La fin du Made in China ? Le grand virage de la France et de l'Occident
Ces États bataillent pour se libérer de leur dépendance à Pékin

Pour de nombreux experts, la forte dépendance de l’Occident aux biens et à la production chinoise est une véritable vulnérabilité, et s’en défaire reste un défi de taille. Cependant, sous l’impulsion des États-Unis, les démocraties occidentales prennent des mesures pour s’en sevrer et diversifier leurs chaînes d’approvisionnement hors de la République populaire de Chine.
Lisez la suite pour découvrir de quels produits chinois l’Occident ne peut plus se passer et quelles stratégies les différents pays adoptent pour se libérer de cette dépendance. Tous les montants exprimés en dollars sont en dollars américains.
Adaptation française par Aurélie Blain
Pourquoi réduire sa dépendance à la Chine ?

Pourquoi l’Occident cherche-t-il à diminuer sa dépendance à la Chine ?
L’escalade des tensions géopolitiques autour de Taïwan, de la mer de Chine méridionale et d’autres régions a mis à mal les relations entre l’Occident et Pékin. De plus, la pandémie de COVID-19 a mis en lumière les limites d’une économie insuffisamment diversifiée.
Cette mise à distance est également nourrie par les préoccupations concernant des violations présumées des droits humains par le gouvernement communiste ainsi que des accusations d’espionnage industriel.
Quels sont les produits chinois importés par l’Amérique ?

Commençons par les États-Unis : l’Amérique est de loin le plus grand marché national d’exportation de la Chine. D’après les données du gouvernement américain, les importations en provenance du géant asiatique auraientt atteint les 427,2 milliards de dollars (402 Md€) en 2023, soit 14,8 % des exportations totales de la Chine continentale.
Les États-Unis importent de nombreux produits chinois, parmi lesquels, par ordre de valeur commerciale, des ordinateurs, smartphones et autres appareils électroniques, des machines industrielles, des produits chimiques et pharmaceutiques, des produits plastiques et en caoutchouc, des équipements de transport, des vêtements, du mobilier et des métaux.
Les produits quasi exclusivement importés de Chine aux États-Unis

Il faut savoir que l’Amérique dépend plus de la Chine en matière de couvertures chauffantes que pour tout autre produit. Selon les chiffres de 2023, la Chine fournit 99,9 % des couvertures chauffantes importées aux États-Unis, suivies de près par les parapluies, dont 98 % proviennent de Chine.
La Chine écrase également la concurrence sur le marché américain en matière de grille-pains, dont plus de 95 % proviennent de ses usines. Bien que ces articles soient utiles, ils ne sont pas essentiels à la sécurité nationale, et une interruption soudaine d’approvisionnement n’aurait pas de répercussions dramatiques.
Quels sont les produits chinois critiques pour l’Amérique ?

Sans être le principal fournisseur de biens critiques (ceux qui influencent la sécurité nationale) des États-Unis, la Chine n’en est pas moins un fournisseur important, selon les chercheurs de la Réserve fédérale de St. Louis.
Parmi ces biens, on peut dénombrer les ordinateurs et systèmes informatiques, smartphones et autres technologies de communication, produits chimiques y compris pharmaceutiques, technologies vertes et minerais essentiels.
Les États-Unis, dépendants de la Chine pour la tech

Environ 92 % des ordinateurs portables vendus aux États-Unis sont importés de Chine, tout comme la majorité des smartphones du pays (jusqu’à 70 % en 2020).
Aucune grande entreprise de la tech n’assemble de smartphones aux États-Unis. Bien qu’Apple et Alphabet/Google aient transféré une partie de leur production en Inde et au Vietnam, il est presque impossible de trouver un appareil aux États-Unis qui ne soit pas partiellement fabriqué en Chine. Et malgré l’interdiction de certains produits Huawei, la célèbre entreprise chinoise vend de nouveau des smartphones sur le marché américain.
Les États-Unis, dépendants de la Chine pour les produits pharmaceutiques

Les affirmations selon lesquelles 80 % des médicaments et 97 % des antibiotiques américains seraient fabriqués en Chine ont été réfutées, mais les importations américaines de produits pharmaceutiques chinois ont tout de même quintuplé depuis 2020. Pour information, selon le code tarifaire américain, la catégorie des produits pharmaceutiques inclut les médicaments conditionnés, les vaccins, les pansements, le sang, les cultures cellulaires et même les organes.
La Chine est maintenant le quatrième plus grand fournisseur de produits pharmaceutiques aux États-Unis. Malgré cette montée en puissance, le dragon asiatique représente seulement 6 % des importations pharmaceutiques totales du pays. L’Amérique reste toutefois vulnérable pour certains produits, comme les vitamines B et C, qu’elle importe de Chine à hauteur de 75 %, ou encore la vitamine E (70 %).
Les États-Unis, dépendants de la Chine pour les batteries de véhicules électriques et les technologies vertes

