L’incroyable empire immobilier d’Henry Ford
Un empire immobilier à la mesure de son nom

En inventant la production à grande échelle, Henry Ford a non seulement révolutionné l’industrie automobile, mais il a aussi posé les bases du monde moderne et bâti une fortune colossale.
Devenu l’homme le plus riche du monde au début des années 1920, Ford fonde au fil des décennies un empire immobilier de plusieurs centaines de propriétés, parmi lesquelles un somptueux domaine néoclassique, une tentative d’utopie industrielle au Brésil et une remarquable collection de 84 bâtiments historiques dans le Michigan.
Faites défiler le diaporama pour suivre l’ascension du pionnier de l’automobile et la création de son empire immobilier, de sa ferme natale dans le Michigan à ses luxueuses propriétés financées par le succès de la Ford T.
Adaptation française par Clémentine Terrell
La maison d’enfance d’Henry Ford à Dearborn, Michigan

Fils aîné de William et Mary Ford, Henry Ford voit le jour le 30 juillet 1863 dans la ferme familiale située à Springwells Township, aujourd’hui Dearborn, dans le Michigan. Son père, originaire d’Irlande, avait traversé l’Atlantique à la recherche d’une vie meilleure, tandis que sa mère, née dans le Michigan, venait d’une famille d’immigrants belges.
Construite deux ans avant sa naissance, sa maison familiale est une ferme en bois à deux étages, simple mais fonctionnelle, avec cinq chambres, un salon, une cuisine-séjour… et une ambiance plutôt animée !
Sous ce toit vivent Henry, ses parents, ses grands-parents paternels, les parents adoptifs de sa mère, ainsi que ses cinq frères et sœurs.
Une fascination précoce pour la mécanique

S’il abandonne tôt les bancs de l’école, Henry se découvre très vite une passion pour les objets mécaniques et développe une véritable obsession pour les machines pendant son adolescence.
Le déclic ? Une montre de poche offerte en cadeau, qu’il démonte pour en comprendre le fonctionnement. C’est aussi à cette époque qu’il observe une machine à vapeur pour la première fois.
En 1876, à l’âge de 13 ans, Henry est frappé par un drame : la perte de sa mère, Mary, qui le laisse dévasté.
Des années plus tard, il entreprendra de restaurer fidèlement la maison de son enfance en hommage à sa mère. Peut-être pour combler ce vide, ou pour canaliser son chagrin, Henry se plonge alors corps et âme dans son passe-temps favori.
La première maison d’Henry Ford à Détroit

Après s’être fait la main sur les montres, Henry devient le réparateur attitré du quartier. Il se tourne ensuite vers les machines à vapeur et construit son premier prototype à seulement 15 ans.
L’année suivante, armé d’une volonté inébranlable, il parcourt près de 13 km à pied pour rejoindre Détroit, où il décroche un apprentissage dans un atelier de mécanique rattaché à un chantier naval.
Il s’installe chez sa tante, Rebecca Ford Flaherty, dans une maison aujourd’hui disparue de Franklin Street, à Détroit.
Retour dans la ferme familiale

Une fois son apprentissage terminé, Henry travaille quelque temps sur les moteurs à vapeur de Westinghouse, où il découvre avec fascination le moteur à combustion interne, avant de retourner vivre dans sa maison d’enfance en 1882. Mais pas question pour lui de travailler à la ferme : il préfère consacrer tout son temps à ses machines, sa véritable passion.
Le futur magnat de l’automobile trouve quand même le temps de tomber amoureux. En 1888, à l’âge de 25 ans, il épouse Clara Bryant, rencontrée trois ans plus tôt lors d’un bal du Nouvel An.
En guise de cadeau de mariage, le père d’Henry leur offre une parcelle de 16 hectares parsemée de grands arbres matures. Le terrain comprend aussi une vieille bâtisse, dans laquelle le couple décide de s’installer.
Square House, le domicile conjugal d’Henry Ford à Dearborn, Michigan

Henry enfile sa casquette de bûcheron, installe une scierie sur son terrain et construit rapidement une petite maison pleine de charme, baptisée « Square House », qu’il achève en mai 1889.
C’est Clara qui serait à l’origine de l’étonnante forme cubique de cette maisonnette de seulement 15 m², qui ne compte que quatre pièces : un petit salon, une salle de séjour, une cuisine et une chambre.
En 1891, Henry décroche le poste de ses rêves : ingénieur chez Edison Illuminating Company, à Détroit. Le couple fait alors ses valises pour la grande ville, laissant derrière eux leur première maison, dont ils resteront cependant propriétaires jusqu’en 1937. La maison sera plus tard déplacée de 10 km à l’ouest pour éviter la démolition. Aujourd’hui, c’est une propriété privée.
Le lieu de naissance d’Edsel Ford à Détroit

