Le professeur Scott Galloway, de l’université de New York, tire la sonnette d’alarme : les inégalités de revenus atteignent un niveau critique aux États-Unis, au point de menacer la stabilité du pays. Les États-Unis sont connus pour leurs grandes disparités économiques, mais qu’en est-il ailleurs ? Certains pays parviennent-ils à réduire le fossé qui sépare les plus aisés des plus démunis ?
Découvrez les écarts de revenus dans 39 pays sélectionnés sur la base de l’indice de Gini de la Banque mondiale, un outil qui mesure la répartition des revenus dans chaque pays et qui permet de comparer les niveaux d’inégalités à l’échelle mondiale.
Les montants sont indiqués en dollars américains, sauf indication contraire.
Adaptation française par Charline Pelletier
L’indice de Gini a été créé en 1912 par le statisticien italien Corrado Gini. Connu également sous le nom de coefficient de Gini ou ratio de Gini, il évalue les niveaux d’inégalités en mesurant la répartition des revenus ou des richesses. Sur une échelle de 0 (égalité parfaite) à 100 (inégalité totale), cet outil permet ainsi d’effectuer une comparaison facile entre les différents pays.
L’indice de Gini de la Banque mondiale se base sur des enquêtes menées auprès des ménages. Il mesure soit les écarts de revenus avant impôts et prestations sociales, soit la consommation par habitant. Puis, il attribue à chaque pays une note comprise entre 0 et 100. Il convient de noter que la fraîcheur des données n'est pas uniforme à travers les pays, en raison des délais de collecte et de publication. Commençons tout d’abord par les pays affichant les inégalités de revenus les moins marquées.
Modèle en matière de lutte contre les inégalités économiques, la Slovaquie affiche le taux d’égalité des revenus le plus élevé au monde, avec un indice de Gini remarquablement bas, tel que relevé par la Banque mondiale en 2021. D’après les dernières données de la World Inequality Database (WID.world, la Base de données sur les inégalités mondiales), les 1 % des ménages les plus riches du pays se partagent seulement 9,2 % du revenu national, les 10 % les plus aisés en détiennent 28 %, tandis que les 50 % les moins favorisés se répartissent près d’un quart du revenu national, 24,3 %, soit une part relativement conséquente.
En Slovaquie, la répartition équilibrée des revenus résulte en grande partie d’un système fiscal progressif qui cible surtout les hauts revenus. À cela s’ajoutent des politiques sociales robustes, des retraites élevées, un congé parental généreux et d’importants efforts déployés pour réduire l’écart salarial entre les femmes et les hommes. Le résultat ? Un taux de pauvreté faible, une croissance harmonieuse des revenus dans tous les secteurs et une grande mobilité sociale entre les générations.
Les données de l’indice de Gini de l’Ukraine, datant de 2021, indiquent que les 50 % des ménages aux revenus les plus modestes se partageaient 22,6 % des revenus nationaux. Toutefois, ces chiffres ont été relevés avant l’invasion russe.
Depuis, la guerre a creusé les inégalités en impactant particulièrement les foyers les plus fragiles. La forte contraction de l’activité économique, conjuguée à une hausse du chômage et à une inflation galopante, a accentué la précarité des ménages les moins aisés : depuis 2020, 1,8 million d’Ukrainiens de plus vivent sous le seuil de pauvreté, portant le taux de pauvreté à 29 %.
Avec un indice de Gini de 26,4, les Émirats arabes unis semblent afficher des disparités économiques relativement faibles. Néanmoins, ce chiffre – relevé en 2018 – ne reflète plus totalement la réalité du pays.
En effet, la part des revenus attribuée aux 50 % des ménages les moins favorisés reste étonnamment basse (12,9 %), alors que celle des 1 % les plus riches a chuté, passant de près de 20 % en 2000 à 16,1 %. Ces statistiques ne tiennent pas compte de l’importante population de travailleurs migrants issus de pays en développement. Ils représentent 88 % de la population des Émirats, et60 % d’entre eux gagnent en deçà du seuil minimum requis pour ouvrir un compte bancaire.
