Avare à l’extrême, ce magnat contrôlait chaque centime… quitte à sacrifier sa famille
Une famille pas comme les autres

Avez-vous entendu parler de la « malédiction des Getty » ?
Héritière d’une fortune colossale bâtie sur le pétrole, la dynastie Getty semblait promise à un avenir radieux. Mais derrière les apparences dorées, l’histoire de cette famille est jalonnée de drames : enlèvement, addictions, décès prématurés, sans oublier les procès retentissants, les liaisons sulfureuses et les divorces en série.
Retour sur le destin à la fois fascinant et tragique de l’une des familles les plus riches – et tourmentées – du XXe siècle. Tous les montants mentionnés sont indiqués en dollars US.
Adaptation française par Noémie Bastide et Laëtitia Lord
Le patriarche

Le membre le plus célèbre de la famille Getty, Jean Paul Getty, plus connu sous le nom de J. Paul Getty, a un jour déclaré qu’« il est avantageux de naître au bon moment ». Et son destin semble lui donner raison.
Né le 15 décembre 1892 à Minneapolis, dans le Minnesota, il est l’unique enfant de George Franklin Getty, patriarche de la dynastie (en photo), et de son épouse Sarah. Il grandit dans un environnement privilégié, façonné par la discipline stricte de son père.
George Franklin Getty, méthodiste rigoureux et fervent abstinent, mène une brillante carrière d’avocat, spécialisé dans le droit des affaires et des assurances. Il prospère dans une ville du Midwest en plein essor, offrant à son fils une enfance confortable. Mais ce succès familial n’est que le prélude d’une saga hors du commun…
Naissance d’une fortune familiale

En 1903, George Getty fait un pari visionnaire en investissant dans l’industrie pétrolière, alors en plein essor. Il part en Oklahoma, où il fonde la Minnehoma Oil Company. À cette époque, le pétrole en est encore à ses débuts, et l’Oklahoma, situé au cœur de cette nouvelle industrie, est sur le point de devenir le plus grand producteur des États-Unis.
Le patriarche des Getty a flairé un filon en or. En seulement deux ans, il accumule une fortune suffisante pour offrir à sa famille une vie de luxe et les installer dans un somptueux manoir à Los Angeles. Son fils J. Paul Getty entame ainsi son adolescence au sein d’une famille immensément riche, prête à bâtir un empire.
Excellence académique

Élève brillant, J. Paul Getty poursuit ses études dans les meilleures universités de Californie avant de rejoindre la prestigieuse université d’Oxford, au Royaume-Uni. C’est là qu’il se lie d’amitié avec le futur roi Édouard VIII, alors prince de Galles.
En 1914, il obtient son diplôme du Magdalen College d’Oxford (en photo), avec un certificat en sciences politiques et en économie. Le futur milliardaire développe ainsi une solide maîtrise des finances et du commerce, tout en devenant polyglotte. Passionné par l’Antiquité classique, il lit couramment le latin et le grec ancien.
À cette érudition s’ajoute une connaissance approfondie de la géologie pétrolière, un domaine qui ne tarde pas à devenir le pilier de son empire…
Les débuts

En septembre 1914, J. Paul Getty rentre aux États-Unis avec une ambition débordante et la ferme intention de bâtir sa propre fortune. Son père, George Franklin Getty, désormais multimillionnaire, lui prête de l’argent pour investir dans des concessions de forage situées dans la région des Red-Beds, en Oklahoma.
À l’époque, cette zone est considérée comme peu prometteuse en pétrole, voire totalement stérile. Mais, à l’image de son père, Getty est convaincu du contraire. Il parvient à acquérir ces concessions à des prix dérisoires et, lorsque la présence de pétrole sous les terres rouges est confirmée, il les revend avec un profit spectaculaire.
Premier million

En juin 1916, J. Paul Getty décroche son premier million de dollars, soit l’équivalent de 27,6 millions d’euros aujourd’hui. À seulement 23 ans, les poches bien remplies, le jeune magnat du pétrole retourne à Los Angeles, où il mène une vie de playboy pendant plusieurs années, au grand désarroi de son père.
En 1919, il revient en Oklahoma et reprend ses affaires là où il les avait laissées : acquérir et conserver les puits de pétrole les plus productifs, tout en revendant les moins rentables avec profit.
Au fil des années 1920, ce magnat au « toucher de Midas » perfectionne ses stratégies financières, ajoutant 3 millions de dollars supplémentaires à sa fortune, soit environ 51,4 millions d’euros en valeur actuelle.
Jeunes femmes et premier enfant

