Le palais rose du roi des céréales : dernières images du manoir Kellogg
Dernière visite de la résidence avant sa destruction
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Autrefois l'une des résidences les plus admirées de Floride, cette impressionnante villa néo-méditerranéenne située à Dunedin et ayant appartenu à un célèbre magnat des céréales a été démolie en 2021. Malgré la richesse de son histoire, la demeure n’a pas échappé à la destruction. Toutefois, son héritage perdure à travers les souvenirs et les images d’antan.
Poursuivez votre lecture pour plonger dans l’histoire de ce lieu qui, jusqu’à sa démolition, conservait son charme d’époque, magnifiquement capturé dans des photographies prises juste avant sa disparition.
Adaptation française par Lisa Reymonet
Un trésor architectural perdu

Leland Kent, de l’agence Abandoned Southeast, a reçu l’autorisation d’immortaliser en photo le bâtiment d’environ 700 m2 avant qu’il ne soit perdu à tout jamais.
S’inspirant des édifices de la Renaissance italienne du XVIe siècle, le majestueux manoir Kellogg, en stuc rose et blanc et à l’imposant portique encadré de colonnes classiques en façade, se dressait autrefois au milieu d’une végétation composée d’arbustes et de palmiers, sur un terrain au bord de l’eau surplombant le golfe du Mexique.
Malgré sa valeur inestimable en matière d’architecture, la résidence n’a jamais été inscrite au Registre national des lieux historiques américain, un élément qui peut paraître anodin, mais qui a néanmoins scellé son destin…
Un intérieur féérique

En pénétrant dans le hall d’entrée, on pouvait admirer des colonnes de marbre aux chapiteaux corinthiens dorés à la feuille, surmontées d’arcs mauresques avec leurs fresques colorées peintes à la main.
Selon le Dunedin Historic Preservation Advisory Committee, certaines des peintures murales auraient été commandées par le propriétaire le plus célèbre du manoir, un grand industriel dont le produit phare est devenu une institution du petit-déjeuner : William Keith Kellogg, inventeur des cornflakes.
Le joyau de la couronne

Les superbes peintures du plafond du vestibule étaient soulignées par de fastueuses ornementations en mosaïque. Au centre de la pièce, le lustre scintillant suspendu datait probablement des Années folles, époque à laquelle la maison avait été construite.
En 1925, l’homme d’affaires Edward Frischkorn avait commencé à établir un nouveau quartier sur la côte à Dunedin, en Floride, qu’il baptisa « Dunedin Isles ». Il décida d’y faire construire sa propre maison en choisissant l’un des meilleurs emplacements avec vue sur les sublimes Caladesi Island et Honeymoon Island. À l’origine, la majestueuse propriété s’appelait « Villa Moreno ».
Un décor inspiré des palais royaux

Autrefois comble de l’opulence, ce salon fantaisiste aurait été tout à fait à sa place dans un château français. Palais royaux et grandes villas ont, en effet, exercé une influence déterminante sur l’architecture néo-méditerranéenne, qui a connu son apogée dans les années 1920.
Le plafond à caissons de la chambre, sculpté à la main, se distinguait par ses motifs élaborés de rose et de blanc. Quant aux colonnes de marbre qui encadraient la cheminée, elles avaient été conçues comme des versions miniatures de celles qui se trouvaient dans le hall d’entrée.
Une œuvre sophistiquée

Véritable enchantement pour les yeux, la salle à manger séduisait autrefois les hôtes par son charme hors du commun. Une peinture murale grecque dans des tons bleus doux encadrait la cheminée coiffée d’une hotte en métal gravé.
Au plafond, les poutres de bois attiraient l’œil grâce à leurs magnifiques motifs floraux peints à la main. Les portes-fenêtres, couronnées de rideaux de velours festonnés, conféraient quant à elles une atmosphère digne d’un théâtre à l’ensemble.
Un refuge en hiver

La cuisine du rez-de-chaussée relevait, quant à elle, d’une esthétique rustique, celle d’une hacienda, avec ses briques apparentes, son sol en carreaux rouges, ses armoires en bois simples et sa mosaïque représentant une scène dans le désert. L’arc constituait un motif architectural récurrent, repris au niveau de la porte et du grand vitrail qui illuminait la pièce.
Lorsque William Kellogg acheta cette propriété en 1934 pour y passer ses hivers, la maison prit le nom de « Manoir Kellogg ». Et bien que le propriétaire n’y ait apparemment passé que deux hivers, la villa conserva ce surnom par la suite.
Une influence méditerranéenne