Les Ford louent un appartement situé au-dessus d’une laverie sur John R Street à Détroit, où ils résident jusqu’au printemps 1892. Après deux déménagements, ils posent finalement leurs valises au 570 W Forest Avenue en 1893.
Cette année-là est marquée par deux évènements majeurs pour Henry : sa promotion au poste d’ingénieur en chef et la naissance de l’unique enfant du couple, Edsel, dans cette maison.
À cette époque, l’inventeur de génie a déjà conçu une voiture sans chevaux propulsée par un moteur à combustion interne et commercialement viable. Malgré des gardes de 24 heures, son poste à l’Edison Illuminating Company lui laisse du temps libre entre chaque intervention, qu’il utilise pour peaufiner son projet.
C’est ainsi qu’au réveillon de Noël de la même année, Henry construit son premier moteur à combustion interne et à essence.
Le modeste lieu de naissance de la Ford Motor Company

À la fin de l’année 1893, Henry et Clara Ford s’installent dans cette maison mitoyenne de style victorien au 58 Bagley Avenue. Le moteur à essence déjà conçu, Henry se concentre désormais sur la création de la voiture elle-même.
Le pionnier de l’automobile installe un atelier dans une remise en briques derrière la maison et se met sérieusement au travail. Le succès est au rendez-vous en 1896, lorsqu’Henry finalise sa première voiture, le Quadricycle, un prototype rudimentaire équipé d’un moteur à essence de quatre chevaux, monté sur un châssis métallique léger et doté de quatre roues de bicyclette.
Un design emblématique à perfectionner

La même année, Henry Ford rencontre Thomas Edison, le grand patron de l’Edison Illuminating Company : c’est le début d’une longue amitié. Impressionné par le Quadricycle, le célèbre inventeur encourage Henry à poursuivre son développement.
Soutenu par son influent patron, Henry finit par créer une version améliorée du Quadricycle. Il obtient son premier brevet pour un carburateur en 1897, l’année où les Ford quittent le 58 Bagley Avenue pour louer une nouvelle maison. Henry Ford accumulera un total de 161 brevets au cours de sa vie, témoignage de son ingéniosité.
Une nouvelle automobile abordable

L’atelier d’Henry au 58 Bagley Avenue est démoli après le départ des Ford, mais la structure a depuis été reconstruite à l’identique.
Henry quitte l’Edison Illuminating Company en 1899 pour se consacrer pleinement à son rêve automobile. Après quelques tentatives infructueuses, il fonde la Ford Motor Company en 1903, avec l’ambition de lancer la première voiture abordable.
Il atteint cet objectif en 1906 avec la sortie de la Ford Model N. À 500 $ (environ 16 000 € aujourd’hui), elle vaut 150 $ de moins que sa rivale, l’Oldsmobile Runabout. Sans surprise, les ventes décollent.
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Une maison bâtie sur mesure pour Henry Ford à Détroit

Tandis que son entreprise prospère, Henry gravit l’échelle sociale. La famille emménage en 1908 dans cette somptueuse demeure de style Renaissance italienne, située au 66 Edison Avenue à Détroit (aujourd’hui le 140 Edison Street).
Incroyable mais vrai, le couple avait loué onze maisons à Détroit avant de faire construire la leur. Située dans le quartier huppé d’Edison-Boston, cette propriété conçue par le célèbre architecte William Higinbotham compte quatre chambres et regorge de détails raffinés, dont des colonnes majestueuses de style toscan.
La Ford Model N se vend comme des petits pains, mais c’est sa successeuse qui va battre tous les records. Livrée le 1er octobre 1908, la première Ford Model T s’apprête à marquer l’histoire : surnommée « Tin Lizzie » dans son pays d’origine, elle est remarquablement fiable, facile à réparer et dotée de fonctionnalités avancées qui dépassent largement son prix abordable de 825 $ (environ 25 500 € aujourd’hui).
Une résidence d’été à Harbor Beach, Michigan