J. Paul Getty a un faible pour les femmes beaucoup plus jeunes. En 1923, il épouse en secret Jeannette Dumont, alors âgée de 18 ans, lors d’une cérémonie au Mexique, ne révélant la nouvelle à ses parents qu’après coup. Un an plus tard, Jeannette donne naissance à leur premier fils, George Franklin II (en photo). Mais le mariage tourne court, et dès 1926, J. Paul épouse une autre femme, Allene Ashby.
Ce deuxième mariage est également un échec : le couple divorce en 1928, et la même année, il épouse sa troisième femme, Adolphine Helmle, âgée de 17 ans. Leur fils, Jean Ronald, naît en 1929.
Avec trois mariages en cinq ans, J. Paul reconnaîtra plus tard qu’il était loin d’être un mari idéal. Comme le laissaient déjà présager ses années de playboy à Los Angeles, il s’impose comme un séducteur notoire. À sa mort, on lui attribue cinq épouses et une multitude de maîtresses.
Bourreau de travail

Une autre explication à ses mariages malheureux réside dans la priorité absolue que J. Paul Getty accorde à son travail, reléguant ses épouses et sa famille au second plan. Infatigable, ce magnat du pétrole mène une vie de labeur acharnée, travaillant jusqu’à 18 heures par jour, sans jamais s’accorder de pause, ni le week-end, ni même en vacances.
« J’ai sacrifié beaucoup de loisirs », confie-t-il à la BBC en 1963, admettant qu’il est difficile pour une femme de rivaliser avec des affaires qu’il juge primordiales.
Dans un rare moment de confession, il écrit un jour qu’il regrettait profondément ses échecs matrimoniaux. Il aurait, selon ses propres mots, échangé toute sa fortune contre une seule réussite durable sur le plan personnel. Mais ce rêve restera hors de portée.
Un père déçu

Le sérieux et sobre George Franklin Getty est fier du génie commercial et de l'éthique de travail de son fils, mais il est aussi profondément choqué par sa vie de playboy et sa série de mariages ratés – le divorce est encore très mal vu dans les années 1920. George Getty est même convaincu que son fils, séducteur invétéré, finira par ruiner l’entreprise familiale.
Cette déception semble se refléter dans le testament du patriarche Getty. À sa mort, en 1930, il ne laisse à J. Paul que 500 000 dollars. Cela représente l’équivalent de 8,5 millions d’euros aujourd’hui, mais seulement 5 % de son patrimoine. La mère de J. Paul, Sarah, hérite de la plus grande part, ainsi que du contrôle de l’entreprise.
Du flair pendant la Grande Dépression

L’argent de l’héritage, J. Paul n’en a que faire. Il a un don pour les affaires, et ce, même lors de la Grande Dépression. Contre l’avis des experts, il rachète des actions pétrolières à bas prix, un pari qui finit par lui rapporter gros.
Il fait l’acquisition de la Pacific Western Oil Corporation et continue sur sa lancée en acquérant la Mission Corporation, société mère de Skelly Oil et Tidewater Oil, qui deviendra plus tard Getty Oil.
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Une quatrième épouse

J. Paul et Adolphine Helmle divorcent en 1932. Il attribue leur séparation à la pression exercée par les parents d’Adolphine, qui n’ont jamais approuvé leur union. Le magnat du pétrole ne perd pas de temps et épouse la même année sa quatrième femme : Ann Rork (en photo), actrice de films muets. Le couple aura deux enfants : Eugene Paul – qui changera plus tard son nom en John Paul Jr. – et Gordon Peter.
Cette fois, le mariage dure quatre ans. Selon J. Paul, Ann se plaint de ses absences répétées, tandis qu’elle l’accuse d’abus et de négligence. Le couple se sépare en 1936.
…et une cinquième épouse

