À la fin du XIXe et au début du XXe siècle, de nombreuses jeunes femmes fortunées d’origine étrangère ont épousé des membres de la noblesse britannique. La plupart étaient américaines, et ces « princesses dollars », comme on les a surnommées au Royaume-Uni, étaient ravies de troquer leur fortune contre un titre de noblesse.
En retour, les nobles britanniques, à la tête de vastes domaines mais sans le sou, trouvaient une solution à leurs problèmes financiers. Lady Cora de Downton Abbey offre un portrait fidèle de ces héritières, et on dit que Julian Fellowes, le créateur de la série, s’est inspiré de membres de l’aristocratie britannique ayant réellement existé pour ses personnages.
Poursuivez votre lecture pour découvrir l’histoire fascinante de ces femmes qui ont laissé une marque indélébile sur la société britannique.
Adaptation française par Aurore Mettifogo
La principale source d’inspiration pour lady Cora, comtesse de Grantham (interprétée par Elizabeth McGovern) dans Downton Abbey avait une mère française. Lady Almina, 5e comtesse de Carnarvon, est née sous le nom d’Almina Wombwell. Elle était la fille illégitime d’Alfred de Rothschild, héritier de la célèbre famille de banquiers.
Bien qu’il n’ait jamais publiquement reconnu sa paternité, il lui a légué une fortune considérable. Cet héritage attira l’attention de George Herbert, 5e comte de Carnarvon, riche en terres mais criblé de dettes. Leur mariage en 1895, alors qu’Almina n’avait que 19 ans, sauva le domaine familial.
Ce domaine n’était autre que le château de Highclere (ici en photo), résidence de la famille Crawley dans Downton Abbey. Comme dans la série, le château fut utilisé comme hôpital de fortune pour soigner les officiers blessés pendant la Première Guerre mondiale. À cette époque, Almina engagea plus de 30 infirmières et installa même une salle d’opération dans le château. Les patients profitaient alors de dîners servis dans de l’argenterie et avaient accès à la bibliothèque du château, où ils se rendaient pour jouer aux cartes. Après la guerre, Almina reçut des centaines de lettres d’anciens patients reconnaissants.
Almina était connue pour ses goûts de luxe et ses folles dépenses en vêtements et bijoux de créateurs. Elle aimait également danser et organiser des soirées. Highclere, qui fut l’une des premières demeures à disposer de l’électricité, accueillait régulièrement des foules de joyeux fêtards dansant jusqu’à l’aube. Le style de vie hédoniste d’Almina incluait une liaison supposée avec le prince Victor Duleep Singh, le témoin de mariage de son mari, et certains ont même émis l’hypothèse qu’il serait le père de son fils, le 6e comte.
Le 5e comte de Carnarvon était passionné d’égyptologie et, après la Première Guerre mondiale, l’héritage d’Almina servit à financer son retour en Égypte, où son équipe découvrit le tombeau de Toutankhamon en février 1923. Cependant, il mourut quelques semaines plus tard suite à une piqure de moustique.
Seulement huit mois après le décès du comte, Almina se remaria avec Ian Dennistoun, un ancien officier de la Garde. Ce mariage poussa l’ex-femme de ce dernier, Dorothy, à les poursuivre tous deux en justice pour exiger une pension alimentaire. Mais après avoir dépensé l’équivalent de 59,7 millions d’euros aujourd’hui, Almina se retrouva ruinée à l’âge de 75 ans. Elle s’installa dans une petite maison mitoyenne dépourvue d’eau chaude à Bristol, où elle mourut en s’étouffant avec un morceau de poulet.
Issue d’une famille new-yorkaise reconnue, Anne Catherine Tredick Wendell est née en 1900. Après le décès de son père, un acteur, elle déménagea en Angleterre avec sa mère et ses frères et sœurs. Comme les sœurs Crawley de Downton Abbey, Catherine et sa sœur étaient très courtisées et avaient de nombreux soupirants.
Particulièrement élégante, Catherine reçut 13 demandes en mariage en 1918, après son entrée dans le monde. Elle finit par accepter celle de Henry « Porchey » Herbert, lord Porchester et futur 6e comte de Carnarvon, fils de lady Almina. Cependant, contrairement aux autres « princesses dollars », Catherine n’était pas extrêmement riche, et cette union était basée sur l’affection.
