Au petit matin du 15 avril 1912, plus de 1 500 personnes ont perdu la vie à bord de l’ « insubmersible » Titanic. Si 60 % des passagers de première classe ont survécu, certaines des personnes les plus riches du monde ont été emportées par les flots – mais pas dans les livres d’histoire.
Du copropriétaire du grand magasin Macy’s à l’homme le plus riche d’Amérique, découvrez les histoires incroyables de ses grandes fortunes qui ont embarqué sur le Titanic.
Toutes les valeurs exprimées en dollars sont en dollars américains, sauf indication contraire.
Adaptation française par Laure Bartczak
Actrice de films muets, chanteuse et modèle, Dorothy Gibson fait ses débuts au cinéma en 1911. Elle apparaît alors comme figurante avant de décrocher ses premiers rôles principaux.
Si la valeur nette de sa fortune n’est pas connue, Dorothy aurait été l’une des actrices les mieux payées au sommet de sa carrière. Mary Pickford, l’actrice la mieux payée à l’époque, gagnait 500 dollars par semaine en 1913, soit l’équivalent de plus de 13 200 euros aujourd’hui.
Après des vacances en Italie avec sa mère, Dorothy embarque à bord du Titanic direction l’Amérique pour commencer un tournage. Elle joue au bridge dans le salon de première classe lorsque le navire heurte l’iceberg.
Alors que de nombreux passagers ignorent que leur vie est en danger, Dorothy et sa mère s’échappent dans le canot de sauvetage n° 7, le premier à avoir été mis à l’eau. Elles sont emmenées à New York par le navire à vapeur Carpathia, qui a répondu aux appels de détresse du Titanic.
L’un des films les plus réussis de Dorothy, A Lucky Holdup, sort en avril 1912 alors que l’actrice est à bord du Titanic. Le succès suivant ne tarde pas à venir.
Convaincue par son manager, Dorothy joue et écrit Saved from the Titanic, un court métrage muet relatant son sauvetage. Son costume pour le film ? La même robe de soie, le même cardigan et le même manteau que ceux qu’elle portait le soir de la tragédie.
Contrairement à d’autres personnes dont il est ici question, Margaret Brown n’est pas née riche. Fille d’immigrants irlandais, elle vit avec ses frères et sœurs à Leadville, dans le Colorado, et travaille dans un grand magasin. En 1886, à l’âge de 19 ans, elle épouse James Joseph (« J.J. ») Brown.
Margaret regrette qu’il ne soit pas riche et qu’il ne puisse pas soutenir financièrement ses parents. Cependant, comme elle l’affirme, il vaut mieux être « avec un homme pauvre que j’aime qu’avec un homme riche dont l’argent m’a attirée ».
Cette décision fut littéralement payante. En 1893, J.J. découvre du minerai d’or et de cuivre dans la mine Little Jonny et son employeur, l’Ibex Mining Company, le récompense en lui offrant 12 500 actions de la société et un siège au conseil d’administration. Les Brown deviennent extraordinairement riches du jour au lendemain.
Après 23 ans de mariage et deux enfants, Margaret et J.J. se séparent en 1909, mais restent en bons termes. Dans le cadre du divorce, Margaret reçoit une allocation de 700 dollars par mois. Aujourd’hui, cela équivaut à plus de 18 900 euros par mois ou 227 000 euros par an. Sur la photo, on peut voir le salon de la maison familiale des Brown à Denver, qui abrite aujourd’hui le Molly Brown House Museum.
En avril 1912, Margaret est en vacances en Europe lorsque son petit-fils tombe gravement malade. Cherchant le moyen le plus rapide de rentrer à New York, elle achète un billet de première classe sur le Titanic. Considérée comme une « parvenue », Margaret est l’objet du mépris des autres passagers de première classe.
Or, lorsque le voyage prend une tournure désastreuse, elle gagne le respect de tous pour le rôle qu’elle joue en aidant plusieurs passagers à évacuer. Margaret encourage ainsi les canots de sauvetage à faire demi-tour pour chercher des survivants dans l’eau. Après le naufrage, elle met en place un comité pour apporter son soutien aux survivants de deuxième et troisième classes. Sur la photo, elle remet un trophée au capitaine du navire Carpathia, qui a répondu aux appels de détresse du Titanic. Elle est surnommée « l’insubmersible Molly Brown » pour sa bravoure.
Charles Melville Hays fait fortune en tant que président du Grand Trunk Railway, un réseau ferroviaire nord-américain reliant le Canada et les États-Unis. Au cours de sa carrière qui s’étend sur 45 ans, Charles, en véritable philanthrope, reçoit de nombreuses distinctions, dont l’Ordre du Soleil Levant (troisième classe) ainsi qu’un titre de chevalier.
