Automobile : les marques qui vacillent… et celles qui résistent
Le grand remaniement

Les grands fabricants de voitures du monde entier sont tous arrivés au même carrefour : alors qu’ils réfléchissent à la voie à emprunter, de nouveaux venus leur font une queue de poisson et cherchent la moindre occasion de les dépasser. Une chose est sûre : on se souviendra de 2025 comme d’une année très difficile pour plusieurs grandes marques.
Certains constructeurs européens ont perdu presque la moitié de leur valeur. La situation n’est guère meilleure aux États-Unis, où les fabricants traditionnels ont du mal à intégrer les nouvelles technologies et à planifier l’avenir. Pendant ce temps, l’industrie automobile chinoise progresse à grands pas, soutenue par une myriade de marques locales, une abondance de matières premières et des ventes de véhicules électriques (VE) en forte croissance.
L’industrie automobile jouant un rôle clé dans la réussite économique mondiale, les enjeux sont plus élevés que jamais. Lisez la suite pour découvrir les tendances qui bouleversent l’industrie et pour savoir quels fabricants foncent vers un avenir radieux et lesquels ont littéralement calé. Tous les montants sont indiqués en dollars US.
Adaptation française par Aurélie Blain
La fin des combustibles fossiles

Plusieurs nouvelles tendances modifient actuellement l’avenir de l’automobile. La plus marquante est la tendance à une démocratisation des véhicules électriques (VE), face à la diminution notable des voitures à moteur à combustion interne (MCI), alimentées par des combustibles fossiles. Il s’agit là d’un défi considérable pour l’industrie établie, qui doit repenser ses processus de fabrication et se doter de nouvelles compétences technologiques tout en devant gérer des coûts fixes élevés liés à ses anciennes usines, ses modes de travail obsolètes, ainsi que ses dettes et obligations salariales.
La fabrication d’un VE coûte jusqu’à 25 % de plus et sa rentabilité est souvent inférieure à celle d’un véhicule thermique ou hybride. Si cela n’affecte pas vraiment les modèles haut de gamme, cela complique beaucoup plus la tâche des marques historiques pour proposer de petits véhicules à la portée du grand public. La suppression des aides dans certains pays a encore exacerbé le problème.
Environ sept millions de VE ont été vendus durant le premier semestre 2024, soit une augmentation de 20 % sur l’année précédente. Cette croissance demeure toutefois inégale géographiquement : dans certains pays, le prix élevé des VE, combiné à des infrastructures de recharge insuffisantes et à l’« angoisse de la panne » qui en résulte, freine l’intérêt des consommateurs.
Obligations relatives aux véhicules électriques

Dans certains pays et États américains, l’interdiction des nouvelles voitures thermiques, dans le but de lutter contre le changement climatique, est déjà programmée. Certains imposent même des objectifs contraignants en matière d’adoption des VE : l’Union européenne oblige par exemple les fabricants à réduire de 15 % les émissions moyennes de leurs véhicules par rapport aux niveaux de 2021, sous peine de lourdes amendes.
Certains constructeurs voient ces obligations comme un fardeau, tout comme certains dirigeants politiques, notamment la Première ministre italienne Georgia Meloni, qui les décrit comme autodestructrices. Le problème, c’est que les subventions pour stimuler les ventes de véhicules électriques disparaissent progressivement, et de nombreux consommateurs se montrent réticents à payer le prix fort. Aux États-Unis, le président Trump a dit vouloir supprimer le bonus de 7 500 dollars créé dans le cadre de l’Inflation Reduction Act de Joe Biden.
Obligée de vendre un produit dont la demande n’est pas réellement élevée, l’industrie automobile doit soit proposer des remises généreuses sur les VE, ce qui grève ses bénéfices, soit rationner son offre en modèles essence ou diesel, plus rentables. En Europe, certaines entreprises ont ajouté jusqu’à 500 euros au prix de leurs modèles thermiques, ce qui risque de provoquer une chute des ventes.
Puissance des batteries

Il existe plusieurs types de VE, y compris des hybrides rechargeables (VHR) et des véhicules électriques à pile à hydrogène. À terme, les véhicules électriques à batterie (VEB) prendront probablement la tête du classement et cela présente de nouveaux défis pour les constructeurs traditionnels.
Les lignes de production doivent se trouver à proximité des usines de batteries, car leur poids conséquent rend difficile leur transport en grande quantité sur de longues distances. Cependant, la fabrication de batteries n’est pas encore suffisamment développée en Europe pour répondre à la demande de l’industrie. De grands projets comme Northvolt en Suède et Britishvolt au Royaume-Uni ont échoué.
Alors que la production mondiale de batteries va s’intensifier, la Chine a déjà pris les devants. Elle développe des piles qui se rechargent plus rapidement, tiennent plus longtemps et sont plus performantes par temps froid. La Chine maîtrise la filière des matières premières nécessaires aux batteries et bénéficie d’une énergie bon marché, tout en subventionnant parfois ses fabricants. Dans la course aux VEB, les entreprises chinoises sont en pôle position.
Connectivité