Après leur mariage en 1922, Catherine suivit les traces de sa belle-mère en emménageant au château de Highclere. Tout comme Almina, Catherine et son mari aimaient organiser des soirées somptueuses, accueillant des invités prestigieux tels que le duc et la duchesse de Marlborough ainsi que le prince de Galles.
Cependant, les coûts d’entretien énormes d’Highclere, dont les salaires de ses 80 employés, les obligea à vendre des centaines de pièces de la prestigieuse collection d’art familiale. Lors de la Seconde Guerre mondiale, Highclere fut transformé en foyer pour les enfants évacués des villes bombardées.
Malgré deux enfants, Henry et Anne, le mariage de Catherine n’était pas heureux. Les deux époux eurent des liaisons, et le comte aurait été violent envers Catherine. Épuisée par les infidélités de son mari, elle demanda le divorce en 1936 et quitta Highclere pour acheter une maison à Londres.
Son ex-mari épousa par la suite la danseuse et actrice autrichienne Tilly Losch en 1947, mais ce mariage se termina également par un divorce. Après le décès de son deuxième mari pendant la Seconde Guerre mondiale, Catherine se maria une troisième et dernière fois en 1950, une union qui dura jusqu’à sa mort en 1977. On raconte que son premier mari aurait assisté à ses funérailles, ému aux larmes. Catherine repose depuis dans le cimetière du domaine de Highclere.
Consuelo Vanderbilt est née à New York en 1877. Issue de la richissime famille Vanderbilt, dont la fortune a été construite grâce au secteur ferroviaire, elle était la deuxième jeune femme la plus riche des États-Unis, avec une fortune équivalant à environ 3,7 milliards d’euros aujourd’hui. La mère de Consuelo, Alva, souhaitait désespérément marier sa fille dans l’aristocratie. Bien qu’elle ait reçu cinq propositions de mariage après son entrée dans le monde en Europe, c’est Charles Richard John Spencer-Churchill, 9e duc de Marlborough, qui gagna sa main. Ils se fiancèrent en 1895.
Même si le duc fût considéré comme le meilleur parti parmi les pairs d’Angleterre de l’époque, il ne s’agissait pas d’un mariage d’amour. Consuelo était secrètement fiancée à un autre homme, mais sa mère la convainquit de rompre ces fiançailles. Lorsqu’elle arriva à l’église le matin de son mariage, un événement très attendu auquel assistaient de nombreuses célébrités de l’époque, elle avait visiblement pleuré.
Le mariage très médiatisé fut suivi de près par la presse, et un dessin humoristique de l’époque représentait Consuelo avec les mains menottées dans le dos et une chaîne tenue par sa mère autour du cou. Elle écrivit plus tard que ses parents l’avaient enfermée dans sa chambre jusqu’à ce qu’elle accepte le mariage.
Quant à son futur mari, il était animé par des intérêts personnels lorsqu’il demanda sa main. Le duc avait hérité du somptueux domaine familial, le palais de Blenheim dans l’Oxfordshire, mais ne pouvait en financer l’entretien. Ce mariage lui donna accès à la fortune de Consuelo et lui permit de réaliser les rénovations nécessaires pour redonner au palais toute sa splendeur d’antan. Le couple entreprit immédiatement des travaux et acheta des meubles et des œuvres d’art en Europe pendant leur lune de miel pour meubler les pièces dénudées du manoir.
Consuelo et le duc eurent deux fils. Un fait qui, semble-t-il, l’a amenée à inventer la célèbre expression « an heir and a spare » (« un héritier et une roue de secours »). Mais le couple était mal assorti et, en 1906, Consuelo quitta le duc, provoquant une onde de choc dans la haute société.
Le divorce ne fut finalisé qu’en 1921, lorsqu’elle épousa Jacques Balsan. Toutefois, grâce à son premier mariage, Consuelo devint cousine de Winston Churchill, avec qui elle conserva une profonde amitié jusqu'à sa mort en 1964.
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Née à Chicago en 1870, Mary Leiter était la fille du millionnaire et magnat du commerce Levi Leiter. C’était une jeune femme brillante et cultivée, ayant étudié l’histoire, les mathématiques et la chimie avec un professeur de l’université de Columbia.