Mais en 1911, sa vie prend un autre tournant lorsque le chemin de fer transcontinental sur lequel il travaille accumule des dettes vertigineuses de 100 millions de dollars, soit l’équivalent de 2,1 milliards d’euros aujourd’hui.
Charles se rend en Angleterre au début de l’année 1912 pour discuter des options de financement avec ses associés britanniques, emmenant avec lui sa femme, sa fille, son gendre, son secrétaire et sa domestique. Mais, en avril, il est impatient de retourner en Amérique du Nord – en partie pour assister à l’inauguration de l’hôtel Château Laurier à Ottawa (voir photo ci-dessus prise en 2014), mais aussi parce que l’une de ses autres filles traverse une grossesse difficile.
J. Bruce Ismay (dont nous parlerons plus tard), président de la compagnie maritime White Star Line propriétaire du Titanic, invite personnellement Charles à se joindre à lui pour le voyage inaugural du navire.
Charles et sa famille partagent une suite luxueuse en première classe, probablement similaire à cette réplique construite au California Science Center. Ils ne profiteront pas longtemps de ces luxueux espaces. Lorsque le Titanic heurte un iceberg à 23 h 40 le 14 avril, Charles aide sa femme, sa fille et sa femme de chambre à monter dans un canot de sauvetage. Malheureusement, il ne parvient pas à se sauver.
Charles, son gendre Thornton Davidson et son secrétaire Vivian Payne font partie des 805 hommes qui périssent cette nuit-là. À sa mort, Charles Melville Hays possédait une fortune de 565 000 dollars, soit l’équivalent d’environ 15 millions d’euros aujourd’hui.
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J. Bruce Ismay, président de la White Star Line, hérite de l’entreprise de son père, Thomas, à l’âge de 36 ans. Ce dernier avait fondé la compagnie maritime en 1867 et l’avait dirigée jusqu’à sa mort en 1899.
Soucieux de concurrencer le grand rival de la White Star Line, la Cunard Line, Bruce souhaite construire une flotte de grands paquebots. Il en résulte trois navires : le RMS Olympic, le RMS Britannic et le RMS Titanic. Lorsque le Titanic prend le large en avril 1912, Bruce participe à son voyage inaugural afin de superviser les opérations.
La nuit du naufrage, Bruce se fait évacuer à bord de l’un des canots de sauvetage gonflables du navire, le canot C, environ 20 minutes avant que le Titanic ne coule. Ce geste le hantera jusqu’à la fin de sa vie. Dès son arrivée à New York, Bruce est vivement critiqué pour s’être assuré une place parmi les rares disponibles sur un canot de sauvetage alors que tant de passagers – y compris des femmes et des enfants, censés être prioritaires – se sont noyés.
Pour ne rien arranger, une enquête révèle qu’il avait réduit le nombre de canots de sauvetage sur le Titanic et l’Olympic, passant de 48 à 16. Il aurait également encouragé le capitaine à tester la vitesse maximale du navire dans des eaux glacées.
Si Bruce survit au Titanic, sa réputation est en ruines. L’enquête britannique conclut toutefois qu’il a aidé autant de passagers que possible avant de se faire évacuer sur l’un des derniers canots de sauvetage disponibles. Mais le public continue à le vilipender et il se replie sur lui-même.
Jusqu’à la fin de sa vie, Bruce travaille pour une compagnie d’assurance qui verse de l’argent aux proches des personnes décédées lors du naufrage. Il fait don de 36 000 dollars (l’équivalent de plus de 545 000 euros aujourd’hui) à des organisations caritatives liées à la mer. Il décède en 1937 et est inhumé au cimetière de Putney Vale, à Londres. Sa fortune, estimée à 693 305 dollars à l’époque (hors biens immobiliers), équivaut aujourd’hui à plus de 12,8 millions d’euros.
George Dennick Wick est né dans l’Ohio en 1854. Il fonde la société sidérurgique Youngstown Sheet and Tube Company en 1900, en partenariat avec James Campbell, et en devient le premier président. Puis, en raison de problèmes de santé, Wick est contraint de se retirer temporairement de ses fonctions. En 1912, il entreprend un périple en Europe dans l’espoir de récupérer des forces.
George monte à bord du Titanic à Southampton en compagnie de sa femme et de sa fille, qui s’appellent toutes les deux Mary. La cousine de George, Caroline Bonnell, ainsi que sa tante, Elizabeth, les rejoignent également. Selon un témoignage de Caroline publié dans le Youngstown Daily Vindicator le 19 avril 1912, George est vu pour la dernière fois en train de faire des signes de la main à ses proches alors qu’ils prennent place dans les canots de sauvetage.