La voiture motorisée n’a essentiellement pas changé depuis plus de 100 ans : il s’agit d’une boîte métallique sur roues commandée par son conducteur. Or cette définition ne peut qu’évoluer avec l’arrivée des technologies connectées et de l’Internet des objets (IoT). Les véhicules communiqueront bientôt avec d’autres dispositifs, comme les feux de signalisation, les GPS ou les autres voitures, améliorant ainsi les trajets et permettant aux occupants de rester connectés. Les voitures de demain seront des ordinateurs sur roues.
Grâce à des possibilités de communication, d’assistance à la conduite et d’expériences plus personnalisées, les consommateurs pourraient profiter de cette grande avancée. Cependant, cette évolution exige des compétences numériques croissantes que les constructeurs historiques ne possèdent pas nécessairement. On peut s’attendre à un nombre croissant de partenariats entre fabricants automobiles et entreprises technologiques, mais l’avantage ira probablement aux jeunes constructeurs, naturellement plus tournés vers le numérique et capables de proposer des solutions informatiques sur mesure.
Voitures autonomes

Malgré quelques faux départs, les experts de l’industrie assurent que les voitures autonomes finiront par devenir la norme… un jour. En attendant, certains projets expérimentaux sont déjà en test, tandis que les systèmes d’aide à la conduite semi-autonomes, comme l’Autopilot de Tesla, ne cessent de gagner en sophistication.
L’introduction de ces technologies exige toutefois d’importants investissements dans des domaines où les constructeurs automobiles historiques n’ont pas forcément d’expertise ou de compétences, tels que l’intelligence artificielle, les capteurs et les logiciels avancés. Ces derniers doivent donc collaborer avec des experts du numérique, ce qui s’avère moins efficace qu’une production verticale, où chaque aspect est géré en interne et conçu spécifiquement pour le projet.
Les véritables pionnières des véhicules autonomes sont en réalité les entreprises de la Tech. Alors que les transmissions électriques simplifient la mécanique des voitures, la priorité donnée à l’ingénierie automobile devrait finir par laisser sa place.
Nouveaux modèles économiques

L’usage même des véhicules connait lui aussi une transformation radicale. D’après une étude menée par Deloitte, les jeunes générations sont de moins en moins enclines à posséder un véhicule ni même à le louer sur le long terme et leur préfèrent les services d’abonnement ou d’autopartage, plus pratiques et prévisibles. De ce fait, les constructeurs de demain pourraient se concentrer sur la mobilité, en proposant des services de location à l’heure plutôt que la vente de voitures.
Cela remet en question le modèle traditionnel des concessions, qui proposent des services comme l’entretien, la vente de pièces détachées et les garanties prolongées (des revenus substantiels pour les marques) et pourraient disparaître si les consommateurs abandonnent ce modèle.
En réalité, même si les automobilistes sont encore nombreux à posséder une voiture, l’avenir des concessions semble bel et bien compromis. Notamment, parce que les véhicules électriques nécessitent nettement moins d’entretien (jusqu’à 60 % de réparations en moins par rapport aux MCI), en raison de leur moindre complexité. L’étape de la vente de véhicules pourrait également basculer en ligne, dans une relation directe acheteur-fabricant permettant la personnalisation des véhicules, et ainsi éliminer les intermédiaires.
Droits de douane

L’année 2025 pourrait générer des turbulences économiques. Avec le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, les droits de douane sur les voitures importées pourraient augmenter considérablement. Si la Chine est déjà dans le viseur, l’Europe pourrait aussi se retrouver sous pression : l’Allemagne est particulièrement préoccupée par la perte potentielle de son accès privilégié au marché américain, avec 23 milliards d’euros de véhicules allemands vendus aux États-Unis en 2023, soit 15 % de ses exportations totales.
De son côté, l’Europe tourne elle aussi le dos au libre-échange. En octobre 2024, l’Union européenne a imposé une taxe de 10 % sur tous les véhicules électriques et des droits de douane allant jusqu’à 45 % sur les voitures chinoises. L’Allemagne se trouve ici encore particulièrement inquiète et a officiellement exprimé son opposition à cette décision. En effet, ses exportations vers la Chine sont déjà affaiblies par la concurrence de produits locaux plus abordables, et toutes représailles de la Chine en matière de droits de douane pourraient conduire son industrie à la ruine.
Face à cette incertitude, les entreprises tentent de réorganiser leurs activités pour atténuer les dégâts potentiels. Les constructeurs chinois ont commencé à implanter des usines au sein de l’UE, et les Européens rappellent à Trump que leur industrie génère des milliers d’emplois, à la fois aux États-Unis et en Europe.
Puisque les cartes sont rebattues, comment s’en sortent les grands constructeurs ?
Volkswagen