En Belgique, les 50 % des ménages aux revenus les plus modestes se partagent 20,4 % du revenu total du pays – une part bien supérieure à celle observée aux Émirats arabes unis. Pourtant, l’indice de Gini – remontant à 2021 – montre qu’après la pandémie, la part des moins fortunés s’est réduite, aggravant ainsi les inégalités. Parallèlement, la part du revenu national perçue par les 1 % les plus riches a progressé, atteignant 8,5 %, bien que ce niveau reste relativement bas.
Grâce à une imposition progressive et à des politiques de redistribution performantes, la Belgique garantit une contribution équitable des plus aisés. La récente amplification des inégalités s’explique avant tout par la montée en valeur d’actifs « à risque » (actions, cryptomonnaies) plutôt que par une baisse des revenus des ménages modestes. En outre, l’écart salarial entre les femmes et les hommes en Belgique est le plus faible des pays de l’OCDE, avec un différentiel de seulement 1,1 %, contre une moyenne de 11,6 % parmi l’ensemble des nations membres.
Tout comme les autres pays nordiques, la Norvège se distingue par une répartition plutôt équilibrée des revenus, même si les écarts patrimoniaux restent plus importants. Pourtant, la proportion de travailleurs à temps partiel y est élevée, un facteur qui tend normalement à creuser les inégalités. Cette situation est en grande partie due à l’excellent système de protection sociale norvégien, à ses nombreux logements publics subventionnés et à son régime public de retraite généreux. Dans ces conditions, l’accumulation de patrimoine n’est pas indispensable pour les ménages modestes et pour la classe moyenne.
En termes de répartition du revenu national, les 50 % les moins aisés se partagent une part considérable de 24,2 %, bien qu’à la fin des années 1980, ce chiffre était de 28,7 %. Les 1 % les plus riches, quant à eux, disposent de 9,3 % du revenu national et les 10 % les plus aisés en détiennent 30,6 %.
Avec un indice de Gini de 28,5 en 2021, on pourrait supposer que les inégalités économiques sont peu marquées en Pologne. Néanmoins, selon un article de Pawel Bukowski publié sur Notes from Poland, le fossé entre riches et pauvres serait en réalité bien plus important que ne le laisse penser cet indice. Dans ce même article, l’auteur dénonce l’indice de Gini de la Banque mondiale, qui se fonde sur des enquêtes menées auprès des ménages et dont la fiabilité laisse parfois à désirer.
Par ailleurs, la part du revenu national perçue par les 50 % des ménages polonais les moins aisés a drastiquement reculé depuis la chute du communisme, passant de 28,2 % en 1988 à 19,5 % au début des années 2020.
L’Irlande présente de bons niveaux d’égalité des revenus, avec un indice de Gini de 30,1 (mesuré en 2021), un succès attribuable en partie à son système fiscal progressif. Par ailleurs, l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes y est l’un des plus faibles au monde, puisqu’il n’est que de 2 %.
Néanmoins, la part du revenu national détenue par les 50 % les moins aisés a légèrement reculé au cours des dernières décennies, passant de plus de 22 % à la fin des années 1990 à 20 % au début des années 2020. À l’inverse, les 1 % des personnes disposant des plus hauts revenus se partagent désormais 13,6 % du revenu national, contre 9,7 % en 1996. Par ailleurs, selon une étude financée par l’association caritative Community Foundation Ireland, certains groupes vulnérables, tels que les familles monoparentales et les ménages en âge de travailler sans emploi rémunéré, restent confrontés à des niveaux de pauvreté et de précarité élevés.
Les données de 2021 indiquent que l'Autriche affiche un indice de Gini respectable pour un pays européen. En effet, les 50 % des ménages aux ressources les plus faibles détiennent 22 % du revenu national, une part supérieure à celle observée en Irlande, tandis que les 1 % les plus aisés n’en captent que 11,5 %.