Les ventes de la Model T décollent véritablement après 1913, lorsque la Ford Motor Company installe la première chaîne de montage mobile dédiée à la production automobile, une révolution industrielle qui fait passer le temps de fabrication d’une voiture de plus de 12 heures à seulement une heure et demie. En 1914, le prix du modèle de base chute à 440 $ (12 700 € aujourd’hui) et plus de 200 000 Model T sont vendues, contre seulement 239 en 1908.
Henry voit sa fortune personnelle monter en flèche. En 1914, il s’offre sa première résidence d’été, une propriété rustique sur les rives du lac Huron, dans la région du Thumb au Michigan. Il acquiert par la suite plusieurs autres résidences d’été, dont un domaine sur Grosse Île et une maison au sein du très sélect Huron Mountain Club à Big Bay, dans le Michigan.
Le château Fair Lane à Dearborn, Michigan

Henry et Clara acquièrent 526 hectares de terrain à Dearborn, la ville natale d’Henry, et se lancent dans la construction de la maison de leurs rêves. Détroit devient trop urbanisée et le couple aspire à plus d’espace et d’intimité.
Le légendaire architecte Frank Lloyd Wright est d’abord sollicité pour concevoir la propriété, mais c’est finalement sa protégée, Marion Mahony Griffin, première femme architecte à se faire un nom aux États-Unis, qui décroche le projet.
Associée au cabinet Von Holst and Fyfe de Chicago, elle imagine une résidence dans l’esprit moderne de la Prairie School, que les Ford finiront par rejeter en faveur d’un style plus traditionnel.
L’architecte William Van Tine de Pittsburgh est alors engagé pour retravailler le design de Mahony Griffin et la maison est finalement achevée au début de l’année 1916, dans un style éclectique mêlant des éléments du style Prairie aux influences gothiques de châteaux anglais.
Des installations de pointe

Les Ford font de Fair Lane leur résidence permanente après la vente de leur maison à Détroit.
Nichée au cœur de superbes jardins paysagers, l’imposante demeure en pierre calcaire s’étend sur 2 880 m² et compte initialement 56 pièces, dont sept chambres, 15 salles de bain et un salon lambrissé dans le style d’un manoir anglais.
L’impressionnante propriété dispose d’une piscine intérieure, d’une piste de bowling et d’un tunnel menant à une centrale électrique futuriste qui, sur les conseils de Thomas Edison, abrite des générateurs hydroélectriques ainsi que le laboratoire d’Henry.
Une maison pour le reste de sa vie

Le château Fair Lane, baptisé en hommage au lieu de naissance du grand-père paternel d’Henry dans le comté de Cork en Irlande, deviendra la résidence principale du couple pour le reste de sa vie.
Sur cette photo prise devant Fair Lane en 1943, Henry a 80 ans et Clara environ 77 ans. Henry décède quatre ans plus tard, tandis que Clara s’éteint en 1950. Le château sera ensuite presque complètement vidé avant d’être cédé à la Ford Motor Company.
Une impressionnante restauration

En 1957, la famille Ford fait don de la propriété à l’Université du Michigan, qui la transforme en musée. La maison principale perd son apparence originale au fil des ans, et la piscine intérieure est convertie en restaurant, comme on peut le voir sur la photo.
Le musée ferme ses portes au public en 2010. En 2013, une organisation à but non lucratif dirigée par l’arrière-petit-fils d’Henry, Edsel II, prend possession des lieux.
En 2019, une organisation indépendante est créée dans le but de restaurer l’aspect et l’ambiance d’origine de la demeure. D’importants travaux de restauration sont lancés, mais le projet, financé par des dons, n’est aujourd’hui pas encore achevé.
The Mangoes, la résidence d’hiver d’Henry Ford à Fort Myers, Floride

Comme un grand nombre de familles ultrariches de l’époque, les Ford fuient les hivers rigoureux du Michigan pour des climats plus cléments.
En 1916, le couple acquiert ce bungalow de style Craftsman à deux étages, situé sur les rives du fleuve Caloosahatchee à Fort Myers, en Floride. Baptisée « The Mangoes » en hommage aux manguiers qui ornent ses jardins luxuriants, cette demeure devient le refuge hivernal de la famille Ford jusqu’en 1931.
Une maison de vacances tout en simplicité

Contrairement à la solennité guindée de leur château à Dearborn, The Mangoes est une maison simple et confortable décorée dans un style sans prétention, où les Ford peuvent se détendre et recevoir dans un cadre plus décontracté.
Parmi leurs invités de marque, on compte Thomas Edison, mentor et ami de Henry, et son épouse Mina, qui passent l’hiver dans la maison voisine. C’est d’ailleurs après un séjour chez les Edison en 1914 que les Ford décident d’acheter The Mangoes.
Seminole Lodge, la résidence d’hiver de Thomas Edison à Fort Myers, Floride