Alors que le monde tend à la neutralité carbone, les technologies vertes sont sur le devant de la scène économique. Tout en étant l’un des principaux pollueurs, la Chine domine ce marché.
Au premier trimestre 2023, la Chine a représenté 88 % des importations de batteries lithium-ion des États-Unis. La même année, les importations américaines de panneaux solaires ont bondi de 82 %, selon S&P Global Market Intelligence, les fabricants chinois couvrant 84 % des besoins. Il convient de noter que bon nombre de ces panneaux solaires chinois sont exportés depuis des pays d’Asie du Sud-Est.
En revanche, l’Amérique est bien moins dépendante de la Chine pour les éoliennes, qui sont soumises à des droits de douane plus stricts. Contrairement aux panneaux solaires, les importations d’équipements pour turbines éoliennes venant de Chine ont considérablement diminué ces dernières années.
Les États-Unis, dépendants de la Chine pour les minerais critiques, y compris les terres rares

Les États-Unis ont une liste officielle de 50 minerais critiques, classés ainsi en raison de leur importance pour la sécurité nationale ou de leur vulnérabilité aux perturbations de la chaîne d’approvisionnement. La Chine est un fournisseur majeur de nombreux minerais essentiels figurant sur cette liste.
La République populaire fournit presque tout l’yttrium consommé aux États-Unis, un métal utilisé dans les radars micro-ondes et comme catalyseur dans la production de plastique. La Chine domine aussi la production mondiale de métaux indispensables à la transition énergétique.
D’après le mastodonte de la défense Raytheon, jusqu’à 95 % des métaux issus de terres rares utilisés en Amérique et essentiels à la production de smartphones, téléviseurs et véhicules électriques, proviennent de Chine.
L’Amérique face à sa dépendance à la Chine

Sous la présidence de Donald Trump, les États-Unis ont commencé à réduire leur dépendance aux importations chinoises dès 2018. Cette tendance à la baisse s’est poursuivie sous l’administration Biden, qui a maintenu les tarifs douaniers instaurés par son prédécesseur.
Le président Biden a également renforcé les restrictions concernant le commerce des technologies sensibles, comme les semi-conducteurs, tout en offrant d’importantes subventions aux fabricants locaux grâce à la loi CHIPS and Science de 2022, ainsi qu’à d’autres initiatives. Par conséquent, les importations de produits chinois ont chuté de façon généralisée dans le pays, et le gouvernement américain s’efforce tout particulièrement d’autonomiser les États-Unis dans la fabrication de semi-conducteurs et de sécuriser l’approvisionnement en minerais critiques.
Ce type de contenu vous intéresse ? Cliquez sur le bouton Suivre en haut de la page pour découvrir d’autres articles de loveMONEY.
Les États-Unis réduisent leurs importations chinoises

Globalement, la part des produits chinois dans les importations américaines est passée de 21,6 % en 2017 à 13,9 % en 2023. Depuis, le Mexique est devenu le principal fournisseur aux États-Unis.
Selon la Réserve fédérale de St. Louis, l’administration américaine s’efforce de rapatrier la production et de s’approvisionner auprès de pays « plus sûrs ». Les importations de biens critiques ont ainsi enregistré les baisses les plus marquées, mais les États-Unis restent résolument dépendants de la Chine pour de nombreux autres produits, qu’ils soient de consommation courante ou essentiels.
Quels sont les produits chinois importés par le Canada ?

Selon la base de données des Nations unies UN Comtrade, le Canada a importé l’an dernier pour 66,1 milliards de dollars (62 Md€) de biens en provenance de Chine, contre des exportations à hauteur de 22,6 milliards de dollars (21,3 Md€). Bien que le déficit commercial du Canada avec la Chine demeure élevé (43,5 milliards de dollars, soit 41 Md€), il est en diminution.
Le Canada importe une grande variété de produits chinois, les appareils électroniques en représentant la part la plus importante, pour un total d’environ 16 milliards de dollars (15 Md€).
Quels sont les produits chinois dont le Canada est le plus dépendant ?