Cette répartition plus équilibrée s'explique par une politique fiscale équitable et un État-providence solide, qui compensent largement l'impact négatif d'un nombre élevé de travailleurs à temps partiel – un facteur qui tend généralement à accentuer les inégalités de revenus.
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Le Canada jouit depuis longtemps d’une répartition des revenus nettement plus équitable que celle de son voisin américain, avec un indice de Gini de 31,7 enregistré en 2019. Pourtant, les inégalités se creusent et l’écart salarial entre femmes et hommes, qui atteint 17,1 %, demeure une préoccupation majeure dans le pays.
Dans un contexte d’inflation post-pandémie, les Canadiens aux revenus les plus modestes se sentent de plus en plus laissés pour compte, poussant les militants à réclamer un système fiscal plus progressif et une protection sociale accrue. Depuis 2019, la part du revenu national perçue par les 50 % des Canadiens les moins favorisés a reculé, tandis que celle des 1 % les plus aisés a gagné du terrain.
Mesuré en 2021 par la Banque mondiale, l’indice de Gini duRoyaume-Uni révèle une aggravation des inégalités outre-Manche, surtout chez les retraités dont les prestations peinent désormais à compenser la hausse des prix. Selon l’agence de données Office for National Statistics, les écarts de revenus ont atteint un niveau record dans le pays.
Pourtant, depuis le début des années 1990, la répartition des revenus a peu varié – même si elle reste plus inégale que dans les années 1960 ou 1970. Par ailleurs, bien que la part du revenu national captée par les 1 % des foyers les plus aisés ait augmenté, la fracture sociale s’est sensiblement atténuée pour le reste de la population. Ainsi, les 1 % des Britanniques les plus riches détiennent 13,1 % du revenu national, les 10 % les plus aisés 36,2 %, et les 50 % les moins favorisés 20,1 %.
L’indice de Gini de l’Allemagne, basé sur des données de 2020, est supérieur à la moyenne de l’Union européenne. Les 1 % des plus hauts revenus détiennent désormais une part plus importante du revenu national par rapport au début des années 2000, passant d’environ 10 % à presque 13 %. Dans le même temps, la part des 50 % les moins favorisés a diminué, passant d’environ 22 % à 19,2 %. Toutefois, ces chiffres varient considérablement d’une région à l’autre de l’Allemagne.
Même 35 ans après la chute du mur de Berlin, les salaires dans l’est du pays restent bien inférieurs à ceux de l’ouest de l’Allemagne, et les écarts de revenus varient considérablement d’une ville à une autre.
Au cours de ce siècle, les inégalités de revenus en Inde ont explosé. En 2000, les 1 % les plus aisés percevaient 15,5 % du revenu national. Aujourd’hui, cette part atteint 23,1 %. À l’inverse, les 50 % les plus défavorisés, qui détenaient 18,5 % du revenu national au début des années 2000, n’en captent plus que 13,3 %.
Si des centaines de millions d’Indiens sont sortis de la pauvreté, les plus fortunés, eux, ont vu leur richesse considérablement augmenter. Face à cette situation, les militants réclament un impôt plus progressif. Ils appellent par ailleurs à des actions concrètes afin de réduire l’un des écarts de rémunération entre les hommes et les femmes les plus marqués au monde.
L’indice de Gini du Japon publié par la Banque mondiale remonte à 2013. Le pays présente des niveaux d’inégalités de revenus relativement faibles par rapport aux autres pays de cette région du monde. Pourtant, l’écart salarial entre les femmes et les hommes reste considérable, atteignant 22,3 %.
Au Japon, les plus hauts revenus sont lourdement taxés, tandis que les droits de succession atteignent des niveaux record à l’échelle mondiale. En adoptant cette approche, le pays du Soleil-Levant parvient en partie à limiter les disparités de revenus et de patrimoine parmi sa population. Toutefois, un fossé subsiste entre les plus aisés et les plus modestes : les 1 % des Japonais les plus fortunés captent 12,7 % du revenu national, tandis que les 50 % les moins favorisés en détiennent 18,2 %.