En 1895, elle accepta une demande en mariage de lord Curzon, un député britannique de 35 ans qu’elle avait rencontré au bal de la duchesse de Westminster. Curzon avait désespérément besoin d’argent, et après une précédente demande en mariage rejetée par lady Grosvenor, cette union lui apporta la fortune qu’il recherchait alors.
Bien que leur union ait d’abord été fondé sur des intérêts réciproques, lord et lady Curzon finirent par tomber amoureux. Le couple eut trois filles, Mary, Cynthia et Alexandra, mais, comme dans Downton Abbey, ils ne réussirent pas à avoir d’héritier mâle. Lord Curzon n’hérita du domaine familial, Kedleston Hall, qu’en 1916, et la résidence officielle du couple était donc à Westminster, à Londres.
Cependant, ils déménagèrent à Bombay en 1898 lorsque George fut nommé vice-roi des Indes. Mary devint alors vice-reine des Indes, le plus haut rang que pouvait atteindre une femme dans ce pays. Elle jouissait ainsi du statut le plus élevé parmi les « princesses dollar » de l’époque.
La santé de Mary déclina tout au long de son séjour en Inde. Elle contracta une grave infection après une fausse couche et faillit mourir de la grippe espagnole. Les voyages constants et les exigences de son rôle de vice-reine exacerbèrent sa condition fragile, et elle mourut en 1906, à seulement 36 ans.
Lord Curzon fit ériger un mémorial en son honneur à Kedleston Hall, et bien qu’il se soit remarié, il déclara un jour qu’il n’avait pas peur de mourir, car cela lui permettrait de rejoindre Mary au paradis.
Meghan Markle n’est pas la première américaine à intégrer la famille royale britannique. Née à New York en 1857, Frances Ellen Work est l’arrière-arrière-grand-mère des princes William et Harry et l’arrière-grand-mère de la princesse Diana.
Frank Work, le père de Fannie, comme on la surnommait à l’époque, était un homme d’affaires qui avait réussi par lui-même et qui, à sa mort en 1911, laissa derrière lui une fortune estimée à 15 millions de dollars, ce qui correspondrait aujourd’hui à environ 436,2 millions d’euros. Jeune, Fannie était réputée pour sa grande beauté et pour sa culture.
En 1880, Fannie épousa James Boothby Burke Roche, fils d’Edmund Burke Roche, 1er baron Fermoy. James était loin d’être riche et vivait bien au-dessus de ses moyens.
Le père de Fannie n’était pas impressionné par ce choix, déclarant : « Je suis Américain jusqu’à la moelle. Je méprise donc ces hommes incapables, désespérés et apathiques qui traversent l’océan pour nous enlever les meilleures de nos femmes. Si j’avais mon mot à dire, je rendrais les mariages internationaux passibles de la peine de mort. » Il raya ensuite Fannie de son testament.
Après leur mariage, le couple s’installa en Irlande, où ils eurent quatre enfants, dont un mort en bas âge. Comme beaucoup de ces unions, il ne s’agissait pas un mariage d’amour, et Fannie demanda le divorce en 1891 après être retournée aux États-Unis. Elle obtint la garde de leurs trois enfants, dont Edmund, le grand-père de la princesse Diana (ici en photo avec son épouse, en 1933).
En 1905, Fannie épousa le cavalier hongrois Aurel Batonyi. Encore une fois, son père ne fut guère impressionné. Lorsque le couple divorça seulement deux ans plus tard, on dit que c’était parce que Frank Work avait menacé de la déshériter à nouveau si elle poursuivait cette relation. Il lui fit aussi promettre de ne plus jamais retourner en Europe. Après le divorce, elle utilisa le nom d’« Honorable Mme Burke Roche » et partagea son temps entre New York et Paris, malgré les volontés de son père désormais décédé. Fannie rendit son dernier souffle à son domicile de la Cinquième Avenue de New York en 1947, à l’âge de 89 ans.