En 1939, lors d’une cérémonie à Rome, J. Paul épouse sa cinquième femme, Louise Dudley Lynch, une chanteuse de cabaret connue sous le nom de scène Teddy Lynch. Ils se sont rencontrés quatre ans plus tôt dans un nightclub de New York, alors qu’il est encore marié à Ann Rork. Le couple (en photo) a un fils, Timothy, le cinquième et dernier enfant de J. Paul.
Teddy rêve de devenir chanteuse d’opéra et demande à J. Paul de financer ses cours. Il accepte, mais à une condition : qu’elle lui reverse une part de tout revenu supplémentaire qu’elle gagnera grâce à ces leçons. Cette exigence illustre déjà une avarice qui deviendra l’un des traits les plus emblématiques de sa personnalité. Teddy, de son côté, ne tardera pas à découvrir également la froideur implacable de son mari...
Effort de guerre et après

Pendant la Seconde Guerre mondiale, J. Paul contribue à l’effort de guerre des Alliés en supervisant la production de pièces d’avion via sa société Spartan Aircraft, une filiale de Skelly Oil. Il propose même de servir dans la Marine. En 1942, il fonde la Getty Oil Company.
À la fin de la guerre, il s’installe en Europe. Terrifié par l’avion et les voyages en général, le magnat choisit de vivre à mi-chemin entre les champs pétrolifères des États-Unis et ceux du Moyen-Orient. À la fin des années 1940 et dans les années 1950, il réside principalement dans des chambres d’hôtel, notamment au George V à Paris et au Ritz à Londres. Après avoir quitté New York en 1951, il ne remettra jamais les pieds aux États-Unis.
Le coup de sa carrière

En 1949, J. Paul réalise la plus belle opération de sa carrière en obtenant un bail de 60 ans sur une parcelle de terre aride située entre l’Arabie saoudite et le Koweït. J. Paul verse au roi d’Arabie saoudite la somme rondelette de 9,5 millions de dollars, soit l’équivalent aujourd’hui d’environ 119 millions d’euros pour le terrain.
Getty accepte également de verser 1 million de dollars supplémentaires par an en redevances pendant toute la durée du bail, ainsi que 2,5 fois le tarif en vigueur par baril de pétrole extrait. Le projet nécessite d'énormes investissements : il consacre environ 30 millions de dollars à l'exploration pétrolière dans ce nouveau territoire. En valeur actuelle, cela représenterait près de 380 millions d'euros.
Découverte de l’or noir

Les sommes que J. Paul investit dans la zone neutre dépassent largement ce que toute autre entreprise est prête à offrir à une époque où les prix du pétrole aux États-Unis sont en baisse. Certains acteurs de l’industrie sont consternés et pensent que Getty commet une grave erreur.
Cependant, cet investissement s’avère payant en 1953, lorsqu’il découvre d’immenses réserves de pétrole. Ses intérêts au Moyen-Orient commencent rapidement à produire 16 millions de barils de pétrole par an.
Cette même année, J. Paul prend le contrôle de la Mission Corporation et de ses filiales, parmi lesquelles Skelly Oil et Tidewater Oil. À ce stade, il réussit également à convaincre sa mère de lui confier la gestion de l’entreprise pétrolière familiale.
Tragédie... et un dernier divorce

Les affaires prospèrent, mais la vie familiale de J. Paul reste un véritable chaos. Son plus jeune fils, Timothy, l’idolâtre, mais si J. Paul aime son fils, il ne le montre pas. Il avait manqué la naissance de Timothy, et il s’apprête maintenant à faire preuve d’une insensibilité encore plus grande.
En 1952, Timothy développe une tumeur au cerveau. Pourtant, au lieu de revenir des États-Unis en Europe pour être à ses côtés, le magnat garde ses distances. Il promet régulièrement de venir lui rendre visite, mais il ne tient jamais parole.
Le pire est encore à venir : alors qu’il devient évident que Timothy ne survivra pas, Getty ordonne à sa mère, Teddy Lynch, de limiter les frais médicaux en réduisant les soins à de simples examens de contrôle. Lorsque Timothy décède en 1958, J. Paul n’assiste même pas à l’enterrement, prétextant être trop occupé. La même année, Teddy (en photo) demande le divorce.
Pole position