Si tous les membres de sa famille parviennent à réchapper au naufrage, George n’a pas cette chance. Son corps n’a jamais été retrouvé après la tragédie et il a été officiellement déclaré disparu en mer. Pour honorer sa mémoire, la ville de Youngstown organise une minute de silence à 11 heures le 24 avril 1912. Le silence est observé dans les écoles, les magasins et les usines de la région, y compris à la Youngstown Steel and Tube Company (ici en photo).
George aurait été à la tête d’une fortune de 900 000 dollars à sa mort, soit environ 28 millions d’euros aujourd’hui.
Isidor et Ida Straus sont les premières personnes de cette liste à être devenues millionnaires de leur vivant. Selon un article du New York Times publié suite à leur mort tragique, le couple disposait d’une fortune combinée de 3,8 millions de dollars, soit l’équivalent d’environ 104 millions d’euros aujourd’hui, grâce à leur implication dans le grand magasin Macy’s à New York.
Fort de son expérience dans la vaisselle, Isidor avait ouvert le département de verrerie et de porcelaine chez Macy's. En 1896, avec son frère Nathan, il est devenu l’unique propriétaire de ce magasin emblématique. Par ailleurs, Isidor a également siégé au Congrès américain pendant un an.
Isidor et Ida forment un couple dévoué qui s’écrit quotidiennement lorsqu’Isidor est en voyage d’affaires. Vers la fin de l’année 1911, ils partent ensemble et passent l’hiver et le début du printemps 1912 en Europe. Selon certaines sources, ils sont censés prendre un autre bateau pour rentrer chez eux, mais les grèves des mineurs en Angleterre entraînent l’annulation de leur voyage initial. À la place, ils réservent deux billets de première classe pour le Titanic. Une décision qui s’avèrera fatale.
Lorsque le bateau commence à couler, Isidor refuse de monter dans un canot de sauvetage alors que des femmes et des enfants se trouvent encore à bord. Ida insiste pour rester à ses côtés. Elle lui aurait alors dit : « Ma place est auprès de toi ». Elle donne son manteau de fourrure à Ellen Bird, sa femme de chambre, et l’aide à monter dans un canot de sauvetage. Le couple Straus demeure enlacé sur le pont jusqu’à ce que le navire coule. Leur histoire a inspiré une ballade populaire intitulée The Titanic’s Disaster (feuille de chant illustrée ici).
Le corps d’Isidor est retrouvé et enterré dans le mausolée familial Straus, au cimetière de Woodlawn, à New York. Quant à Ida, dont la dépouille n’a jamais été retrouvée, les enfants du couple auraient rempli une urne d’eau provenant du site du naufrage et l’auraient placée aux côtés d’Isidor dans le mausolée.
Le cénotaphe du couple comporte une citation du Cantique des cantiques : « Les grandes eaux ne peuvent éteindre l’amour, les flots ne peuvent le noyer ». La photo ici présente montre une plaque commémorative située au rez-de-chaussée de Macy’s.
Avec une fortune estimée à 4 millions de dollars en 1912 (environ 108 millions d’euros aujourd’hui), Benjamin Guggenheim a lui aussi atteint le statut de millionnaire de son vivant. Il est le fils d’un riche magnat de l’industrie minière qui a émigré de Suisse vers l’Amérique en 1847.
Benjamin rejoint rapidement l’entreprise familiale et hérite du surnom de « prince de l’argent » en raison de son intérêt pour l’extraction des métaux précieux. Lorsqu’il monte à bord du Titanic, il a 46 ans.
Benjamin embarque sur le Titanic avec sa maîtresse, une chanteuse française du nom de Léontine Aubart. Emma, la femme de chambre d’Aubart, mais aussi Victor, le valet de chambre de Benjamin, et René, son chauffeur, font également partie du voyage. Benjamin est en plein sommeil lorsque le Titanic heurte l’iceberg à 23 h 40 et ne se réveille qu’après minuit.
Selon des témoins, il aide Léontine et Emma à monter à bord d’un canot de sauvetage avant de retourner dans sa cabine pour enfiler sa tenue de soirée. Alors que les derniers canots partaient vers le large, Benjamin aurait déclaré : « Nous avons revêtu nos plus beaux habits et nous sommes prêts à descendre en gentlemen ». Sur la photo, Florette, l’épouse de Benjamin, attend des nouvelles de son mari devant les bureaux de la White Star Line à New York.