Jennie Jerome est née à Brooklyn, New York, en 1854. Son père, Leonard Jerome, était un riche financier et sportif. Avec son épouse Clarissa, ils offrirent à leurs quatre filles une éducation privilégiée. Dès son plus jeune âge, Jennie montra des talents prometteurs en tant que pianiste, ayant eu pour professeur un ami de Chopin. Elle travailla également comme éditrice de magazine.
Jennie fut présentée à lord Randolph Churchill par le prince de Galles en 1873. Le couple se fiança seulement trois jours plus tard, au grand désarroi des parents de lord Randolph. Jennie était une femme mondaine qui aurait eu un tatouage en forme de serpent, bien loin de la femme issue de la noblesse britannique qu’ils recherchaient pour leur fils. La famille Jerome était toutefois extrêmement riche. Après des mois de négociations, les Churchill acceptèrent finalement cette union lorsque le père de Jennie consentit à payer une dot équivalant à plus de 4 millions d’euros aujourd’hui. Le couple finit par se marier le 15 avril 1874.
Ils eurent deux fils, Winston et John. Winston, futur Premier ministre, naquit moins de huit mois après le mariage du couple. Qu’il ait été conçu avant le mariage ou qu’il soit né prématuré fait aujourd’hui encore l’objet de spéculations.
Intelligente et vive d’esprit, lady Randolph conquit la haute société. Elle était une favorite de la reine Alexandra, malgré les rumeurs selon lesquelles elle aurait eu une liaison avec son mari, le roi Édouard VII. En effet, lady Randolph est connue pour avoir eu plusieurs liaisons, certaines ayant même aidé à faire avancer la carrière de son mari.
En 1895, à l’âge de 45 ans, lord Randolph succomba à une mystérieuse maladie, dont certains pensent qu’il s’agissait de la syphilis. Jennie se remaria deux fois. Conformément à l’usage dans la haute société de l’époque, elle fut une mère plutôt distante pour ses fils. Cependant, vers la fin de sa vie, son intérêt pour la carrière politique de son fils Winston la rapprocha de ce dernier.
Après s’être cassé la cheville en étrennant de nouvelles chaussures à talons hauts en 1921, elle développa une gangrène et dut se faire amputer de la jambe gauche. Elle mourut quelques semaines plus tard, à 67 ans, des suites d’une hémorragie artérielle.
Maud Alice Burke est née en 1872 à San Francisco. Son père, James Burke, américain d’origine irlandaise, serait un descendant du rebelle irlandais Robert Emmet. Élevée à New York, Maud était une femme très cultivée qui avait développé une oreille fine pour la musique classique.
Après avoir été éconduite par le prince André Poniatowski de Pologne, elle accepta la demande en mariage de Sir Bache Cunard, 3e baronnet de Bush Hill. Ils se marièrent en 1895, alors qu’elle avait 23 ans et lui en avait 44.
Les Cunard élurent domicile au domaine familial de Nevill Holt Hall dans le comté de Leicestershire. En 1896, ils eurent une fille, Nancy, décrite comme « talentueuse mais solitaire », ses parents lui accordant peu de temps. Bien que le baronnet montrât beaucoup d’affection à lady Cunard, le couple était en réalité incompatible.
Il aimait chasser à la campagne tandis qu’elle adorait organiser des fêtes. Le couple se sépara officiellement en 1911, après quoi lady Cunard s’installa à Londres avec Nancy.
Après son déménagement à Londres, lady Cunard rencontra et s’éprit du chef d’orchestre Thomas Beecham. Ils entamèrent une liaison extraconjugale de longue durée, au grand dam de l’écrivain George Moore, amoureux de Maud depuis des années. Le Premier ministre de l’époque, David Lloyd George la considérait comme dangereuse pour son habileté à amener des politiciens à lui révéler des informations secrètes lors de ses réceptions.
Le baronnet mourut en 1925, et lady Cunard ne se remaria jamais. Son amant, sir Thomas, partit aux États-Unis au début de la Seconde Guerre mondiale, et elle l’y suivit, s’installant dans un hôtel coûteux de New York. Mais en 1942, Beecham se fiança avec la musicienne Betty Humby, 36 ans plus jeune que lady Cunard. Accablée, elle retourna à Londres et élut domicile à l’hôtel Dorchester, où elle mourut en 1948, à l’âge de 75 ans.
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