En 1957, le magazine Fortune dresse le portrait des Américains les plus riches. J. Paul se hisse en tête de liste avec une fortune estimée à 1 milliard de dollars, soit l’équivalent de plus de 10,4 milliards d’euros aujourd’hui. Sa richesse dépasse désormais celle de dynasties américaines bien plus établies, comme les Rockefeller, les Mellon ou les Astor.
Le magnat du pétrole se décrit alors comme un « phénomène financier apparu du jour au lendemain ». Devenu une véritable célébrité, il reste un personnage paradoxal, et son rapport à la notoriété en est le reflet. D’un côté, il cherche à attirer l’attention et savoure l’adulation. De l’autre, il méprise son statut de célébrité et déplore ses inconvénients.
Un milliardaire malheureux

Il est immensément riche, mais avec son air mélancolique et son visage abattu, J. Paul semble porter le poids du monde sur ses épaules. Un ancien employé a un jour affirmé qu’il avait toujours l’air d’assister à ses propres funérailles, tant sa tristesse apparente était palpable.
Il se plaint sans cesse des difficultés d’être milliardaire, des lettres de mendicité qu’il reçoit aux doutes constants sur la sincérité de ses amis, qu’il soupçonne souvent d’en vouloir uniquement à son argent. Il mène une vie de plus en plus solitaire, concentrant toute son énergie sur la gestion de ses entreprises. Il continue à fréquenter des femmes jusque dans ses vieux jours, mais ne se remariera jamais.
Installation au Royaume-Uni

En 1959, J. Paul achète Sutton Place, une demeure de campagne Tudor du XVIe siècle située dans le sud de l’Angleterre, pour 840 000 dollars, soit l’équivalent de 8,5 millions d’euros aujourd’hui. Il y fait installer des dispositifs de sécurité sophistiqués : fenêtres à barreaux, projecteurs et chiens de garde féroces.
Connu pour sa frugalité, le magnat du pétrole installe également un téléphone à pièces dans le manoir afin d’éviter que ses invités ne fassent grimper les factures. Selon lui, cela leur épargne l’embarras de devoir demander à passer des appels.
En plus de sa maison de campagne en Angleterre, J. Paul possède plusieurs propriétés remarquables, notamment une villa à Malibu, en Californie, un palais du XVe siècle près de Rome et un manoir au Koweït.
L’avarice, péché du milliardaire

J. Paul ne cache pas sa radinerie, qu’il aime exhiber avec fierté. Il arbore fréquemment des costumes froissés et des pulls élimés, et ne garde sur lui qu’un minimum d’argent liquide. Il lave lui-même ses chaussettes et sous-vêtements, et aurait, dit-on, attendu un groupe d’amis à l’entrée du célèbre concours canin Crufts pour bénéficier du tarif de groupe à prix réduit. On raconte également qu’il ne se rendait dans les restaurants qu’après la fin des prestations orchestrales, une fois le supplément supprimé.
Tout cela, alors qu’à la fin des années 1960, il contrôlait environ 200 entreprises et que sa fortune avait atteint près de 3 milliards de dollars, soit environ 25,7 milliards d’euros en valeur actuelle.
Des temps troublés

La mort de son plus jeune fils Timothy en 1958 marque le début d’une longue série de tragédies qui s’abattent sur J. Paul Getty et l’ensemble de sa famille. Dans les années 1960, son troisième fils, John Paul Jr., s’installe à Rome avec sa seconde épouse, Talitha (en photo).
Le couple s’enlise dans la contre-culture de l’époque et sombre rapidement dans la dépendance à l’héroïne. Lorsque J. Paul Getty exige de son fils qu’il renonce à la drogue, ce dernier refuse et tourne le dos à l’empire familial.
Talitha finit par entamer une cure de désintoxication et se sépare de John Paul Jr. Mais en 1971, alors qu’elle revient en Italie pour finaliser leur divorce, elle est retrouvée morte. Son corps présente des traces d’alcool et de barbituriques, et certains soupçonnent une rechute liée à l’héroïne. Le drame vient assombrir un peu plus la légende noire des Getty… et ce n’est que le début.
Décès du fils aîné

Le fils aîné de J. Paul, George Franklin II, collabore avec lui sur l’accord pétrolier en Arabie saoudite, bien qu’il vive en Californie, à plus de 9 600 km de Sutton Place, en Angleterre. La distance entre le père et le fils n’est pas seulement géographique, mais aussi émotionnelle : George se plaint de la froideur de J. Paul, qui lui écrit des lettres très critiques sans jamais saluer ses efforts. George va même jusqu’à appeler son père « Monsieur Getty ».
George sombre dans une profonde dépression et, en 1973, après avoir tiré un coup de feu en l’air pour attirer l’attention de sa femme, il s’enferme dans la chambre de leur manoir à Bel-Air. Il tente de se poignarder avec un couteau de cuisine et tombe dans le coma. Il meurt le lendemain dans un hôpital de Los Angeles. On apprendra plus tard qu’il avait ingéré une dose mortelle de médicaments sur ordonnance.
L’enlèvement de son petit-fils