On pense que la maison était l’œuvre du célèbre architecte américain Addison Mizner, dont l’amour pour les courants néo-colonial espagnol et néo-méditerranéen marqua la carrière.
Si le style de Mizner se distillait partout dans la maison, l’escalier richement décoré du hall d’entrée, avec ses balustres en marbre doré et ses rampes d’un vert intense, en était l’exemple le plus manifeste.
L’ascenseur

Ceux qui souhaitaient se déplacer plus rapidement dans le manoir pouvaient emprunter un ascenseur permettant d’accéder au deuxième étage. Et l’architecte avait poussé le détail jusqu’à tapisser l’intérieur de la cabine du dispositif d’un luxueux velours imprimé léopard.
Sur le palier de l’étage supérieur, les murs étaient recouverts de marbre noir brillant et de superbes fresques, et de surprenantes colonnes en spirale se dressaient, mystérieuses, face à la cage d’ascenseur.
Une histoire légendaire

À l’étage, le palier, avec son sol en bois poli et son plafond pastel orné de motifs floraux peints à la main, ressemblait davantage à une grande salle de bal qu’à un couloir.
Au cours de son histoire, l’illustre manoir accueillit nombre de résidents. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il devint, par exemple, une base pour les Marines américains qui y effectuèrent des tests, conduisant des véhicules amphibies gigantesques ressemblant à des chars d’assaut, surnommés « Alligators », depuis la propriété jusqu’à l’île voisine au nom si romantique d’Honeymoon Island (« île lune de miel » en français).
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Un secteur qui a généré plusieurs milliards de dollars

Incroyable vue que celle qu’on pouvait admirer par cette grande fenêtre encadrée de sublimes fresques. On comprend aisément que William Kellogg qui, au demeurant, avait sans doute beaucoup d’argent à investir dans ce projet, put être subjugué par la propriété.
L’histoire des Corn Flakes de Kellogg’s remonterait à 1898. Aussi surprenant que cela puisse paraître, elle serait née d’une tentative ratée visant à mettre au point une recette de granola par William et son frère. Aujourd’hui, la société atteint une valeur estimée à plus de 19 milliards $ (18,5 Mds €) et ses produits sont commercialisés dans 180 pays.
Une suite parentale majestueuse

À l’étage supérieur, les lambris et les délicates ciselures dorées de la chambre principale rappelaient les atours d’une pièce royale. L’impressionnant lit à baldaquin en merisier semblait trôner sur son estrade. Selon le quotidien Tampa Bay Times, le bois qui aurait été utilisé dans cette pièce serait provenu de la propriété du père du président américain Thomas Jefferson.
Un dressing géant

Avec ses ornementations dorées, ses armoires à miroirs et sa grande cheminée en marbre, le dressing attenant offrait un espace très confortable pour s’habiller et s’apprêter.
La décoration de la chambre principale et de la salle de bains ne datait pas de l’époque de William Kellogg ; elle avait été remaniée par les propriétaires ultérieurs.
Une salle de bain luxueuse

La salle de bains principale, accessible à partir de la suite parentale, était revêtue de marbre du sol au plafond et disposait d’un grand bain à remous, le summum du luxe à l’époque. De grands murs de miroir agrémentés de panneaux décoratifs de style Art déco créaient l’illusion d’un spa à grande échelle.
D’après les déclarations du fils d’un ancien propriétaire, chaque salle de bains de la maison aurait été équipée d’une arrivée d’eau spéciale qui puisait sa source directement dans l’océan. Les sels minéraux que cette eau contenait étaient réputés avoir des effets bénéfiques sur la santé.
Un cabinet de toilette somptueux

Adjacent à la salle de bains, se trouvait un superbe cabinet de toilette meublé d’une coiffeuse aux pieds sculptés. Mais le clou du spectacle était sans conteste la cloison de séparation en verre ornée de motifs végétaux raffinés.
Seul un homme d’affaires aussi accompli que Kellogg pouvait entretenir pareille demeure. Le succès de sa marque tenait à un concept révolutionnaire en 1909 : l’inclusion de cadeaux (jouets et bons d’achat pour des livres) dans les boîtes de céréales. Évidemment, les enfants ont tout de suite été sensibles à cet argumentaire de vente et réclamèrent à leurs parents les céréales Kellogg’s. C’est ainsi que les bénéfices de l’entreprise se sont envolés.
Une décoration royale

