie dans le piège de la dette à cause de ce projet, phénomène observé dans d'autres pays, d'autant plus que la dette totale du pays envers la Chine est désormais estimée à 55 milliards de dollars (50 Md€).
Kazakhstan : dette totale de 64,2 Md$ (59 Md€)
Les relations entre Pékin et le Kazakhstan se sont avérées tumultueuses au cours des 20 dernières années, durant lesquelles le pays a accumulé une dette totale de 64,2 milliards de dollars (59 Md€). Alors que le Kazakhstan peine à rembourser ses emprunts, la Chine a acquis une part croissante de son industrie pétrolière. Lors d'une crise économique, par exemple, la Chine a fourni 5 milliards de dollars (4,6 Md€), dont environ 3,5 milliards (3,2 Md€) affectés au remboursement d'une dette liée à l'achat d'équipements chinois.
Malgré des relations tendues, le Kazakhstan continue de collaborer avec la Chine pour accroître sa capacité ferroviaire dans les régions frontalières communes, un nouveau mégaprojet ferroviaire ayant été lancé plus tôt cette année.
Angola : dette totale de 64,8 Md$ (59,6 Md€)
L’un des grands paris de la Chine est de compter sur la capacité des pays à rembourser leurs prêts grâce aux recettes des exportations de ressources naturelles, comme c’est le cas pour l’Angola, riche en pétrole. En 2015, la Banque de développement de Chine a accordé un prêt de 15 milliards de dollars (13,8 Md€) obligeant le gouvernement angolais à maintenir en garantie un solde minimum de 1,5 milliard de dollars (1,4 Md€) sur un compte séquestre. Mais lorsque les prix du pétrole ont chuté, le gouvernement n’a plus été en mesure d’honorer sa dette.
La Chine a accepté de rééchelonner le prêt, reportant la majeure partie des paiements tout en utilisant les fonds séquestrés pour couvrir les intérêts, malgré la possibilité que cet argent s’épuise. En mars 2024, les deux pays ont convenu de réduire les mensualités, et l’Angola disposait de 2,5 milliards de dollars (2,3 Md€) sur son compte séquestre en février, selon l’agence de notation S&P Global.
Pakistan : dette totale de 68,9 Md$ (63 Md€)
Le Pakistan a bénéficié du programme BRI, qui a permis la création de 200 000 emplois, la construction de 1 400 km de routes, ainsi que l’extension des ports et l’amélioration du réseau électrique national. Cependant, la majorité des investissements ayant permis ces réalisations sont issus de prêts à des taux quasi commerciaux.
Aujourd'hui, la dette étrangère étrangle le Pakistan et ses réserves de liquidités sont presque épuisées. Le résultat ? Une crise économique dévastatrice, qui a détruit des millions d'emplois et plongé la population dans la pauvreté. Le pays dépend également de prêts d'urgence à taux d'intérêt élevés accordés par la Chine, dont les banques publiques craignent l'impact économique si la dette du Pakistan venait à ne pas pouvoir être remboursée.
Plus tôt cette année, le Pakistan a rencontré des difficultés de remboursement des mensualités d'un prêt de 15 milliards de dollars (13,8 Md€) pour une centrale électrique, et tente actuellement de restructurer cette dette.
Venezuela : dette totale de 112,8 Md$ (104 Md€)

La Chine a pris des risques majeurs au Venezuela en accordant des prêts adossés au pétrole, dont le remboursement pouvait se faire sous forme d'exportations de barils, en cas de défaut de paiement. Ces prêts comprenaient un accord d’emprunt financier et un accord commercial permettant à des importateurs chinois d’acheter du pétrole à la compagnie nationale vénézuélienne PDVSA, qui servait également de garantie.
Suite à la crise financière qui a frappé l'industrie pétrolière, la Chine et le Venezuela se sont retrouvés dans une impasse. Une part croissante des recettes pétrolières était versée à la Chine au lieu d'être réinvestie dans PDVSA, ce qui a compromis les capacités de production de la compagnie, et finalement, la capacité du Venezuela à rembourser sa dette. Pour les analystes du Wilson Center au sein de l'Institut Kissinger, la Chine se retrouve elle-même « prise dans un piège de créances » au Venezuela.
Russie : dette totale de 169,3 Md$ (155 Md€)

La Russie est de loin le plus grand bénéficiaire de fonds dans le cadre du programme BRI, avec une dette totale de 169,3 milliards de dollars (155 Md€) accumulée au cours des 20 dernières années. Toutefois, les chiffres d’AidData ne couvrent que les emprunts effectués entre 2000 et 2021, et il est probable que ce montant ait encore augmenté après l'invasion de l'Ukraine par la Russie.
Face aux sanctions occidentales, Moscou s’est tourné vers Pékin pour obtenir des financements conséquents. Selon certaines sources, les quatre plus grandes banques chinoises auraient quadruplé leur exposition au secteur bancaire russe depuis février 2022. D'après Newsweek, d'autres banques ont choisi de ne pas lui accorder de prêts en raison des sanctions internationales.
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