En Suisse, le niveau de vie est très élevé, comme en témoigne le taux de pauvreté de seulement 8,2 %. Cependant, les hauts revenus sont fortement taxés, avec des taux avoisinant les 51 %.
Bien que des inégalités subsistent dans le pays, celles-ci se sont stabilisées ces dernières décennies, un phénomène à contre-courant de la tendance mondiale. Les 1 % des Suisses les plus aisés captent 9,8 % du revenu national, tandis que les 50 % les moins favorisés en détiennent 23,9 %. Pour autant, de nombreux autres pays européens enregistrent des écarts moins marqués entre les plus riches et les plus pauvres.
L’indice de Gini de l’Espagne s’établissait à 33,9 en 2020. Cependant, une étude récente menée par la banque espagnole CaixaBank révèle une avancée significative dans la répartition des revenus au cours des dernières années, ce qui suggère que l’indice actuel serait certainement bien inférieur à ce chiffre aujourd’hui.
Selon cette analyse, même si les inégalités ont fortement augmenté pendant la pandémie, les dispositifs d’aide ont permis d’en atténuer l’impact. Par ailleurs, un marché du travail très dynamique et une baisse du chômage post-Covid ont contribué à réduire ces écarts. Ainsi, en 2023, les 50 % des ménages espagnols les moins favorisés se sont vus attribuer 23,1 % du revenu national, contre moins de 20 % en 2017, tandis que la part des 1 % les plus aisés est passée de 12,7 % à 12,1 %.
Bien que l’Australie soit souvent citée comme un exemple de méritocratie, les écarts de revenus ne cessent de se creuser dans le pays. L’indice de Gini, qui s’élevait à 30,6 au début des années 2000, a atteint 34,3 en 2018 et continue depuis de progresser.
L’envolée du coût de la vie, qui pèse lourdement sur les ménages les plus modestes, explique en grande partie cette hausse des disparités, et ce, malgré un salaire minimum horaire national record de 24,10 dollars australiens (soit environ 14,7 €), le plus élevé parmi les pays analysés. En termes de répartition, les 1 % des ménages australiens les plus aisés détiennent 9,9 % du revenu national, contre environ 9 % au début des années 2000. La part des 50 % les moins favorisés a quant à elle diminué, passant de 18 % à 17,2 %.
L’indice de Gini de l’Italie, qui était de 34,8 en 2021, laisse entendre que les inégalités de revenus des ont augmenté dans le pays, et ce, malgré des avancées notables dans la réduction de l’écart salarial entre hommes et femmes. Ce constat s’explique en partie par un système fiscal particulièrement avantageux pour les plus fortunés.
Selon une étude récente menée par l’école supérieure Sainte-Anne de Pise et l’université de Milan-Bicocca, les 1 % des ménages les plus riches paient proportionnellement moins d’impôts que les 99 % restants. Ainsi, depuis le début des années 2000, la part du revenu national détenue par ces 1 % est passée d’environ 10 % à 12,3 %, tandis que celle des 50 % des Italiens les moins favorisés a diminué, passant d’environ 17 % à 16,6 %.
Même si la Banque mondiale n'inclue pas la Nouvelle-Zélande dans ses données récentes, le site World Economics indique que son indice de Gini s’élevait à 34,9 en 2019. Bien que, comme en Australie, le pays bénéficie d’un salaire minimum attractif, le fossé entre riches et pauvres s’est néanmoins considérablement creusé au fil des décennies. Selon The Conversation, cette évolution serait imputable aux réductions d’impôts pour les tranches supérieures dans les années 1980, suivies d’une diminution des prestations sociales lors de la décennie suivante. Aujourd’hui, les 1 % des ménages néo-zélandais les plus aisés détiennent 12,1 % du revenu national, contre environ 8 % au milieu des années 1980, tandis que la part des 50 % des ménages aux revenus les plus faibles a augmenté, mais de façon moins prononcée.