Malgré son absence de lit, cette chambre à l’étage, avec son baldaquin suspendu au plafond, avait été pensée pour impressionner par son faste. Renforçant l’aspect royal de la pièce, les rideaux festonnés encadraient les portes-fenêtres qui donnaient sur un balcon, d’où l’on pouvait admirer le littoral et l’océan.
Les bonnes actions de Kellogg

La salle de bains attenante était assez petite, mais comportait de nombreuses ornementations excentriques, en jouant notamment sur l’association inhabituelle des couleurs bleu et lilas ou en affichant une peinture murale représentant un couple jouant au croquet.
Kellogg fit finalement don de la maison à sa fondation W. Keith Kellogg, créée dans les années 1930 pour améliorer l’éducation et la santé des enfants dans le monde. Elle figure aujourd’hui parmi les plus grands organismes philanthropiques privés du monde.
Un changement de propriétaire

Avec son papier peint à fleurs, son tapis rose à poils épais, son couvre-lit et ses oreillers rose pâle, en plus de son tableau religieux de la Vierge à l’enfant dans un cadre doré, cette chambre se distinguait par une esthétique d'une subtilité remarquable.
Selon le Tampa Bay Times, la maison fut vendue par la fondation Kellogg en 1946 pour 63 500 $ à William et Caroline Nolan, soit l’équivalent d’environ 980 000 € aujourd’hui. Depuis, elle n’a jamais perdu son statut de propriété privée.
Des références médiévales

Mélangeant les styles architecturaux, cette intrigante niche aux boiseries sombres et aux vitraux frappés d’un blason familial semblait tout droit sortie d’un château fort. D’ailleurs, le nom gravé sur l’écusson, « Matthew », permet de faire le lien avec un autre propriétaire influent de cette demeure somptueuse...
La piste de danse des années 1960

Dans les Swinging Sixties, Bill Matthew, courtier en journaux, achète le manoir et en fait sa résidence principale pour les quatre décennies suivantes. Il ajoute alors une touche de flamboyance à la propriété grâce à certains éléments intérieurs.
Par exemple, le fabuleux plancher de cette salle de disco, peint par le célèbre artiste de pop art psychédélique Peter Max, dont le plafond du planétarium pouvait se replier pour permettre aux invités de danser toute la nuit à la lueur des étoiles.
Un vrai lieu de fêtes

Cette demeure avait tout pour attirer les fêtes mondaines. Afin de divertir ses invités, Matthew fit aménager une salle de jeux dans laquelle se trouvaient vraisemblablement une table de billard, des tables de cartes et même une machine à sous.
Les racines néo-méditerranéennes de la villa expliquent la présence du vitrail orné autour de l’arc de la porte éclairant la pièce et des mosaïques complexes à l’intérieur.
Un magnat de la presse

Ce coin bar s’inscrivait tout à fait dans la mouvance des années 1960. Son comptoir arrondi incrusté de mosaïque avec rembourrage en cuir permettait aux hôtes d’y reposer confortablement leurs coudes et son miroir au plafond d’admirer le travail des serveurs.
Matthew était un véritable magnat des médias, négociant des ventes et des fusions d’entreprises de presse importantes. Il travaillait depuis chez lui, ce qui l’a rendu extrêmement riche.
Un bar secret sur le toit-terrasse

La présence d’un bar sur le toit-terrasse avait de quoi surprendre les invités. Malgré son piteux état lorsque Kent l’a photographié, ce devait sûrement être à l’époque un lieu de rencontre apprécié des invités de Matthew. Un soin particulier avait été apporté à sa conception, depuis sa fresque murale détaillée aux influences grecques, jusqu’à la façade de son comptoir recouverte d’un carrelage rustique.
Au fil des décennies, les divers propriétaires du manoir commandèrent toute une série de peintures murales. Ne faisant pas exception, Matthew fit appel à l’artiste local Don Ringelspaugh pour réaliser des frises dans la propriété. Cet artiste talentueux contribua également à la décoration du restaurant Kapok Tree Inn de Clearwater, en Floride, aujourd’hui disparu, mais autrefois célèbre dans tout le pays.
Un espace de détente absolue

Summum du luxe, ce jacuzzi offrait à n’en pas douter une expérience de détente inoubliable, que devaient venir renforcer les tons rose et blanc apaisants des murs en stuc de la demeure. Avec sa vue sur mer à couper le souffle, encadrée par des colonnes de style classique, le bassin était décoré d’une mosaïque monochrome en forme de clé grecque.
Une terrasse enchanteresse