Premier constructeur automobile mondial en termes de revenus, le groupe Volkswagen s’est considérablement agrandi au fil des ans, regroupant la marque VW ainsi que des noms comme Audi, Seat et Skoda. Symbole d’une production massive de véhicules de qualité à un rythme rapide et à moindre coût, l’entreprise fait aujourd’hui face à de sérieux défis.
Les marques du groupe sont particulièrement exposées aux interdictions imminentes des moteurs à combustion interne en Europe, ainsi qu’à la concurrence croissante sur le marché chinois, qui représente un tiers de leurs ventes. De plus, la hausse des prix de l’énergie causée par l’invasion russe de l’Ukraine a directement impacté le business. Résultat : le groupe vend actuellement 500 000 véhicules de moins qu’avant la pandémie de COVID-19, soit l’équivalent de deux usines, et les bénéfices se sont effondrés.
En réponse, VW a mis en pause certaines usines dédiées aux véhicules électriques et a évité de justesse des fermetures d’usines en Allemagne grâce à de fortes concessions obtenues auprès des employés. Malgré des menaces de grève généralisée, plus de 35 000 postes seront supprimés dans le cadre d’un plan d’économies de 15 milliards d’euros. Les employés restants renonceront à des primes et autres avantages. VW, qui emploie près de 40 % des 88 000 salariés du secteur automobile en Allemagne, agit comme un baromètre de l’industrie nationale. Hélas, les perspectives sont très incertaines.
Toyota

Plus grand constructeur automobile mondial en volume de véhicules produits avec plus de 10 millions de ventes par an, le constructeur japonais Toyota est un pionnier de l’électrique. En 1997, il a lancé la Prius, la toute première hybride produite en série. Pourtant, sa stratégie prudente en matière de VE diffère de celle de nombreux concurrents, qui misent davantage sur le tout électrique.
Le président du groupe, Akio Toyoda, petit-fils du fondateur, a expliqué qu’un futur exclusivement électrique entraînerait des pertes d’emplois massives parmi les cinq millions de travailleurs japonais du secteur, dont beaucoup sont spécialisés dans la technologie des moteurs thermiques.
Par ailleurs, la dépendance énergétique du Japon vis-à-vis des importations rendrait risquée une transition complète vers les véhicules électriques à batterie (VEB). Toyota s’est donc concentré sur l’intégration d’options hybrides dans ses modèles et continue d’explorer le potentiel de l’hydrogène.
Cette approche attentiste vise à rester ouvert pour éviter à Toyota de tout miser sur une seule technologie et de s’adapter à la solution dominante lorsqu’elle se précisera. Prudent, Toyota joue sur plusieurs tableaux et prévoit d’ouvrir en 2027 une nouvelle usine en Chine dédiée à l’assemblage de batteries et de véhicules électriques à batterie. Pour l’instant, sa stratégie d’attentisme semble porter ses fruits, autant que celle de ses concurrents : bien que le constructeur ait enregistré quelques baisses de bénéfices d’un trimestre à l’autre, il anticipe une hausse globale de ses bénéfices.
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Hyundai

Le constructeur coréen Hyundai a également adopté une approche attentiste. Le groupe semble avoir accepté la future domination des VEB, mais tant que l’infrastructure de recharge publique ne sera pas plus développée et que les coûts des batteries ne baisseront pas suffisamment, Hyundai préfère jouer sur plusieurs tableaux. La société appelle cela « The Hyundai Way » : cette stratégie met l’accent sur les hybrides tout en étoffant doucement sa gamme 100 % électrique.
Parmi les innovations prévues figure un véhicule électrique à autonomie étendue (EREV). Ce modèle, propulsé par un moteur électrique identique à un VEB classique, embarquera aussi un petit moteur à essence servant à recharger la batterie. Il devrait atteindre une autonomie d’environ 900 km, et Hyundai prévoit d’en débuter la production aux États-Unis et en Chine pour une commercialisation à partir de 2027. Autre avancée : l’intégration des cellules de batterie directement dans la carrosserie des voitures, ce qui réduirait leur poids.
Hyundai explore aussi la conduite autonome de niveau 4, correspondant à une quasi-automatisation.
Kia, la marque sœur de Hyundai, suit une approche similaire en visant à ce que 58 % de ses ventes (soit environ 2,5 millions de véhicules) soient des PHEV ou des VEB d’ici 2030.
Stellantis