La propriété de la famille Edison s’appelle quant à elle Seminole Lodge. Thomas Edison achète le terrain en 1885 pour y construire une belle maison principale, simple et sans prétention, ainsi qu’une dépendance, une maison de gardien, un laboratoire et l’une des premières piscines résidentielles des États-Unis.
Unis par leur passion pour les activités de plein air, les deux couples aiment passer du temps ensemble à se baigner, faire du bateau, pêcher ou observer les oiseaux.
Une amitié durable

Henry ne manque jamais d’être à Fort Myers le 11 février, pour célébrer l’anniversaire de Thomas Edison.
Après le décès du grand inventeur en 1931, les Ford arrêtent de passer l’hiver à Fort Myers. En 1945, ils vendent The Mangoes à un acheteur privé, tandis que Mina Edison fait don de Seminole Lodge à la ville de Fort Myers, qui la transforme en musée. The Mangoes est par la suite également acquise par la ville, et les deux propriétés forment aujourd’hui le site des Edison and Ford Winter Estates.
Cherry Hill House, la maison d’Henry Ford à Richmond Hill, Géorgie

En 1925, Henry perfectionne ce qu’on appelle le fordisme : un système de production ultra-efficace qui permet de fabriquer des biens en grande quantité mais à faible coût, tout en offrant des salaires décents aux ouvriers.
On lui attribue même la création de la classe moyenne américaine et de la société de consommation, car il a donné à ses employés les moyens d’acheter les produits qu’ils fabriquaient.
Au milieu des années 1920, un impressionnant total de 10 millions de Model T ont été vendues, et la fortune de Henry atteint 1,2 Mds $ (20 Mds € aujourd’hui).
À la tête d’une immense fortune, le pionnier de l’automobile agrandit son portefeuille immobilier en 1925 en achetant cette magnifique demeure à Richmond Hill, en Géorgie, ainsi que les terres alentour pour des projets agricoles.
Une imposante demeure de style colonial

Construite en 1874, Cherry Hill House renaît sur les cendres du passé. Après l’incendie de la résidence d’origine durant la guerre de Sécession, la riche famille Arnold décide de reconstruire une imposante demeure de style colonial sur le même terrain.
La maison devient la principale résidence d’hiver des Ford jusqu’à la fin des années 1930, date à laquelle ils emménagent dans une somptueuse propriété voisine bâtie sur mesure dans un style néo-géorgien, dans un vaste domaine bordant l’Ogeechee.
Rénovée dans toute sa splendeur

Henry Ford reste propriétaire de Cherry Hill House, où il commence à héberger des amis en 1937. La maison restera dans la famille jusqu’en 1951.
Vendue ensuite plusieurs fois et transformée en duplex au fil du temps, elle retrouve finalement son unité en 2022, lorsqu’un couple l’achète pour un peu moins de 1,1 M$ (996 000 €) et entreprend de la rénover, en ajoutant un garage pour quatre voitures, mais en veillant toujours à préserver les éléments d’époque et le charme d’origine de la maison.
Le début d’un nouveau chapitre

Cet incroyable domaine historique avait été mis en vente pour un peu moins de 4,2 M $ (environ 3,8 M €), par l’agence immobilière Seabolt Real Estate en partenariat avec Christie’s International Real Estate.
À la fin des années 1920, Henry Ford est au sommet de sa gloire. Il inaugure en 1927 la gigantesque usine de River Rouge, la plus grande du monde à l’époque, et lance avec succès sa voiture Model A pour remplacer la célèbre Model T.
Soucieux de contrôler chaque élément de sa chaîne de production, Ford veut même maîtriser l’approvisionnement en caoutchouc pour ses pneus, jusqu’alors monopolisé par les Britanniques qui maintiennent les prix artificiellement élevés. Il décide donc de se tourner vers le Brésil pour y fonder sa propre ville dédiée à la production de latex.
La ville modèle de Fordlandia au Brésil : une utopie vouée à l’échec