S’inspirant du style mauresque, cette terrasse extérieure enchanteresse créait une symbiose parfaite entre nature et architecture. Par les arcades et les treillis, les résidents pouvaient admirer la vue sur le parc arboré de la propriété. La disposition hexagonale du carrelage bicolore aux influences grecques, quant à elle, formait un point focal.
Un continuum entre intérieur et extérieur

Cette grande allée couverte dans le jardin offrait un continuum entre intérieur et extérieur. Protégés du soleil, les propriétaires pouvaient y flâner à leur guise en contemplant le jardin paysager alors entretenu à la perfection, composé de divers arbres et arbustes. Véritable chef-d’œuvre, l’allée, avec ses arches ornées de pièces de ferronnerie raffinées, montrait toute l’ampleur du talent de l’architecte.
Une résidence ne trouvant pas acquéreur

La photographie ci-dessus donne une idée de l’étendue de la demeure, et de son dédale d’alcôves et de niches secrètes. Les nombreux balcons, terrasses, passerelles et portes-fenêtres traduisaient une volonté de faire cohabiter architecture et nature, comme c’est le cas dans la culture méditerranéenne.
En 2013, le manoir fut mis en vente pour 4,5 millions $ (4,3 M€), mais il ne trouva aucun acquéreur pendant les sept années qui suivirent.
Une propriété vouée à la destruction

Sur cette photographie, on peut voir l’une des allées extérieures de la maison, ornée d’une mosaïque murale représentant une fontaine grecque.
La demeure, qui était restée sur le marché pendant longtemps, a été acquise en 2021 par des acheteurs pour la somme de 4 millions $ (3,9 M€). Mais, coup de théâtre, les nouveaux propriétaires ont déposé une demande de permis de démolition une fois la transaction conclue, invoquant d’importants problèmes d’amiante, de moisissure et de solidité structurelle qui, selon eux, rendaient la maison inhabitable.
Des tentatives de conservation

Sur le flanc de la propriété principale se trouvait une petite maison d'hôtes intimiste, dont l'entrée était sublimée par un superbe revêtement en mosaïque.
Cependant, le plan visant à conserver l’intégrité du logement pour les invités, situé un peu à l’écart de la propriété (voir photographie ci-dessus), en le déplaçant a malheureusement échoué.
Une demeure dépouillée

Si la structure de la maison fut jugée irrécupérable, ses pièces d’antiquité et ses accessoires, d’une valeur inestimable, firent eux l’objet d’un tri minutieux. Lors du transfert de propriété du manoir, les acheteurs signèrent un contrat avec le vendeur et le maire de Dunedin, donnant l’autorisation à la ville de récupérer des statues et des éléments de décoration historiques qui avaient été estimés à plus de 100 000 $ (96 400 €) par l’ancien propriétaire.
Cependant, après la remise des clés, quelle ne fut pas la surprise des nouveaux acquéreurs lorsqu’ils constatèrent qu’un certain nombre de biens promis à la ville, notamment des lustres et des ferronneries, avaient déjà été enlevés, à la suite d’une « erreur de communication » avec une entreprise de récupération locale ! Les objets de valeur en question furent heureusement restitués par la suite.
Une maison réduite à un tas de décombres

Le manoir Kellogg a finalement été démoli au cours de l’été 2021. Le Centre pour le patrimoine numérique et l’information géospatiale de l’Université de Floride a d’ailleurs capturé en image la triste fin de l’édifice.
Bien que les efforts visant à faire annuler l’ordre de démolition aient échoué, la maison a survécu malgré tout sous une forme alternative. Avant que le bâtiment n’ait été réduit en poussière, l’équipe du centre en question a cartographié et photographié le manoir sous toutes ses coutures. La villa a depuis été recréée en 3D, et, de septembre 2023 à mars 2024, une visite virtuelle de la propriété a été proposée au public dans le cadre de l’exposition intitulée Kellogg Mansion Immersive Experience.
Une propriété qui reste gravée dans les mémoires

Les défenseurs du patrimoine considèrent que la démolition de ce monument constitue une véritable tragédie tant il fut l’un des repères emblématiques du littoral floridien pendant près d’un siècle. Cependant, l’héritage du manoir Kellogg et les récits de ses illustres propriétaires perdureront dans les mémoires – et notamment grâce aux avancées technologiques.
Bientôt, une nouvelle maison sera érigée à l’emplacement de l’ancienne demeure, bien qu’il semble fort peu probable qu’elle soit aussi majestueuse que le mythique palais rose du roi des Corn Flakes.
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