L’année 2024 n’a pas été facile pour Stellantis. Ses bénéfices se sont effondrés et son action a perdu près de la moitié de sa valeur. Pourtant, issu de la méga-fusion entre Fiat-Chrysler et Peugeot SA en 2021, le groupe basé aux Pays-Bas s’était imposé comme le quatrième constructeur mondial en volume, affichant des profits records de près de 20 milliards de dollars (19 milliards d’euros) en 2023. Alors, que s’est-il passé ?
L’entreprise était dirigée par Carlos Tavares (en photo ici), qui se définissait comme « obsédé par la performance ». Sous sa gestion, Stellantis a adopté une politique commerciale agressive, qui a mené à ces bénéfices spectaculaires. Or il s’avère que les constructeurs enregistrent leurs ventes en fonction des livraisons en gros, et si les concessionnaires ont acheté des voitures, les particuliers n’ont pas suivi. Résultat : Stellantis se retrouve avec des stocks considérables, notamment aux États-Unis. Tavares a depuis quitté l’entreprise, qui n’a pas encore nommé de remplaçant définitif.
Comme leurs consœurs, les marques de Stellantis peinent à s’adapter à la transition vers l’électrique. La production de la Fiat 500 électrique a été ralentie ou interrompue plusieurs fois en 2023, tandis qu’une usine de fabrication de vans thermiques à Luton, au Royaume-Uni, est sur le point de fermer en partie à cause des réglementations britanniques sur les véhicules électriques. Néanmoins, Stellantis a investi 75 millions de dollars (73 millions d’euros) dans une entreprise appelée Factorial, spécialisée dans des batteries solides aux perspectives révolutionnaires.
General Motors

Le constructeur automobile General Motors (GM), basé à Detroit, avait prévu un abandon rapide des moteurs thermiques et conserve toujours l’objectif ambitieux d’éliminer les émissions de ses pots d’échappement d’ici 2035. Cependant, début 2024, la PDG Mary Barra a déclaré aux investisseurs que les hybrides essence-électrique serviraient d’étape intermédiaire vers cet objectif. GM répond ainsi à la faible demande américaine pour les véhicules électriques à batterie (VEB), les conducteurs étant préoccupés par l’autonomie limitée, les prix élevés et l’insuffisance des infrastructures publiques de recharge.
Par ailleurs, si les motorisations électriques représentent un défi pour GM, d’autres innovations technologiques se sont avérées encore plus problématiques. L’entreprise a en effet arrêté de financer sa filiale Cruise, spécialisée dans les taxis autonomes, après un accident survenu en 2023 où un piéton a été traîné sous un véhicule. GM espérait que Cruise génère jusqu’à 50 milliards de dollars (48 milliards d’euros) par an d’ici 2030.
En Chine, la situation de l’entreprise est également délicate. Ses activités locales en partenariat avec SAIC ont accusé des pertes de 347 millions de dollars (336 millions d’euros) durant les neuf premiers mois de 2024, contre un bénéfice d’un montant équivalent l’année précédente. GM reste rentable globalement, mais comme de nombreux constructeurs historiques, il fait face à des défis sur de multiples fronts.
SAIC

SAIC est le plus grand constructeur automobile public de Chine, ayant prospéré sur le plus grand marché unique du monde depuis son QG de Shanghai. Déjà classé parmi les 10 premiers fabricants mondiaux en volumes, il produit environ cinq millions de véhicules sous des marques telles que MG, Maxus et Roewe, et s’est désormais lancé à l’international.
Ses liens avec le gouvernement chinois en font une cible privilégiée des politiques protectionnistes, tant aux États-Unis qu’en Europe, où ses véhicules sont soumis à des droits de douane grimpant jusqu’à 45 %. Malgré ces obstacles, SAIC reste déterminé à devenir un acteur majeur des importations mondiales. Pour contourner les barrières commerciales, le groupe a commencé à fabriquer des véhicules hors du territoire chinois : une nouvelle usine MG en Thaïlande utilisera notamment un minimum de 40 % de pièces locales, rendant ainsi sa production techniquement thaïlandaise, et non chinoise. L’ouverture d’usines en Europe est également prévue et des joint-ventures avec SAIC permettent à des marques occidentales comme GM et Volkswagen de vendre leurs produits en Chine.
Quant à ses voitures, elles sont généralement électriques, très abordables et souvent moins chères que leurs concurrentes occidentales. Elles bénéficient aussi de la position dominante de la Chine sur le marché des batteries. MG prépare pour 2025 un nouveau modèle équipé d’une batterie semi-solide, à la fois plus légère et plus performante que les versions lithium-ion classiques, avec une autonomie pouvant atteindre 1 000 km.
Ford