Après avoir négocié avec le gouvernement brésilien, Ford acquiert plus de 13 000 km² de terres en pleine Amazonie, le long du fleuve Tapajós. Son rêve ? Créer une ville modèle au cœur de la jungle, reflet parfait du mode de vie américain et vitrine du fordisme : Fordlandia.
Pensée comme une petite ville du Midwest transplantée sous les tropiques, Fordlandia devait accueillir 10 000 ouvriers généreusement rémunérés.
Tout est prévu : plan en damier, maisons typiquement américaines, écoles, hôpital, église, bibliothèque, hôtel, piscine, terrain de golf… le tout dominé par un immense château d’eau. Mais dès le départ, le rêve tourne au cauchemar.
Une surveillance constante

Orchestrée par des Américains peu au fait de l’écologie locale, la plantation de caoutchouc de la ville voit ses arbres décimés par les maladies et les parasites après avoir été plantés trop près les uns des autres.
Le dictat d’Henry est omniprésent. Fondé en 1915, le Ford Sociological Department est chargé de surveiller l’hygiène, la moralité, les finances et bien d’autres aspects de la vie de ses employés – une surveillance constante qui atteint son paroxysme à Fordlandia.
Une multitude de règles y sont imposées, y compris l’interdiction de l’alcool, du tabac, des jeux d’argent et même du football, comme le rapporte Greg Grandin dans son livre Fordlandia.
Les habitants doivent également se plier aux lubies alimentaires d’Henry et consommer des aliments américains peu familiers comme du pain complet, des flocons d’avoine et des pêches en conserve.
Des hébergements controversés

En dépit des généreux salaires proposés, les règles imposées par Ford suscitent, sans surprise, le mécontentement des ouvriers locaux. Le logement devient également une source de tensions : les cadres américains résident dans de luxueuses maisons tout confort dans le quartier « Vila Americana » (comme on peut le voir sur la photo), tandis que les employés brésiliens doivent se contenter de bungalows rudimentaires, dépourvus d’eau courante, comme le rapporte Grandin.
Les tensions atteignent leur apogée en 1930, lorsqu’une dispute sur le service des repas à la cafétéria dégénère en émeute. Furieux, les travailleurs saccagent alors une partie de la ville.
Une énorme perte financière

L’arrivée d’un nouveau directeur apaise temporairement les tensions, mais le destin de Fordlandia est déjà scellé. Une nouvelle plantation s’installe 96 km en aval en 1931, et la ville utopique d’Henry est définitivement abandonnée en 1934, sans avoir jamais produit le moindre latex pour ses voitures. Malgré des débuts plus prometteurs, Belterra, la nouvelle plantation, connaîtra finalement un sort similaire.
En 1945, Ford cède ses terres au gouvernement brésilien pour seulement 244 200 $ (3,9 M € aujourd’hui), une somme dérisoire comparée aux 20 M $ (332 M € aujourd’hui) investis dans le projet.
Laissée à l’abandon pendant des décennies, la ville de Fordlandia a récemment été redéveloppée et accueille aujourd’hui une population de 2 000 à 3 000 personnes.
Greenfield Village à Dearborn, Michigan

Henry est obnubilé par l’idée de documenter l’histoire quotidienne des États-Unis de manière accessible et divertissante. À la fin des années 1910, il imagine un nouveau concept de musée intérieur/extérieur, qu’il mettra plus de dix ans à élaborer sur un site situé à Dearborn.
Initialement baptisé « Edison Institute » en hommage à son grand ami Thomas Edison, le musée est inauguré en 1929 lors d’une cérémonie grandiose à laquelle assistent des invités prestigieux comme le président Herbert Hoover, Marie Curie, Orville Wright et John D. Rockefeller.
Un musée novateur en plein air

Baptisée Greenfield Village, la partie extérieure du musée ouvre ses portes au public en 1933. Premier de ce type aux États-Unis, le musée compte 84 bâtiments emblématiques qui retracent l’histoire du développement économique du pays.
Persuadé de l’importance de son héritage dans l’histoire américaine, Henry fait construire une réplique de sa toute première usine Ford. Greenfield Village abrite également une collection de bâtiments marquants liés à la vie d’Henry et aux débuts de son entreprise, tels que sa maison natale, ses anciennes écoles et son atelier de Bagley Avenue, reconstruit avec les briques de l’ancienne maison.
Une extraordinaire collection

Le musée en plein air est une fascinante collection de bâtiments historiques. Aux côtés de la réplique de la première usine Ford se dresse la chapellerie de Mrs D. Cohen, un bel exemple de commerce des années 1880, ainsi que la maison où Henry J. Heinz lança son entreprise de conserves en 1854.
D’autres bâtiments emblématiques de l’histoire américaine ont été déplacés ou fidèlement recréés sur le site, y compris le plus ancien moulin à vent des États-Unis, datant du milieu du XVIIᵉ siècle, la première usine de soie du pays, fondée en 1810, une réplique du laboratoire de Thomas Edison à Menlo Park, et l’atelier de bicyclettes des frères Wright.
Greenfield Village à Dearborn, Michigan