L’indice de Gini en Russie, mesuré en 2021 avant l’invasion de l’Ukraine, indiquait déjà des inégalités notables dans le pays. Les dépenses liées au conflit ont profité à une partie de la population, favorisant l’émergence d’une « classe moyenne de guerre » et de nouveaux oligarques pro-Poutine. Toutefois, même si la contraction du marché du travail a fait grimper les salaires, une inflation record a contrebalancé en grande partie ces améliorations.
Quoi qu’il en soit, une récente analyse révèle que deux tiers des Russes gagnent moins de 415 dollars (397 €) par mois. Par ailleurs, la fortune des plus aisés aurait été sous-estimée, laissant entrevoir des disparités bien plus fortes qu’on ne le pensait : selon la World Inequality Database, les 1 % des ménages russes les plus riches captent 23,8 % du revenu national, contre seulement 15,7 % pour les 50 % les plus modestes.
Depuis 1978, l’essor économique de la Chine s’est accompagné d’un accroissement des disparités de revenus, un paradoxe pour un pays communiste. Une étude menée par l’université de Stanford, aux États-Unis, attribue ces disparités croissantes à l’enrichissement disproportionné des plus aisés et à l’efficacité limitée des politiques de redistribution de l’État chinois.
En 1978, les 1 % des plus hauts revenus détenaient 6,5 % du revenu national de la Chine et les 50 % les plus modestes en possédaient 25,2 %. En 2023, la part des 1 % les plus aisés a plus que doublé, grimpant à 15,8 %, tandis que celle des 50 % les plus pauvres a chuté à 13,5 %.
Depuis le début des années 2000, le Vietnam affiche une stabilité relative en matière d’inégalités de revenus, sauf lors d’un pic en 2010 au cours duquel les disparités se sont accrues. Selon les dernières données, les 1 % des Vietnamiens les plus riches captent 15,7 % du revenu national du pays, tandis que les 10 % les plus aisés en détiennent 43,8 %. De leur côté, les 50 % les moins favorisés se partagent 14,6 %.
Bien que le gouvernement vietnamien ait relevé le salaire minimum dans le but de réduire l’écart entre riches et pauvres, ces efforts se sont révélés insuffisants pour inverser la tendance.
L’indice de Gini des revenus en Indonésie pour l’année 2023 figure parmi les données les plus récentes publiées par la Banque mondiale.
Si la pauvreté a reculé dans le pays, les inégalités de revenus, elles, se sont creusées ces dernières années. Une évolution que les experts attribuent à certaines décisions politiques, notamment la réduction des taxes sur les produits de luxe, bénéficiant aux plus aisés, et la diminution des subventions sur le carburant, qui pèse sur les ménages les plus modestes. En 2023, le 1 % des foyers les plus riches accaparait 17,8 % du revenu national, tandis que les 50 % les plus pauvres ne se partageaient que 12,4 %. Un écart saisissant par rapport à 2016, où ces proportions étaient presque équivalentes.
Estimé à 38,7, l’indice de Gini des revenus au Kenya repose sur des données de 2021. Selon les chiffres les plus récents, le 1 % des ménages les plus riches capte 15,9 % du revenu national, soit 2 points de plus que les 50 % les plus modestes, qui en perçoivent 13,9 %. Plus frappant encore, les 10 % les plus aisés concentrent à eux seuls près de la moitié des richesses du pays.
Mais au-delà des revenus, les inégalités de patrimoine sont encore plus marquées. Selon l’ONG Oxfam, le 0,1 % des Kényans les plus riches détient davantage de richesse que les 99,9 % restants réunis. Une concentration extrême que l’organisation attribue à plusieurs facteurs structurels, notamment la faiblesse des dépenses sociales et l’évasion fiscale massive des grandes fortunes et des entreprises.
Avec un indice de Gini de 39,0 en 2021, la Bulgarie affiche les inégalités de revenus les plus marquées de l’Union européenne. Si les parts du revenu national détenues par le 1 % des plus riches et par les 50 % les plus modestes semblent comparables – respectivement 16,9 % et 17 % –, la concentration des richesses est bien plus flagrante au sommet : les 10 % les plus aisés accaparent à eux seuls 41,9 % du revenu national.