Ford, en revanche, rencontre des difficultés à trouver suffisamment de clients pour ses véhicules entièrement électriques. Le géant du Michigan prévoyait de vendre deux millions d’unités par an d’ici 2026, mais il a dû revoir ses ambitions à la baisse après une perte de 2,5 milliards de dollars (2,4 milliards d’euros) de sa division électrique.
Aux États-Unis, Ford a abandonné son projet de grand SUV 100 % électrique et repoussé la sortie d’un nouveau pick-up électrique à 2027. La construction d’une usine dédiée aux véhicules électriques dans le Tennessee a également été mise en pause, et l’entreprise réduit ses investissements dans les VEB de 40 % à 30 % de son budget total. Ford se tourne davantage vers les motorisations hybrides, espérant que cette transition progressive lui permettra de tirer parti des futures avancées technologiques dans le domaine des batteries. L’entreprise rapatrie aussi une partie de sa production de batteries de la Pologne vers les États-Unis.
Ailleurs, Ford rencontre d’autres difficultés. Elle a mis fin à un projet de conduite autonome mené conjointement avec Volkswagen et prévoit de supprimer au cours des trois prochaines années 4 000 emplois en Europe, soit 14 % de ses effectifs dans la région. Ces suppressions de postes s’expliquent en partie par les réglementations relatives aux VE. Ford a également demandé au gouvernement britannique de réintroduire des incitations à l’achat de véhicules électriques.
Honda

Le constructeur japonais Honda ambitionne de ne vendre que des véhicules électriques d’ici 2040. Il prévoit d’investir près de 70 milliards de dollars (68 milliards d’euros) dans l’électrification au cours des six prochaines années, tout en gardant une certaine flexibilité. Le PDG Toshihiro Mibe a précisé que si la demande pour les VEB reste faible, l’entreprise peut toujours repousser certains de ses investissements.
Indépendamment de la motorisation adoptée, Honda cherche à améliorer son efficacité de production pour rivaliser avec des leaders tels que Tesla et les fabricants chinois. Parmi ses innovations figurent le gigacasting (fabrication de composants géants en une seule pièce de métal) et le megacasting, impliquant des pièces encore plus grandes.
Le développement récent le plus marquant pour Honda a sans doute été la perspective d’une fusion avec Nissan. Les deux constructeurs japonais avaient entamé des négociations en vue d’un rapprochement stratégique, espérant mutualiser leurs ressources pour mieux affronter la concurrence chinoise. Finalement, l’accord a été abandonné, mais le simple fait qu’il ait été envisagé illustre à quel point même les géants autrefois intouchables de l’automobile japonaise doivent explorer des scénarios autrefois inimaginables pour s’adapter à un secteur en pleine mutation.
Nissan

Le potentiel partenaire de Honda traverse actuellement une période difficile. Ses bénéfices ont chuté en raison d’un ralentissement des ventes sur ses marchés clés, la Chine et les États-Unis. Nissan fait face à une dette record et n’a pas réussi à rattraper ses concurrents dans le développement de véhicules hybrides et électriques. Pour y remédier, l’entreprise prévoit de réduire ses coûts de 2,6 milliards de dollars (2,5 milliards d’euros) et de restructurer ses opérations, ce qui entraînera la suppression de 9 000 emplois et une modernisation de ses chaines de production. Même son PDG, Makoto Uchida, a accepté une réduction de salaire de 50 %.
Bien que pionnière des voitures électriques avec la Leaf, Nissan s’est insuffisamment renouvelée, notamment aux États-Unis où son absence d’hybride rechargeable est un handicap majeur. En outre, l’entreprise reste marquée par la chute retentissante en 2017 de son ancien PDG Carlos Ghosn.
Depuis 1999, Nissan s’est allié à Renault et Mitsubishi, une collaboration stratégique qui lui a permis de gagner en envergure dans une industrie où les investissements sont colossaux. Renault reste aujourd’hui son principal actionnaire, mais des rumeurs circulent sur une possible cession de sa participation au géant taïwanais de l’électronique Foxconn. Si cette vente se concrétise, ce serait un exemple frappant de la manière dont les nouvelles technologies grignotent peu à peu l’industrie automobile traditionnelle.
BYD