Quelques mois seulement après la mort de George survient la tragédie le plus célèbre de l’histoire de la famille Getty.
Le petit-fils du magnat du pétrole, John Paul Getty III (en photo), s’est plongé dans la contre-culture bohème de Rome, tout comme son père, John Paul Jr., avant lui. Les médias l’ont surnommé « Le Hippie en or ».
Lorsque sa mère reçoit un appel téléphonique à l’été 1973 lui annonçant l’enlèvement de son fils, elle pense d’abord qu’il en est l’instigateur, cherchant à lui extorquer de l’argent pour financer son style de vie hédoniste. Malheureusement, ce n’est pas le cas : un groupe de gangsters l’a enlevé et réclame une rançon de 17 millions de dollars, soit l’équivalent de 114 millions d’euros aujourd’hui, pour assurer sa libération.
Payer une rançon ? Jamais de la vie !

La réaction de J. Paul face à la détresse de son petit-fils est typique de sa nature avare, mais n’en reste pas moins choquante : il déclare qu’il a 14 petits-enfants et que, s’il paie ne serait-ce qu’un centime pour libérer John Paul de ses ravisseurs, il risque de voir s’ensuivre 14 autres enlèvements. La rançon, pourtant, ne représente que l’équivalent d’une journée de production de ses champs pétroliers. Mais il reste inflexible.
Cette sombre affaire est racontée plus tard dans un film de Ridley Scott, Tout l’argent du monde (en photo). Les ravisseurs, un groupe mafieux calabrais, déplacent John Paul III de cachette en cachette, tandis que les négociations sur la rançon restent dans l’impasse. Puis, ils passent à une tentative brutale et glaçante pour forcer un accord…
Payer une rançon ? Jamais de la vie !

Nous sommes désormais en novembre 1973, et John Paul III a déjà enduré cinq mois de captivité. Son calvaire s’apprête à empirer. À bout de patience, les ravisseurs lui coupent une oreille et l’envoient, accompagnée d’une mèche de ses cheveux, au journal romain Il Messaggero. Cette escalade horrifie le monde entier et parvient même à faire fléchir légèrement la position de J. Paul.
Il accepte alors de payer une partie d’une rançon réduite à 2,9 millions de dollars (l’équivalent de 20,9 millions d’euros aujourd’hui). Pour ce qui est du reste du montant exigé par les ravisseurs, il oblige son fils, John Paul Getty Jr., à l’emprunter au fonds familial, avec l’obligation de le rembourser... intérêts compris.
Libération de son petit-fils

L’enlèvement de John Paul Getty III prend fin en décembre 1973, mais son véritable calvaire ne fait que commencer. Profondément marqué par un traumatisme psychologique, il ne retrouve jamais une vie normale. Plongeant dans les excès, il s’abandonne à des fêtes débridées et à une consommation effrénée de drogues à New York. En 1981, une overdose accidentelle provoque un AVC qui bouleverse son existence.
Dès lors, John Paul III vit paralysé, partiellement aveugle et atteint d’un grave trouble de la parole. Cloué dans un fauteuil roulant pendant près de trente ans, il finit par s’éteindre en 2011, à l’âge de 54 ans, laissant derrière lui une vie brisée par le drame et les excès.
Un collectionneur d’art

J. Paul passe pour l’un des milliardaires les plus avares de tous les temps, mais lorsqu’il s’agit d’acquérir des œuvres d’art, il ne compte pas ses sous. Dès les années 1930, il commence à amasser une collection exceptionnelle, regroupant des chefs-d'œuvre de Rembrandt, Tintoret, Monet et bien d’autres. Aujourd’hui, la majorité de ces trésors est exposée au Getty Museum en Californie.
Cela dit, ses dépenses pour les maîtres anciens ne relèvent pas de la frivolité. Dans un documentaire de 1963, Alan Whicker de la BBC souligne que bon nombre de ses acquisitions prennent rapidement de la valeur. Un Rembrandt vaut déjà deux fois ce qu’il l’a payé, tandis que Diane et ses nymphes de Rubens atteint trois fois son investissement initial. « Il a l’art de prendre les bonnes décisions, observe Whicker. Il gagne toujours ».
Mort et héritage