D’après un article de 2020 publié par le groupe de réflexion britannique Henry Jackson Society, le Canada dépend de la Chine pour 367 catégories de biens, dont 83 intègrent des infrastructures nationales critiques, comme les terres rares, les produits industriels et les équipements électroniques.
L’article cite également le Canada comme étant le plus dépendant à la Chine des membres de l’alliance de sécurité des Five Eyes (États-Unis, Royaume-Uni, Australie, et Nouvelle-Zélande) pour les produits pharmaceutiques. Le Canada a toutefois annoncé son intention d’imposer des droits de douane de 100 % sur les véhicules électriques chinois et une taxe de 25 % sur les importations d’acier et d’aluminium.
Le Canada face à sa dépendance à la Chine

Le Canada a mis en place plusieurs mesures pour réduire sa dépendance à la Chine. À l’image des États-Unis, le pays cherche à rapatrier la production par le biais de la Loi sur Investissement Canada et d’autres politiques gouvernementales. La Stratégie canadienne des minerais critiques bénéficie de milliards de dollars de soutien fédéral, et le pays, riche en ressources naturelles, se positionne comme un fournisseur alternatif pour ces éléments stratégiques.
Malgré ces efforts, des études montrent que les entreprises canadiennes sont moins enclines que leurs homologues américaines à relocaliser leur production, ce qui pourrait poser problème à long terme.
Quels sont les produits chinois importés par l’Europe ?

L’Union européenne représente 14,8 % des exportations chinoises, une part équivalente à celle des États-Unis. En ajoutant d’autres marchés importants comme le Royaume-Uni, la Suisse et la Norvège, il devient évident que l’Europe constitue un marché d’exportation crucial pour la Chine.
En 2022, l’UE a importé de Chine une grande variété de biens pour un montant de 553 milliards de dollars (521 Md€), soit plus de 20 % de ses importations totales. Le Royaume-Uni a, pour sa part, importé 70 milliards de dollars (65 Md€) de produits chinois, notamment des voitures, des appareils électroniques, de l’électroménager et des vêtements.
Les produits presque exclusivement fournis par la Chine

Pour l’Europe, y compris le Royaume-Uni, certains produits proviennent presque entièrement de Chine, notamment les terres rares. L’UE achète 98 % de ces produits essentiels auprès du géant asiatique, qui répond également à 97 % de ses besoins en lithium.
L’Union européenne a également souligné d’autres dépendances stratégiques, notamment concernant les produits pharmaceutiques. Le continent importe en masse des antibiotiques, des analgésiques et d’autres médicaments produits en Chine, et le pays asiatique reste le principal fournisseur des ingrédients de base utilisés par les laboratoires européens.
L’Europe, dépendante de la Chine pour les smartphones et l’électronique grand public

La grande majorité des smartphones utilisés en Europe sont assemblés en Chine, et des marques chinoises telles que Xiaomi, Huawei et Oppo occupent une part significative du marché de détail du continent.
Dans de nombreux pays européens, y compris au Royaume-Uni, il est difficile de trouver un appareil électronique qui ne soit pas au moins partiellement fabriqué en Chine.
L’Europe, dépendante de la Chine pour les véhicules électriques et les batteries

L’an dernier, un véhicule électrique sur cinq vendu en Europe était fabriqué en Chine, et ce chiffre devrait passer à un sur quatre en 2024, alors que la Chine inonde le marché européen de véhicules bon marché.
En outre, l’Europe dépend davantage des batteries lithium-ion chinoises que les États-Unis. L’UE, ainsi que des pays comme le Royaume-Uni et la Norvège, s’appuie fortement sur la Chine pour ces produits. Certains s’inquiètent que l’UE devienne aussi dépendante de la Chine pour les batteries lithium-ion qu’elle l’était de la Russie pour les énergies fossiles avant la guerre en Ukraine.
L’Europe, dépendante de la Chine pour les technologies vertes

En plus de fournir plus de 90 % du lithium destiné aux batteries nécessaire à l’UE, la Chine fabrique 80 % des panneaux solaires utilisés dans l’union. Elle reste également le principal fournisseur du Royaume-Uni dont elle représente 45 % des importations.
En revanche, l’UE est une grande exportatrice d’éoliennes. La Chine n’est pas non plus une source majeure d’éoliennes pour le Royaume-Uni, qui s’approvisionne principalement en Inde, en Turquie et aux États-Unis.
L’Europe face à sa dépendance à la Chine

L’UE a adopté la législation sur les matières premières critiques, qui fixe comme objectif de ne pas s’approvisionner en matières premières essentielles (terres rares, lithium, etc.) à plus de 65 % auprès d’un seul pays. De plus, pour réduire la dépendance des pays de l’Union aux produits pharmaceutiques chinois, des députés européens de 19 États membres ont proposé une loi sur les médicaments critiques, permettant à l’UE de prendre des « mesures drastiques » pour sécuriser ses approvisionnements en médicaments essentiels.
Selon Nikkei, l’UE a entamé des discussions avec le Japon sur des collaborations sur les semi-conducteurs, les batteries pour véhicules électriques et d’autres technologies avancées afin de réduire leur dépendance respective à la Chine. De même, le Royaume-Uni et le Japon ont signé en 2023 l’accord d’Hiroshima, prévoyant un partenariat dans le domaine des semi-conducteurs entre les deux pays, augmentant ainsi probablement les importations britanniques de puces japonaises au détriment des fournisseurs chinois.
L’europe dans une position délicate

Le Royaume-Uni a simulé une interruption soudaine de ses approvisionnements en panneaux solaires et en batteries lithium-ion, et semble durcir sa position vis-à-vis de la Chine. Par ailleurs, l’UE a augmenté les droits de douane sur les véhicules électriques chinois en juillet de cette année.
Cependant, la position de certains États membres est compliquée, comme l’Allemagne, dont la Chine constitue un marché d’exportation clé. Si une guerre commerciale éclatait, la Chine pourrait nuire gravement à l’industrie automobile allemande, tandis que d’autres pays de l’UE, moins exposés, en souffriraient beaucoup moins.
Quels sont les produits chinois importés par l’Australie ?