Le premier constructeur automobile de Chine, basé à Shenzhen, représente 16 % des ventes de véhicules dans le pays et bien plus d’un tiers du marché des véhicules électriques. Désormais tourné vers l’exportation, BYD pourrait devenir un sérieux concurrent pour les fabricants occidentaux de VE, qui peinent à maîtriser leurs coûts. Son plus petit modèle 100 % électrique (VEB), la Seagull, se vend à moins de 10 000 dollars (9 700 euros) en Amérique latine et arrivera en Europe fin 2025.
BYD a connu une année 2024 impressionnante : ses ventes ont bondi de 41 % par rapport à 2023, et ses revenus au troisième trimestre ont même surpassé ceux de Tesla. L’entreprise a depuis annoncé que même ses modèles les plus abordables destinés au marché chinois intégreront « God’s Eye », un système avancé d’aide à la conduite reposant sur l’intelligence artificielle de DeepSeek – sans coût supplémentaire pour les acheteurs. Une annonce qui a fait bondir son action à un niveau record.
La concurrence féroce en Chine pousse toutefois BYD à rester vigilant. Pour conserver son avance sur le marché national, le groupe demanderait à certains de ses fournisseurs une réduction de 10 % sur les prix. En parallèle, les droits de douane imposés par les pays occidentaux pourraient freiner ses ambitions d’expansion internationale.
BMW

Même il y a quelques années, alors que la plupart des constructeurs européens misaient sur un avenir 100 % électrique, BMW faisait figure d’exception. Le constructeur préférait une stratégie basée sur la « puissance du choix », offrant à ses clients diverses motorisations. La plupart de ses plateformes techniques étaient multi-énergies, conçues pour accueillir différents systèmes de propulsion. Aujourd’hui, alors que les ventes de VEB plafonnent sur certains marchés tout en progressant sur d’autres, cette stratégie flexible semble porter ses fruits. BMW vise à ce que les VE représentent 50 % de ses ventes d’ici à 2030.
La transition du groupe vers l’électrique se poursuit avec le lancement en 2025 de la plateforme Neue Klasse, principalement conçue pour les batteries. Six nouveaux modèles 100 % électriques feront leurs débuts, dotés de batteries développées en interne promettant une autonomie accrue et une recharge plus rapide. À l’avenir, la croissance des ventes sera principalement portée par ces modèles électriques.
En optant pour une approche diversifiée, BMW s’est donné le temps de perfectionner son offre électrique, d’apprendre de ses expériences et de résoudre ses éventuels problèmes. Le constructeur reste fidèle à une stratégie flexible et continuera à produire des moteurs thermiques au moins jusqu’à la fin des années 2030.
Mercedes-Benz

Mercedes-Benz a vendu près de 1,5 million de véhicules sur les neuf premiers mois de 2024, un recul de 4,3 % par rapport à l’année précédente. Avec un objectif de production de deux millions d’unités pour faire tourner ses usines, le constructeur pâtit d’une baisse de la demande en Chine et de ventes de VE décevantes.
En 2020, Mercedes s’était engagé à devenir 100 % électrique d’ici à 2030. Toutefois, cette ambition a été révisée au profit d’une stratégie plus flexible, ciblant uniquement les marchés les plus réceptifs. Les décisions stratégiques créent par ailleurs des tensions internes : le PDG Ola Källenius a choisi de réduire les coûts en se concentrant sur les modèles de luxe, plus rentables. Côté syndicats, on déplore justement les mauvais résultats de ces modèles sur le marché chinois en pleine évolution et on plaide pour une augmentation globale des volumes de ventes.
Le partenariat avec Momenta, développeur chinois de logiciels de conduite autonome, dégage légèrement l’horizon. C’est la première fois que Mercedes collabore avec un acteur chinois sur une technologie clé, espérant ainsi prendre l’avantage sur ses concurrents. Mercedes a déjà obtenu l’approbation américaine pour ses véhicules dotés d’une conduite autonome de niveau 3, capables de se déplacer seuls tout en permettant une prise de contrôle immédiate par le conducteur.
Renault

Le constructeur français Renault est le seul des « Big 5 » européens à avoir vu la valeur de ses actions augmenter en 2024, grâce notamment à sa faible exposition aux marchés chinois et américain. Sa « Renaulution » vise à transformer son modèle économique et à devenir une entreprise automobile de nouvelle génération, davantage orientée vers la création de valeur et moins vers les volumes de vente.
Renault cherche à s’intégrer verticalement, en développant une filière d’approvisionnement interne sur mesure, et à concevoir des plateformes capables de soutenir plusieurs modèles sous ses différentes marques, telles que Renault et Dacia. Néanmoins, le groupe n’a ni la taille ni les ressources des plus grands constructeurs, ce qui l’oblige à nouer des alliances, notamment avec Mitsubishi et Nissan, dont Renault est le principal actionnaire.
Des rumeurs évoquent une possible réduction de la participation de Renault dans Nissan, voire une fusion avec Stellantis, bien que ces informations aient été démenties par les deux parties.
Tesla