Même les hommes les plus riches et les plus puissants ne peuvent vivre éternellement. Pour J. Paul Getty, la mort survient à l’âge de 83 ans. Il s’éteint le 6 juin 1976 à Sutton Place, son manoir dans la campagne anglaise, des suites d’une insuffisance cardiaque.
Il laisse derrière lui une fortune estimée à environ 4 milliards de dollars, soit l’équivalent de 21 milliards d’euros aujourd’hui. La majeure partie de cet héritage est transférée au J. Paul Getty Trust, qui est aujourd’hui la plus riche institution artistique au monde. D’autres legs, notamment à certaines femmes qu’il avait continué à fréquenter, se révèlent étonnamment modestes, voire insultants.
La famille Getty toujours en proie au malheur

La tragédie semble inexorablement poursuivre cette célèbre famille. Le 20 novembre 2020, John Gilbert Getty, petit-fils de J. Paul Getty, est retrouvé sans vie dans une chambre d’hôtel au Texas, à l’âge de 52 ans. Ce drame survient à peine deux mois après la disparition de sa mère, Ann, décédée d’une crise cardiaque à l’âge de 79 ans.
Musicien talentueux, John Gilbert était le deuxième fils de Gordon Getty (en photo). L’aîné de Gordon, Andrew, connaît lui aussi une fin prématurée : en 2015, il décède à 47 ans des suites d’un ulcère intestinal. Une autopsie révèlera également des niveaux toxiques de méthamphétamine dans son organisme au moment de sa mort.
Les Getty aujourd’hui : Gordon Getty

Investisseur, philanthrope et compositeur de renom, Gordon Getty est aujourd’hui le membre le plus riche encore en vie de la famille Getty. En 1984, il vend Getty Oil à Texaco pour 10,1 milliards de dollars, soit environ 29,5 milliards d’euros aujourd’hui. Cette vente suscite néanmoins des tensions et entraîne de longues batailles judiciaires avec certains autres membres de la famille. Selon le magazine Forbes, Gordon dispose actuellement d’une fortune estimée à 2 milliards d’euros.
Sa vie a également connu quelques rebondissements. En 1999, il admet avoir fondé une seconde famille secrète à Los Angeles. La révélation éclate lorsque sa compagne, Cynthia Beck, engage une procédure judiciaire pour tenter de changer les noms de leurs trois filles en Getty et de revendiquer une part des milliards familiaux. L’épouse de Gordon, Ann, ainsi que leurs quatre fils, lui restent malgré tout fidèles.
Les Getty aujourd’hui : Mark Getty

Mark Getty, petit-fils de J. Paul Getty, possède aujourd’hui une fortune estimée à 476 millions d’euros. En 1995, il cofonde la photothèque Getty Images avec l’homme d’affaires sud-africain Jonathan Klein. Depuis, Getty Images est devenu un leader mondial dans la distribution de photographies et autres contenus visuels pour les médias, la presse et la publicité.
Mark a également été administrateur de la National Gallery britannique et en a occupé la présidence de 2008 à 2015. En 2016, il a été nommé chevalier de l’Ordre de l’Empire britannique (KBE) en reconnaissance de ses services rendus aux arts. En 2017, il devient président des administrateurs de la British School à Rome, où il réside. Selon le magazine Forbes, Mark aurait réussi à se libérer des dysfonctionnements de sa famille.
La famille Getty aujourd'hui : Balthazar Getty

L'acteur et musicien Balthazar Getty (en photo) est le fils de la victime du kidnapping John Paul Getty III et l'arrière-petit-fils de J. Paul Getty. On estime sa fortune à environ 190 millions d'euros. Il fait la une en 2008 en raison de sa liaison avec l'actrice anglaise Sienna Miller, mais il finit par se réconcilier avec son épouse, la créatrice de mode Rosetta Millington.
La génération actuelle des Getty semble mener une vie plus sereine que celle de J. Paul et de ses contemporains. Il y a environ dix ans, la famille a disparu de la liste des plus grandes fortunes des États-Unis du magazine Forbes.
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