Bien que l’histoire américaine soit au cœur du projet, le site compte également plusieurs édifices d’origine anglaise. Séduit par le charme des cottages traditionnels des Cotswolds, reconnaissables à leur pierre jaune-brun, leurs pignons élevés et leurs toits en pente, Ford fait venir un superbe exemple datant de 1619 du village de Chedworth, dans le Gloucestershire.
Il importe également une écurie et une forge des Cotswolds. Construites au XVIIᵉ siècle, ce sont peut-être les plus anciennes structures du site.
La Ford Plantation à Richmond Hill, Géorgie

En 1936, les Ford entament la construction d’une majestueuse demeure de style néo-grec de 650 m², nichée sur un terrain de 22 hectares choisi par Clara au bord de la rivière Ogeechee. La splendide maison est achevée un an plus tard, et Henry transforme une ancienne usine de riz en laboratoire et centrale électrique l’année suivante.
Mais 1937 n’est pas une année de célébration pour Henry. Frappée de plein fouet par la Grande Dépression, l’entreprise Ford licencie près de la moitié de ses employés entre 1929 et 1932.
Poussés par une réduction des salaires, les employés restants commencent à se syndiquer. Henry, farouchement opposé aux syndicats, passe les années 1930 à se battre contre cette négociation collective avec des tactiques d’intimidation de plus en plus agressives qui choquent le public américain et ternissent la réputation de Ford.
Une personnalité complexe

Des accusations d’antisémitisme et de racisme viennent également ternir la réputation d’Henry.
Selon PBS, entre 1919 et 1927, le magnat de l’automobile prend le contrôle du journal local de Détroit, The Dearborn Independent, pour y publier des articles antisémites. Ses politiques de recrutement apparaissent également discriminatoires envers les candidats juifs.
Malgré son indéniable talent d’innovation, Henry Ford est un personnage complexe et il est essentiel de reconnaître les aspects sombres de sa personnalité qui ont joué un rôle dans la création de son empire automobile et immobilier.
Richmond Hill

Une nouvelle résidence vient rejoindre l’impressionnant patrimoine immobilier d’Henry : Richmond Hill Plantation. Un nom plutôt surprenant étant donné le manque de relief de la région.
Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il avait ajouté Hill (« colline ») au nom, Henry a répondu avec un brin d’ironie : « Par ici, tout ce qui n’est pas un marécage s’appelle une colline ».
Construite en élégante brique grise de Savannah, la maison était équipée de tout le confort moderne, y compris la climatisation, un ascenseur et une grande piscine.
Une main tendue vers la communauté locale

Si les Ford vivent dans le luxe de leur vaste demeure au bord de la rivière, ils n’en oublient pas moins la communauté locale : après avoir découvert que leur seul revenu reposait sur la production d’alcool de contrebande, Henry décide de faire construire une scierie et de moderniser les infrastructures scolaires et médicales.
Sur les conseils de son fils Edsel, président de la Ford Motor Company depuis 1919, Henry finit par céder aux demandes syndicales en 1941. Mais deux ans plus tard, la tragédie frappe : Edsel décède d’un cancer de l’estomac à l’âge de 49 ans.
Accablé de chagrin, Henry reprend les rênes de l’entreprise. Après avoir subi une série d’accidents vasculaires cérébraux, il passera finalement le relais à son petit-fils Henry II en 1945.
Un héritage durable

Quand Henry Ford s’éteint en 1947, il fait partie des hommes les plus riches du monde. À valeur actuelle, sa fortune est estimée à 250 Mds $ (221,3 Mds €). Sa propriété de Richmond Hill est vendue à l’International Paper Company en 1951 et appartient aujourd’hui à un club privé.
La majeure partie de son immense fortune revient à la Ford Foundation, l’une des fondations les mieux financées et les plus influentes au monde, qui consacre des milliards de dollars à de bonnes causes œuvrant dans divers domaines, notamment le soutien à l’enseignement supérieur, la défense des droits civiques et la lutte contre le VIH.
Le patrimoine d’Henry Ford est complexe, mais son génie et son empreinte sur l’histoire industrielle sont incontestables.
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