Selon les experts, cet écart considérable entre les plus hauts et les plus bas revenus s’explique par plusieurs facteurs, parmi lesquels une fiscalité jugée inéquitable, une intervention limitée de l’État en faveur des populations précaires et un accès inégal aux services publics et aux emplois bien rémunérés.
L’Amérique latine et les Caraïbes demeurent la région la plus inégalitaire du monde sur le plan économique. Toutefois, les écarts de revenus y sont, en moyenne, moins prononcés qu’en Afrique. Avec un indice de Gini de 40,3 en 2022, le Pérou n’est pas le pays le plus inégalitaire de la région, mais il affiche des disparités de revenus élevées par rapport aux standards internationaux.
Les inégalités sont particulièrement marquées au sommet : le 1 % des Péruviens les plus riches s’octroie 26,9 % du revenu national, tandis que les 50 % les plus modestes doivent se contenter de seulement 8,9 %. Selon la Banque mondiale, sept Péruviens sur dix vivent sous le seuil de pauvreté ou risquent d’y sombrer. La répartition des richesses et des opportunités économiques est fortement polarisée, concentrée autour de la capitale Lima et des grandes villes, tandis que les zones rurales restent largement marginalisées. Les inégalités s’observent également sur le plan ethnique : les Péruviens dits « blancs » et « mixtes » perçoivent en moyenne des revenus bien supérieurs à ceux des populations indigènes et afro-descendantes.
Les Philippines sont confrontées depuis longtemps à une répartition inégale des revenus. Avec un indice de Gini de 40,7 en 2021, le pays affiche l’un des niveaux d’inégalités les plus élevés d’Asie de l’Est. Le 1 % des plus riches capte 16,6 % du revenu national, soit 2,3 points de plus que les 50 % les plus modestes.
Selon la Banque mondiale, ces disparités persistantes s’expliquent en partie par un accès inégal à l’éducation, un obstacle majeur aux opportunités économiques pour les familles défavorisées. Les écarts de salaires entre les femmes et les hommes restent prononcés, tandis que les personnes en situation de handicap font face à une discrimination alarmante sur le marché du travail. Par ailleurs, le gouvernement peine à endiguer l’extrême pauvreté. D’après une enquête menée en décembre 2024, plus d’un quart des ménages souffrent de la faim, un niveau inédit depuis la pandémie de Covid-19.
La Malaisie affiche d’importantes disparités de revenus, avec un indice de Gini de 40,7 en 2021. Néanmoins, les inégalités se sont atténuées au cours des deux dernières décennies. En 2016, la part du revenu national détenue par les 50 % les plus modestes a même dépassé celle du 1 % des plus aisés, marquant une évolution significative.
Pourtant, la Malaisie reste loin d’être une société égalitaire sur le plan économique. Les ménages les plus riches continuent de bénéficier d’un régime fiscal avantageux, ne contribuant pas à hauteur de leurs moyens. Parallèlement, les investissements publics en faveur des populations à faibles revenus restent insuffisants, notamment en matière de protection sociale, d’éducation publique et de programmes d’aide sociale.
Aux États-Unis, le fossé entre les plus riches et les plus modestes ne cesse de se creuser. L’indice de Gini des revenus, en hausse constante, a atteint 41,3 en 2022. La concentration des richesses s’est nettement intensifiée au sommet : le 1 % des Américains aux revenus les plus élevés s’approprie désormais 20,7 % du revenu national, contre 17,3 % en 2000. Pendant ce temps, la part des 50 % les plus modestes a chuté, passant de 15,1 % à 13,4 % sur la même période.
Cette amplification des inégalités s’explique par de multiples facteurs. Parmi eux, des politiques fiscales avantageuses pour les plus aisés, un salaire minimum fédéral trop bas, l’affaiblissement des syndicats et un filet de sécurité sociale insuffisant. Le racisme systémique continue de pénaliser les Afro-Américains et les Hispaniques, tandis que les écarts de salaires entre les femmes et les hommes restent préoccupants. À cela s’ajoute l’absence d’un véritable système de santé universel. Enfin, la mondialisation et l’automatisation ont profondément bouleversé le marché du travail, entraînant la disparition de nombreux emplois industriels bien rémunérés.