Contrairement aux États-Unis et à l’Europe, l’Australie affiche un excédent commercial considérable avec la Chine. Selon la base de données UN Comtrade, cet excédent atteignait 48,4 milliards de dollars (45,6 Md€) l’an dernier.
L’Australie dépend bien plus du marché chinois pour ses exportations que l’inverse. Cependant, la nation océanienne dépend également de la Chine pour divers produits essentiels.
De quels produits chinois l’Australie est-elle dépendante ?

La Chine fournit 92 % des semi-conducteurs, des panneaux solaires et des technologies connexes importés par l’Australie. La majorité des ordinateurs utilisés sur le territoire sont également fabriqués en Chine (67 % en 2023). Ce chiffre comprend notamment les smartphones, que la Chine exporte en quantités impressionnantes vers l’Australie.
Des efforts sont faits dans le pays pour réduire cette dépendance à la Chine, du moins dans certains secteurs. Le gouvernement australien a lancé un plan pour les minerais critiques, qui vise une augmentation significative de la production nationale, car le pays est riche en différents minerais essentiels. Le gouvernement investit également un milliard de dollars australiens (618 Md€) pour développer l’industrie locale des panneaux solaires.
Pourquoi les liens entre l’Australie et la Chine sont si difficiles à rompre ?

Malgré ces mesures, l’Australie a en réalité renforcé ses liens commerciaux avec la Chine ces derniers mois. Plusieurs études gouvernementales sur la faisabilité d’une séparation avec la Chine ont conclu à son impossibilité, les deux pays étant trop interconnectés commercialement.
Les exportations australiennes vers la Chine ont atteint des sommets historiques, et à mesure que les relations bilatérales s’améliorent entre les deux pays, la Chine a levé ses lourdes taxes sur le vin australien. Désireuse de protéger son principal marché d’exportation, il est peu probable que l’Australie adopte une position aussi ferme que ses homologues nord-américains et européens pour réduire sa dépendance aux produits chinois.
Quels sont les produits chinois importés la Nouvelle-Zélande ?

Tout comme l’Australie, la Nouvelle-Zélande affiche un excédent commercial avec la Chine. Celui-ci s’est réduit ces dernières années, les exportations vers la Chine ayant baissé, tandis que les importations en provenance du géant asiatique sont restées élevées.
Selon la base de données UN Comtrade, la Nouvelle-Zélande a importé l’année dernière des biens chinois pour une valeur de 10,5 milliards de dollars (9,9 Md€), contre 11,3 milliards de dollars (10,6 Md€) d’exportations vers ce pays. Parmi ses principales importations, de l’électronique, des machines, des vêtements et du mobilier.
Quelle relation commerciale entre la Nouvelle-Zélande et la Chine ?

La Chine est le principal partenaire commercial de la Nouvelle-Zélande, et cette relation est cruciale pour l’économie néo-zélandaise. Il serait extrêmement périlleux pour Wellington de tourner le dos à Pékin.
Comme pour l’Australie, une rupture est presque impensable, compte tenu des liens commerciaux étroits entre les deux pays et de leur proximité géographique. Comme l’a reconnu le gouvernement néo-zélandais, « l’accès limité » de ses principales exportations aux marchés américain et européen signifie que la Chine restera probablement le principal partenaire commercial du pays dans un avenir proche.
Quels pays sont les mieux placés pour remplacer la Chine ?

Remplacer l’usine du monde qu’est la Chine est une tâche ardue, mais certains pays sont mieux placés que d’autres pour y parvenir. Avec la tendance actuelle à la diversification des chaînes d’approvisionnement, la production devrait se répartir à l’avenir de manière plus équitable entre plusieurs pays.
Parmi les nations qui tirent profit de la volonté actuelle de l’Occident visant à prendre ses distances avec la Chine figurent le Vietnam, le Mexique, l’Inde, le Brésil, l’Indonésie, les Philippines, le Japon, la Corée du Sud, le Chili ou encore le Bangladesh.
Ce contenu vous a intéressé ? Cliquez sur le bouton Suivre en haut de la page pour découvrir d’autres articles de loveMONEY.
Comments
Do you want to comment on this article? You need to be signed in for this feature