Tesla se positionne autant sur le plan de l’entreprise technologique que du constructeur automobile et s’impose ainsi en véritable agent perturbateur. Forte d’une intégration verticale poussée, d’une efficacité inégalée et des importantes ressources financières d’Elon Musk, Tesla a révolutionné le secteur avec des innovations radicales et sérieusement défié les constructeurs traditionnels. La marque domine aujourd’hui la transition automobile.
Si les autres fabricants de VE réclament des subventions, Elon Musk affirme être favorable à leur suppression aux États-Unis. En effet, ce dernier serait capable de réduire ses marges dans le simple but d’évincer ses concurrents. En Chine, Tesla mène également une guerre des prix agressive contre BYD, semblant prêt à sacrifier ses bénéfices pour gagner des parts de marché. En janvier 2024, son Model Y est devenu le VEB le plus vendu de l’histoire, toutes motorisations confondues.
Tesla traverse des turbulences. En 2024, sa production a reculé pour la première fois depuis 2011. Par ailleurs, la marque semble de plus en plus en difficulté face à BYD sur le marché chinois. Autre point d’inquiétude : les prises de position politiques d’Elon Musk, qui pourraient peser sur les ventes. Dans certains pays européens, les immatriculations ont chuté de 75 %.
Conséquence directe de cette tempête : le cours de l’action a fléchi et l’entreprise a déjà licencié 10 % de ses effectifs. Un rappel brutal que dans l’industrie automobile actuelle, même les leaders ne sont pas à l’abri de sérieux coups de frein.
Jaguar Land Rover

C’est le conglomérat indien Tata qui possède le constructeur automobile britannique Jaguar Land Rover (JLR), producteur des SUV haut de gamme Land Rover et des berlines sportives Jaguar. JLR a connu un succès considérable au fil des ans, en particulier avec ses marques Land Rover et Range Rover. Mais, comme tous les constructeurs automobiles traditionnels, il doit désormais s’adapter à un monde en pleine mutation.
Pour Land Rover, cela signifie repousser la concurrence de son propre partenaire commercial chinois, Chery, qui entrera sur le marché britannique l’année prochaine avec un SUV moins cher sous sa marque haut de gamme Jaecoo. Pendant ce temps, les Land Rover et Range Rover dépendent fortement des ventes américaines, ce qui les rend particulièrement vulnérables à la menace d’augmentation des droits de douane américains. Le nouveau Range Rover entièrement électrique devrait être lancé en 2025 pour compléter les offres hybrides actuelles.
En ce qui concerne Jaguar, la marque abandonne les voitures puissantes à moteur thermique pour embrasser un avenir entièrement électrique dès 2026. Les futurs modèles viseront un marché plus jeune et encore plus fortuné. Cette nouvelle stratégie suscite la controverse, certains critiques accusant l’entreprise de renier son héritage et sa clientèle actuelle. L’idée est de vendre moins de véhicules, mais de réaliser des marges plus importantes. Avec un prix de vente avoisinant les 190 000 dollars (184 000 euros), c’est en effet une décision audacieuse. Reste à voir si le « félin » bondira vers un avenir radieux ou s’il risque l’extinction.
Volvo

Si Jaguar fonce à toute allure vers l’électrique, de l’autre côté de la mer du Nord, la marque suédoise Volvo adopte une approche différente. Il y a trois ans, elle avait annoncé qu’elle ne fabriquerait que des voitures électriques d’ici 2030, mais prévoit désormais de continuer à vendre des hybrides, dont certains pourraient même être de simples hybrides légers équipés d’un moteur à combustion interne assisté par une motorisation électrique.
Comme pour Ford et GM, l’une des raisons du revirement de Volvo n’est autre que l’instabilité de la demande pour les véhicules électriques à batterie, souffrant du manque de bornes de recharge publiques et de prix élevés. Autre problème, Volvo est détenue par le constructeur chinois Geely, et bon nombre de ses voitures sont fabriquées en Chine. Elle est donc touchée par la hausse des droits de douane sur les véhicules électriques chinois imposés par l’Union européenne, les États-Unis et le Canada.
Volvo reste engagée dans l’électrification à long terme, mais reconnaît que l’abandon complet des moteurs à combustion ne sera pas un processus linéaire.
Porsche