Au Chili, les inégalités économiques auraient atteint un niveau inédit en 30 ans, tandis que la classe moyenne continue de s’éroder, accentuant les écarts de richesse. Malgré ce constat, une légère progression de la part du revenu national détenue par les 50 % les plus modestes a été enregistrée. L’indice de Gini des revenus, évalué à 43,0 en 2022, place le pays parmi les plus inégalitaires de la région.
Ces disparités persistantes s’expliquent par plusieurs facteurs structurels. Le manque d’investissements dans l’éducation et la protection sociale freine la mobilité économique, tandis que l’incapacité des gouvernements successifs à instaurer une fiscalité plus équitable perpétue ces écarts.
Singapour n’apparaît pas dans l’indice de Gini des revenus de la Banque mondiale, mais selon le bureau des statistiques du pays, cet indicateur s’élevait à 43,3 en 2023. Bien qu’il s’agisse de son niveau le plus bas en vingt ans, ce chiffre demeure particulièrement élevé, témoignant de profondes inégalités.
Si la cité-État offre de nombreuses opportunités économiques à ses citoyens, l’absence de salaire minimum et un système de protection sociale limité contribuent à creuser les écarts de revenus. De plus, avec un taux d’imposition maximal plafonné à 24 %, la fiscalité avantage les hauts revenus, accentuant encore ces disparités.
Les inégalités de revenus se sont atténuées au Mexique depuis le début des années 2000, mais les écarts demeurent frappants. Si la part du revenu national détenue par le 1 % des plus fortunés a reculé, celle des 50 % les plus modestes a légèrement progressé. Pourtant, avec des parts respectives de 21,6 % et 7,6 %, le déséquilibre reste préoccupant.
Le pays semble toutefois engagé sur la bonne voie. D’après le journal espagnol El País, plusieurs facteurs ont contribué à cette réduction des inégalités, notamment la hausse du salaire minimum, le renforcement des syndicats, le développement des petites entreprises et la baisse des loyers.
Avec un indice de Gini de 44,4 en 2021, la Turquie affiche un niveau d’inégalités alarmant, en constante progression. Depuis la crise financière de 2007-2008, la concentration des richesses s’est accentuée : la part du revenu national détenue par le 1 % des plus fortunés a bondi de 16,9 % à 24,4 %, tandis que celle des 50 % les plus modestes a reculé de 15,1 % à 12,4 %.
Les travailleurs ne perçoivent quant à eux qu’une faible part des ressources économiques du pays. Le système fiscal, fortement régressif, pèse davantage sur les ménages modestes, tandis que les plus aisés bénéficient d’un allègement de leur imposition. Par ailleurs, la Turquie enregistre l’un des écarts de rémunération entre les femmes et les hommes les plus marqués au monde – le plus élevé parmi les pays analysés ici.
La Banque mondiale considère les inégalités économiques du Panama comme le « talon d’Achille » du pays. En 2023, l’indice de Gini des revenus atteignait 48,9, un niveau parmi les plus élevés d’Amérique latine.
Si la capitale, Panama City, affiche des revenus relativement élevés, la réalité est bien différente dans les provinces rurales, appelées comarcas, où vit une grande partie de la population autochtone. Le taux de pauvreté y atteint un niveau alarmant de 76 %, révélant une fracture économique et sociale profonde. Cette inégalité persistante s’explique par une fiscalité favorable aux plus riches, un manque criant d’opportunités économiques hors de la capitale et la vulnérabilité des populations les plus précaires face aux catastrophes naturelles.
Ces dernières décennies, des millions de Brésiliens ont échappé à la pauvreté, mais les inégalités de revenus demeurent un défi majeur. En 2022, l’indice de Gini du pays atteignait 52,0, un niveau extrêmement élevé.