Les corps de Benjamin et de Victor n’ont jamais été retrouvés. Le sort de l’éminent homme d’affaires est largement relaté dans les journaux de l’époque. Dans The New York Times, son frère Daniel déclare alors : « Je ressens une grande amertume face aux circonstances qui ont rendu ce naufrage possible. Il aurait pu être évité. Bien sûr, je ne suis pas objectif. Ma perte est immense ».
George Dunton Widener est le fils de Peter Arrell Browne Widener, un homme d’affaires américain qui a des intérêts dans le tabac, les voitures et le pétrole. Peter – mort trois ans après son fils en 1915 – laissera derrière lui une fortune de 35 millions de dollars, soit l’équivalent de 762 millions d’euros aujourd’hui. Son fils, George, qui travaille pour l’entreprise familiale, est donc sans aucun doute l’un des passagers les plus riches du Titanic. Le statut de la famille se reflète dans leur opulente demeure de Lynnewood Hall, en Pennsylvanie, considérée comme l’un des plus grands manoirs de l’âge d’or américain.
George voyage à bord du Titanic avec sa femme, Eleanor, et leur fils Harry. La nuit du naufrage, les Widener partagent un dîner avec le capitaine du navire, Edward John Smith. Après le repas, George et Harry se retirent dans le fumoir avant d’aller se coucher. Réveillés par la collision avec l’iceberg, ils se précipitent pour escorter Eleanor et sa femme de chambre jusqu’au canot de sauvetage n°4. Malheureusement, les deux hommes ne parviennent pas à embarquer. George et Harry périssent dans le naufrage et leurs corps ne seront jamais retrouvés.
Endeuillée, la famille Widener, immensément riche, demande au designer Louis Comfort Tiffany, fils du fondateur de Tiffany & Co, de créer des vitraux en hommage à George et à Harry pour l’église Saint-Paul à Elkins Park : les « vitraux Tiffany ». Sur cette photo, on peut voir un vitrail créé à la mémoire de Josephine Widener, la mère de George.
Aujourd’hui, la demeure de Lynnewood Hall n’est plus que l’ombre d’elle-même. Ce manoir abandonné est resté inoccupé depuis les années 1950, et en 2014, un architecte spécialisé dans la restauration de vieux bâtiments avait estimé qu’il faudrait environ 50 millions de dollars (l’équivalent de 63,4 millions d’euros aujourd’hui) pour lui redonner sa splendeur d’antan. En 2023, cependant, Lynnewood Hall a été acheté pour 9 millions de dollars (8,9 millions d’euros en 2024) par la Lynnewood Hall Preservation Foundation, récemment créée.
John Jacob Astor IV n’était pas seulement la personne la plus riche à bord du Titanic – il était également l’homme le plus riche d’Amérique et l’un des plus riches du monde. Né dans la famille Astor à Rhinebeck, New York, en 1864, John reçoit une éducation privilégiée et entre dans l’entreprise immobilière familiale dès son jeune âge.
Il est également un écrivain et un inventeur passionné. À 30 ans, il rédige un roman de science-fiction intitulé A Journey in Other Worlds, dont l’action se déroule en l’an 2000. Parmi ses inventions, on compte un frein pour bicyclettes et une version précoce de moteur à turbine.
Après avoir divorcé de sa première femme, John, 47 ans, épouse en septembre 1911 Madeleine Force, alors âgée de 18 ans. Ce mariage fait l’objet de nombreuses critiques, tant pour l’écart d’âge de 29 ans entre les deux époux que pour le fait que John vient tout juste de divorcer de sa première femme, Ava. Pour échapper à la presse, les Astor s’éclipsent lors d’une longue lune de miel en Égypte et en Europe.
Ils quittent New York à bord du navire jumeau du Titanic, le RMS Olympic, et prévoient de rentrer chez eux à bord du Titanic en avril 1912. Lors du naufrage, Madeleine est enceinte de cinq mois, et John demande la permission de monter dans le canot de sauvetage avec elle, afin de veiller sur elle. L’officier Charles Lightoller, qui sera le dernier survivant secouru par le Carpathia, lui demande alors d’attendre que toutes les femmes et les enfants soient évacués en premier. John et Madeleine ne se reverront jamais.
On rapporte qu’au moment où le corps de John a été repêché, il avait sur lui 2 440 dollars en liquide, une somme équivalente à 66 000 euros aujourd’hui. Quant à Madeleine, elle donne naissance à leur fils, qu’elle nomme John Jacob en hommage à son père, quatre mois plus tard. Le garçon, qu’on surnomme« Jakey », est qualifié par la presse de « bébé du Titanic ». Bien que son père ait trouvé la mort en mer, et comme on peut le voir sur cette photo, Jakey semble n’éprouver aucune crainte à monter à bord du SS Leviathan, un navire encore plus imposant que le Titanic.