Filiale de Volkswagen, Porsche est l’une des marques les plus gravement touchées par la baisse des ventes en Chine et rencontre également des difficultés dans sa transition vers les motorisations électriques. La prestigieuse marque allemande avait pour ambition de compter 80 % de véhicules électriques d’ici la fin de cette décennie, mais affirme aujourd’hui vouloir continuer à produire des moteurs thermiques « encore longtemps ».
Porsche a été affectée par l’adoption hésitante des véhicules électriques dans certains pays. Les ventes de son modèle électrique Taycan ont chuté de 50 % et l’entreprise a enregistré une baisse totale de 40 % des nouvelles livraisons de voitures au cours des neuf premiers mois de 2024.
Les acheteurs de voitures de sport, pour qui les batteries rendent les véhicules lourds et moins amusants à conduire, pourraient être réticents à abandonner le caractère et l’interaction qu’offre un moteur à combustion. La solution envisagée : les carburants synthétiques neutres en carbone que Porsche teste au Chili et espère commercialiser d’ici 2030.
Bentley

Autre marque prestigieuse sous la houlette de Volkswagen, le constructeur britannique de luxe Bentley trouve également le passage à l’électrique plus complexe que prévu. Comptant initialement passer à une gamme entièrement électrique d’ici 2030, cette échéance a été repoussée à 2035, et son premier modèle électrique ne sortira qu’en 2026, soit un an plus tard que prévu.
Le nouveau PDG Frank-Steffen Walliser, parachuté de chez Porsche, a déclaré que la clientèle actuelle montrait peu d’enthousiasme pour les voitures électriques, soulignant que ce marché se développera à des rythmes différents selon les pays.
Bentley n’en poursuit pas moins des objectifs plus écologiques, en remplaçant en juillet 2024 son légendaire moteur à explosion W12 par un groupe motopropulseur hybride essence-électrique utilisant un simple moteur V8 à combustion. Ce nouvel ensemble, bien que beaucoup moins émetteur de CO2, offrira en réalité encore plus de puissance.
Rolls Royce

La vénérable marque britannique de luxe Rolls-Royce, qui fête ses 120 ans, affiche un optimisme certain avec un plan d’investissement de 300 millions de livres sterling (361 millions d’euros) pour agrandir son usine emblématique de Goodwood. Aujourd’hui sous pavillon BMW, elle mise sur une stratégie singulière pour assurer sa pérennité : proposer des modèles ultra-personnalisés à une clientèle fortunée.
Celles et ceux qui souhaitent adapter leur véhicule à leurs envies devront mettre la main au portefeuille, avec des suppléments conséquents pour des finitions exclusives telles que des peintures holographiques, des œuvres d’art intégrées ou encore des ornements en or massif. De quoi faire grimper le prix de base jusqu’à 340 000 livres (409 000 euros). Autant dire que les acheteurs de ce standing ne se soucient guère des hausses de tarifs liées aux droits de douane, aux motorisations électriques ou aux coûts industriels. Rolls-Royce pourrait ainsi faire figure d’exception dans l’industrie automobile : une marque à l’avenir assuré.
Reste que la production annuelle se limite à quelques milliers d’exemplaires. Et si la marque se garde bien d’annoncer si elle continuera à proposer des moteurs thermiques après 2030, elle assure être prête à basculer vers une gamme 100 % électrique si la demande – des clients comme des gouvernements – l’impose.
Que réserve l’avenir ?

Comme ces exemples le démontrent clairement, l’industrie automobile traverse une transformation massive. Les principaux défis résident dans une électrification à marche forcée alors que certains marchés clés restent réticents et dans la concurrence foisonnante de nouveaux acteurs, notamment venant de Chine. Les fabricants chinois de véhicules électriques devanceront-ils leurs rivaux occidentaux, plus anciens et parfois moins agiles ?
Si c’est le cas, l’Occident pourrait subir un choc. Le secteur automobile, dont les emplois ne se limitent pas aux seules usines automobiles, est vital pour de nombreuses économies nationales. Les bouleversements de 2024 provoquent déjà des licenciements significatifs au sein de la filière. En Allemagne, le sidérurgiste Thyssenkrupp supprime 40 % de ses effectifs et d’autres fournisseurs ont éliminé 20 000 postes au total. La division automobile de Bosch supprimera quant à elle 8 000 emplois à l’échelle mondiale.
Nous assisterons probablement à des changements spectaculaires dans les années à venir, entre fusions, rachats et disparitions d’entreprises. Dans tous les cas, les conséquences de ce sujet qui concerne tout un chacun seront difficiles à ignorer.
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