Si la part du revenu national détenue par le 1 % des plus riches a légèrement reculé, passant de 22,1 % en 2000 à 21,1 % en 2022, celle des 50 % les plus modestes a également diminué, de 9,2 % à 9,1 %, après un pic à 10,8 % en 2014. Selon Oxfam, ces inégalités persistantes s’expliquent en grande partie par un système fiscal inéquitable et un manque d’investissements dans les politiques sociales, freinant la redistribution des richesses et la réduction des écarts.
Les inégalités de revenus au Botswana sont en recul, bien que l’écart reste considérable. L’indice de Gini, basé sur les données de 2015, s’est probablement amélioré depuis. Le 1 % des plus riches capte désormais 22,7 % du revenu national, contre 27,4 % en 2000, tandis que la part des 50 % les plus modestes a progressé de 5,2 % à 9,1 %.
Pourtant, les écarts de richesse restent abyssaux. Cette situation s’explique par une concentration des richesses au sein de l’élite, une dépendance excessive à l’industrie minière, dont les bénéfices profitent à une minorité, ainsi qu’un accès limité à l’éducation et un taux de chômage élevé. Les inégalités entre les femmes et les hommes, la fracture entre les zones urbaines et rurales, ainsi qu’un système fiscal et social peu développé, accentuent encore ces disparités.
Dernière monarchie absolue d’Afrique, l’Eswatini (anciennement Swaziland) figure parmi les pays les plus inégalitaires du continent. Une grande partie des richesses nationales est contrôlée par le roi Mswati III, dont le train de vie fastueux contraste brutalement avec celui de la majorité de la population, plongée dans une extrême pauvreté. L’indice de Gini, estimé à 54,6, repose sur des données de 2016, soulignant l’ampleur des disparités économiques.
Plusieurs facteurs contribuent à ces inégalités persistantes : des salaires bas, un chômage élevé et une économie dominée par des secteurs peu productifs, notamment l’agriculture vivrière, qui se limite à l’autoconsommation et génère peu de revenus. À cela s’ajoutent un accès insuffisant à l’éducation et des dispositifs sociaux défaillants, perpétuant un cercle vicieux de pauvreté et réduisant considérablement les perspectives économiques pour une grande partie de la population.
Avec un indice de Gini de 54,8 en 2022, la Colombie affiche le niveau d’inégalités de revenus le plus élevé d’Amérique latine. La concentration des richesses y est frappante : 1 % des Colombiens les plus riches s’accapare 17,9 % du revenu national, tandis que 50 % de la population doit se contenter d’un maigre 6,4 %.
L’absence d’une classe moyenne solide et un soutien étatique insuffisant aux plus démunis freinent la mobilité sociale. À cela s’ajoute une fiscalité régressive, qui bénéficie aux plus fortunés. Toutefois, le gouvernement de gauche en place a récemment tenté de corriger ces déséquilibres en instaurant un impôt sur la fortune. Parmi les rares points positifs, la Colombie enregistre l’un des plus faibles écarts de salaire entre les femmes et les hommes, limité à 1,9 % en 2022.
L’Afrique du Sud détient le triste record du pays le plus inégalitaire au monde sur le plan économique. Son indice de Gini des revenus, mesuré pour la dernière fois en 2018, atteint un niveau extrême de 67,0. La concentration des richesses y est vertigineuse : 1 % des Sud-Africains les plus riches s’approprient 19,3 % du revenu national, tandis que les 10 % les plus fortunés en monopolisent plus de la moitié (65,4 %). À l’autre bout de l’échelle, les 50 % les plus modestes doivent se contenter de 5,8 % seulement.
Ces inégalités de revenus sont l’héritage direct du système raciste de l’apartheid, officiellement aboli au début des années 1990 mais dont les effets persistent. Les gouvernements successifs n’ont pas réussi à rééquilibrer la répartition des richesses et le fossé entre les classes sociales ne cesse de se creuser. Les écarts sont également marqués sur le plan racial : les dernières statistiques montrent que les ménages « blancs » continuent de gagner en moyenne cinq fois plus que les foyers « noirs », confirmant une fracture économique profondément enracinée.
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